Synthèse du compte rendu des ateliers de travail pour transformer en profondeur la production des savoirs et créer des alliances entre la recherche et les luttes sociales ou environnementales.

[Ce billet s’inscrit dans l'événement Métamorphose des savoirs des Rencontres Sans Transition qui avait lieu à Paris les 5 et 6 novembre 202, et présente les résultats de l’atelier La complexité des crises appelle à une métamorphose des savoirs ]

SYNTHÈSE DES PRINCIPAUX ENJEUX SOULEVÉS:

Besoin de lier production de savoirs et passage à l’action

• Un savoir créé doit pouvoir s’incarner, car la possibilité d’action encourage la production de savoirs. À l’inverse, créer du savoir sans possibilité d’action est quelque chose de très violent.

Besoin de créer des lieux communs et des tiers-lieux

• Créer et multiplier les lieux où on peut faire les choses ensemble et où on peut créer en commun.

Besoin de prendre conscience des rapports de pouvoir de la recherche

• Impression d’être “pris pour des lapins” dans la recherche participative

• Tensions liées au niveau du langage scientifique utilisé

  • Ex.: les scientifiques parlent de matériel génétique alors que les luttes paysan.ne.s réfèrent au vivant

• Tensions liées autour de l’argent de la recherche, comment il est partagé

• Tensions liées aux cautions politiques de la recherche, à qui sert la recherche

• Phénomène de concurrence et d’accélération de la recherche qui n’est pas compatible avec le temps des luttes

• Phénomène d’extraction du savoir par la recherche

  • Ex.: on ne s'assure pas que les luttes se réapproprient les résultats de la recherche

Besoin de prendre conscience des différences entre la ville et la campagne

• En ville la conscience d’appartenir à un territoire est très difficile

  • On bouge beaucoup, il y a peu ou pas d’ancrage à long terme

  • Les habitant.e.s  historiques se retrouvent souvent confronté.e.s aux vagues de gentrification qui arrivent

• En campagne, il y a beaucoup plus de liens et un ancrage du temps long

  • ancrage de génération en génération sur le territoire

  • conscience des interdépendances, des enjeux du territoire

• La bétonisation d’un territoire a un impact sur le temps long

  • Les ingénieurs qui arrivent dans un territoire n’ont pas conscience de ce qu’ils sont en train d’écraser

    • toutes les terres agricoles, toute leur histoire, toutes leurs familles

Besoin de redonner de la légitimité aux savoirs oraux

• Pour les autochtones, le savoir est transmis de façon orale

• Aujourd’hui, les savoirs oraux font face à un manque de reconnaissance et de légitimité face à la science

• La science pourrait se mettre au service des savoirs oraux afin de les rendre visibles et légitimes

Besoin de se réapproprier les savoirs vernaculaires

• Ces savoirs étaient beaucoup plus présents dans le passé, notamment au travers les savoirs ouvriers

• Comment s’inspirer de ces expériences passées pour redonner de la pertinence et de la légitimité aux savoirs vernaculaires

Besoin de dé-spécialiser, dé-professionnaliser les savoirs

• qui initialement étaient des savoirs domestiques qui ont été professionnalisés

  • Par exemple, comment mettre sur un même pied d’égalité la santé communautaire et la santé de la médecine professionnalisée

Besoin de re-créer les rapports de force

• entre les institutions et les autres savoirs

PRINCIPALES PISTES DE SOLUTIONS PROPOSÉES

Se poser des questions cruciales telles que

• Comment faire une recherche participative qui ait du sens?

• Comment s’assurer que tous soient au même niveau ?

• Comment définir les problèmes ensemble?

• Comment on s’assure que tous peuvent participer?

  • Question de temps, de transport, de moyens

Faire une recherche qui supporte les luttes

• en aidant à poser des noms sur les phénomènes complexes qui sont vécus quotidiennement dans les luttes

• en mettant en lumière les conflits

• en permettant de re-cadrer et mieux voir ce que les luttes sont en train de faire

Conserver intacts les territoires qui n’ont pas encore été colonisés

• On se fie beaucoup sur le passé pour comprendre le présent et appréhender le futur.

• Cependant avec les changements climatiques, le passé n’est plus garant du futur

• Protéger les espaces non colonisés permet d’observer les grandes lois de la nature et d’observer comment la nature réagit aux changements et s’en inspirer pour tracer le contour des réponses possibles

Mettre en oeuvre des stratégies pour re-légitimer les savoirs traditionnels

• Stratégie 1 : Recoder les savoirs traditionnels dans le langage dominant

  • Cette approche comporte le piège de voir ces savoirs être cooptés

• Stratégie 2 : Créer de nouvelles institutions

  • Cette approche aurait pour objectif de créer un nouveau rapport de force dans la société entre les savoirs dits "scientifiques" et les autres savoirs

• C’est peut-être une combinaison de ces deux stratégies qui doit être réalisée

  • En créant des alliances entre la recherche et des initiatives locales déjà existantes

Cartographier nos milieux de vie et les territoires que l’on habite

• Cartographier

  • la circulation du pouvoir

  • les réseaux d’interdépendance/d’alliances possibles

  • les luttes en cours

  • les initiatives de transitions

  • les besoins en recherche

• et ce, tant au niveau local que national

• Créer des cartes qui peuvent se superposer, pour faire émerger des alliances potentielles

• Interpeller des artistes pour mettre en images ces cartes

• Les faires imprimer et créer une oeuvre qui puisse être touchée, manipulée, affichée et partagée

  • Voir l'exemple de la carte de la Zone à défendre (ZAD) de Notre-Dame-Des-Landes qui a été imprimée en 3000 exemplaires et distribuée au coût de 1 euro pour assurer son déploiement de façon organique

Créer une page wikipedia

• Créer une page wikipedia permet de formaliser l'histoire et le patrimoine culturel d'un milieu de vie ou d'un territoire par et pour les habitant.e.s
  • Voir l'exemple de l' Effondrement des immeubles rue d'Aubagne à Marseille où les habitant·e·s se sont réapproprié leur version de l'histoire au travers une démarche d'enquêtes populaires
  • Ils ont même réussi à convaincre Google Map de renommer le lieu où les effondrements ont eu lieu : Place du 5 novembre . Cette approche leur a permis d'inscrire dans le temps et formellement la tragédie qu'iels ont vécue.