Faire converger transition numérique et transition écologique

Résumé du webinaire du 15 avril 2021 "Sobriété et accessibilité au numérique en contexte de transition écologique", avec Mélanie McDonald et Martin Deron de Chemins de transition, ainsi que Nicolas Bernier et Dominic Cliche de la Commission en éthique des sciences et technologies, organisé par inven_T de l'Université de Montréal.

Fracture numérique : une question de justice
Dominic Cliche définit la fracture numérique comme "l'ensemble des inégalités liées à l'accès et à l'usage du numérique", qu'elles soient matérielles, cognitives, socioéconomiques, générationnelles ou géographiques. Internet haute vitesse, par exemple, est devenu une exigence de la vie normale, ce qui peut générer des exclusions sociales ou politiques.

Du moment qu'on considère internet comme un espace public et un lieu virtuel structurant pour la démocratie, la fracture numérique devient un amplificateur d'autres inégalités sociales. Selon Dominic, c'est donc une question de justice à la fois distributive (accès équitable) et sociale.

L'impact insoutenable du numérique
Pour Martin Deron, la transition numérique de nos sociétés est bien avancée. Derrière son aspect virtuelle, il s'agit d'une industrie en réalité très matérielle (centres de données, appareils, réseaux) qui a des impacts peu visibles mais inquiétants. Le numérique génère par exemple déjà deux fois plus d'émissions que le secteur aérien, un chiffre qui ne tient pas compte du traitement des déchets électroniques. Selon Martin, les projections de croissance sont insoutenables, avec l'essor de l'internet des objets par exemple. De plus, le coût environnemental pour extraire les matériaux nécessaires est de plus en plus élevé, en plus des tensions géopolitiques qui sont à considérer.

Le numérique peut être précieux pour soutenir des transformations d'envergure, mais seulement si la transition numérique et la transition écologique sont articulées ensemble. Il importe entre autres de gérer collectivement l'allocation des ressources numériques. La sobriété numérique est un mot qui s'est imposé dans les tables de discussions animées par les Chemins de transition, qui ont permis de dégager une vision pour 2040 ( détails ici ).

Des actions concrètes
La suite de la démarche des Chemins de transition est de tracer le chemin entre le présent et cette vision. Actuellement, le numérique n'est pas vu comme une ressource limitée, des inégalités persistent, le modèle dominant s'appuie sur une économie de l'attention et la gouvernance est peu souveraine. Mélanie McDonald explique que 35 jalons ont été identifiés dans ce chemin vers 2040, où le numérique sera compatible avec la transition écologique et où les développements découleront de choix collectifs.

Un des principaux jalons pour prioriser les usages est de mettre en place une structure de gouvernance polycentrique permettant de répartir les ressources. Une étape préalable est de sensibiliser les gouvernements (voir internet comme service essentiel et miser sur l’accroissement des capacités d'utilisation). La sensibilisation des utilisateurs et utilisatrices est également essentielle, par exemple pour mener à une mutualisation des équipements et pour en arriver à considérer le lowtech pour répondre aux besoins de base. Ça implique également de penser des modèles d'affaires alternatifs, par exemple en s'appuyant sur des communs numériques.

Développer un cadre d'analyse global
La Commission en éthique des sciences et technologies travaille sur un avis portant sur les impacts écologiques du numérique, qui abordera des aspects législatifs et internationaux. Nicolas Bernier mentionne que la difficulté d'accès à certains chiffres (produits mis en circulations, produits recyclés...) constitue un défi dans cette démarche. Il faut développer un cadre d'analyse global qui prend en considération l'ensemble des ressources, des émissions et des métaux critiques, explique-t-il. Ces derniers soulèvent des enjeux majeurs et sont également nécessaires pour le développement de technologies vertes (panneaux solaires, voitures électriques), ce qui soulève la question d'une gouvernance globale. Il importe également de prendre en considération les potentiels effets rebonds de la réduction des émissions : plus on optimise les ressources et les coûts, plus on a tendance à consommer. Certains effets sont difficiles à évaluer; par exemple l'augmentation télétravail transforme les modes de vie et peut se répercuter par une augmentation des distances totales parcourues.

Enfin, des enjeux de justice internationale se posent pour assurer une juste participation de tous, incluant des acteurs éloignés ou marginalisés. Le traitement des déchets électroniques est un bon exemple, ajoute Nicolas, alors qu'on observe beaucoup d'exportations illégales et des conditions de travail déplorables.

Changements culturels
Des changements culturels s'imposent. Êtes-vous prêt-e-s à regarder vos vidéos sur internet avec une plus basse résolution? En tout cas, dans le contexte de concurrence actuelle, les entreprises hésiteront à faire le premier pas!

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Intégré par Annick Davignon, le 6 avril 2024 10:51
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Intégré par Équipe En commun, le 12 avril 2023 09:12
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Réfléchir et analyser, Transition et transformation numérique, Pollution numérique et impact écologique

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Publication

22 avril 2021

Modification

22 juin 2023 10:16

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