En 5 ans que peut-on accomplir ?

Lu dans La Presse aujourd'hui " Le Réchauffement pourrait atteindre 1,5 degrés d'ici 2025 ". D'après les dernières estimations de l'Organisation météorologique mondiale, le risque que la température mondiale annuelle moyenne augmente temporairement de 1,5 degrés d'ici 2025 serait actuellement de 40% et ce risque aurait plutôt tendance à augmenter, non en raison d'une évolution brusque des indicateurs climatiques mais plutôt en raison de meilleures données. Bref, il se pourrait bien que si nous avions des données plus exactes sur ce qui se passe réellement, notre représentation de ce qui s'en vient serait encore plus sombre que celle que nous avions déjà du mal à assimiler. Avant cet article, des propos récents du sénateur du Vermont, Bernie Sanders, m'avaient déjà mis la puce à l'oreille : Lui parlait plutôt de 6 à 10 ans pour agir contre les changements climatiques.

L'horloge climatique de Concordia consultée aujourd'hui nous donne encore 11 ans avant l'atteinte de ce seuil fatidique à partir duquel, selon l'accord de Paris sur le climat, nous aurons à nous confronter aux "conséquences les plus néfastes d’un réchauffement planétaire". Il semble qu'il y aurait lieu de mettre à jour cette horloge en révisant beaucoup à la baisse ce "temps qu'il nous reste pour agir".

J'ai aussi noté que les représentations issues de la théorie du Beigne élaboré par Kate Raworth, qui montrent des plafonds écologiques et des planchers de "fondement social" largement outrepassés pouvaient aussi souffrir de chiffres inexistants ou insuffisants pour les rares cadrants qui n'étaient pas déjà au rouge.

Bref notre fenêtre d'action possible est sans doute encore plus étroite que celle à laquelle je croyais en démarrant ce collaboratboire.

On dit qu'on surestime généralement ce qu'on peut faire en un an mais qu'on sous-estime ce qu'on peut faire en 10 ans. Le constat se voulait encourageant. Mais sur une durée deux fois plus courte que peut-on réellement accomplir ? Je n'ai bien sûr pas la réponse à cette question mais c'est sûr que cette nouvelle conscience va teinter mon ambition de tenter de faire des institutions bibliothèques de meilleurs outils de la transition socio-écologique. Ce dessin de petite graine choisi pour démarrer ce collaboratoire n'aura peut-être pas le temps de se tranformer en plante qui donne tous ses fruits. D'autres initiatives en transition qui utilisent parfois la même image de la graine en germination (Je pense à la formidable et si inspirante initiative du Grand dialogue régional pour la transition du Saguenay-Lac-St-Jean) seront peut-être également empéchées. Tous les activitistes que nous sommes - individus ou organismes - devront sans doute intégrer d'une manière ou d'une autre cette fenêtre de temps pour agir encore qui semble se réduire comme peau de chagrin.

Où est mon pouvoir d'agir ? Ce pouvoir est, je le sais mieux maintenant, très local : moi-même, mon entourage immédiat, mon territoire propre, disctinct et universel à la fois. Un pouvoir très limité mais en même temps très puissant.

Quoi privilégier ? Ce qui me vient dans l'immédiat c'est de tenter de conforter les institutions bibliothèques - aussi - dans leur pouvoir de soutenir réellement l'existence d' "oasis de fraternité" telles que ce petit ouvrage d'Edgar Morin publié en 2019 chez Actes-Sud les décrit, "La Fraternité, pourquoi ? Résister à la cruauté du Monde". Soutenir les relations et l'économie de partage, apprendre à lutter encore plus efficacement contre les préjugés et la haine. Il faut le reconnaître, nous sommes des êtres transformateurs et destructeurs de notre habitat, particulièrement dans notre version obnubilée par les calculs rationnels et monétaires. Nous avons presque tout détruit autour de nous et même en nous, reste à savoir si nous serons capables de trouver à temps des façons de préserver les sources de vie qu'il nous reste et de ne pas nous détruire davantage entre-nous dans l'intervalle.

Bien des facettes fonctionnelles des bibliothèques sont déjà investies dans le sens du vivre ensemble ou pourraient l'être encore davantage : "filet de protection sociale", "tiers-ieu", "berceau de la démocratie", "symbole des aspirations de la communauté" et même "Gardiennes du patrimoine culturel", des actions sont posées...  Dans les bibliothèques québécoises comme ailleurs, le thème de "l'équité, diversité, inclusion" commence à être discuté et on s'efforce de mieux faire. Les étudiants bibliothécaires de l'EBSI (UdeM) ont été formés cette année , de nouveaux engagements formels sont pris, parfois même en collectif ... mais bien sûr on peut mieux faire.

Comme me l'a rappelé aujourd'hui cette entrevue vidéo de notre regretté Serge Bouchard, il serait ainsi particulièrement urgent de réviser ou réactualiser - en l'ancrant dans la réalité des données historiques mais aussi de notre vécu - l'idée que nous nous faisons de nous-mêmes comme peuple : un peuple bien plus fondé dans le creuset de la diversité que le discours politique ne le laisse généralement entendre. Un peuple bien plus engagé dans la redéfinition d'un contrat social qui tienne davantage la route qu'on ne le croit en surface.

L'initiative de la " Charte des paysages des Amériques " découverte grâce à une présentation de Raquel Peñalosa me paraît prometteuse à cet égard. Ses principes vont comme suit :

1) Se comprendre comme partie d'un tout vivant ("incorporer tout ce qui vit"), comme premier principe précédant tous les autres ;

2) Récupérer la cosmovision et la vision de la sacralité ;

3) Considérer les spécificités du palimpseste du territoire en échelles d'espace et de temps afin de réduire les inégalités sociales et de maintenir l'identité des Amériques ;

4) Repenser l'éthique dans sa relation avec l'esthétique ;

5) (Re)découvrir les racines de l'américanité comme condition d'avenir.

Rapport à l'histoire dans toute sa particularité et sa complexité, rapport au concret du territoire, pouvoir des récits, de la créativité.. de multiples pistes se dessinent qui me semblent encore empruntables avec profit.

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Réflexions d'une bibliothécaire qui veut en faire plus pour la transition
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Intégré par Pascale Félizat, le 15 mai 2023 14:47

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27 mai 2021

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17 février 2023 09:12

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