Lorsqu’on parle de l’agriculture de proximité, on pense surtout fruits et légumes, oeufs, viandes et fromages, mais plus rarement céréales qui sont davantage associées aux circuits longs, aux marchés internationaux et à des fermes de grande taille très mécanisées. Pourtant, dans ce domaine aussi, des réseaux de production et distribution de grains se positionnent comme alternatives au système conventionnel et promeuvent la diversification des cultures et des variétés de semences, l’adoption de pratiques de production durables et une meilleure valorisation du travail des producteurs et des artisans. Ces réseaux ont vocation à favoriser les économies locales en réduisant les distances géographiques et relationnelles entre les agriculteurs, les meuniers, les boulangers et les consommateurs. Cette étude compare les retombées de deux réseaux céréaliers dans les régions du sud-Tyrol en Italie et du Colorado aux États-Unis.
L’objectif des chercheurs était d’explorer les structures organisationnelles de ces deux initiatives, ainsi que les acteurs impliqués et le profil des consommateurs intéressés. Le réseau situé au nord de l’Italie, nommé Regiokorn, est en place depuis 2011 et compte parmi ses membres un meunier, 55 fermiers et 35 boulangers. Un contrat est établi entre les producteurs italiens et le meunier, mais aucun contrat formel n’encadre les transactions entre le meunier et les boulangers. L’acteur central est donc le meunier, qui agit comme intermédiaire. Aux États-Unis, le réseau Colorado Grain Chain (CGC) est un organisme sans but lucratif en fonction depuis 2019 qui comprend 11 membres producteurs, 24 transformateurs et des consommateurs. Contrairement au cas italien, aucun contrat formel n’est établi entre les diverses parties prenantes. Dans les deux cas, les attributs les plus appréciés des consommateurs sont les qualités organoleptiques des produits, leur authenticité et leur caractère artisanal et la possibilité de créer des liens en soutenant les petites entreprises locales. Le CGC semble présenter une approche moins formalisée entre les acteurs impliqués et s’étend sur un territoire plus vaste et diversifié, tandis que Regiokorn montre une cohésion collective homogène et centralisée plus importante. Pour les auteurs, quelques dimensions sont essentielles pour la réussite de ces réseaux : les proximités géographique et relationnelle, la viabilité commerciale et une forte implication de toutes les parties prenantes.
Les enseignements
Après les réseaux alimentaires alternatifs, voici les réseaux céréaliers alternatifs. Les deux initiatives étudiées visent le même objectif général, mais reposent sur des structures organisationnelles très différentes pour y parvenir, fruit sans doute des différences de culture entre l’Europe et l’Amérique du Nord. Depuis quelques années, divers acteurs québécois s’attachent à mettre sur pied une chaîne de valeur valorisant les céréales locales : Blé Boulanger du Québec. Cette initiative vise à promouvoir le blé québécois issu de pratiques durables et garantir sa traçabilité. Elle s’inspirera, pour mettre en place sa propre certification, d’un modèle de relations équitables à l’origine de la certification Agri-éthique France et réunira producteurs, meuniers et boulangers.
pdf N°34, fiche n°2 – août – septembre 2024
Rédaction : Marilou Ethier, Patrick Mundler
Ce bulletin vous est offert avec le soutien du ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec (MAPAQ)