Portrait de groupe à l’occasion du Mois de la terre

Une liste de 59 activités recommandées à l’occasion du Mois/Jour de la terre permet de se faire une idée de ce que font les bibliothèques américaines à cette occasion. Pouvons-nous mieux faire ?

Une activité se démarque des 59 autres. Madeleine Charney , une des rares bibliothécaires spécialistes en environnement, a mis en place à l’Université du Massachusetts, un club de lecture sur 7 semaines de l’ouvrage d'Adrienne Maree Brown « Emergent Strategy : Shaping Change, Changing Worlds ». Lors de ces 7 rencontres d’une à deux heures animées en participatif, les participants étaient invités à la création artistique, à la méditation, à choisir des techniques d’animation de groupe adaptées. À la fin de l’expérience, tous les membres de la bibliothèque étaient invités à assister à une célébration de ce qui avait pu être appris et apprécié du groupe à cette occasion.

Dans une vidéo de 5’ recommandé par Madeleine Charney , Adrienne Maree Brown résume en quelques mots le propos de son livre par cette citation de la romancière visionnaire Octavia Butler : « Toute vie réussie est adaptable, opportuniste, interconnectée, tenace et féconde, comprenez-le, utilisez-le, donnez une forme à Dieu (shape God)». Utiliser une « Stratégie émergente » consiste à apprendre à être « fractals », « adaptatifs» (c’est-à-dire adapter ses moyens au contexte en transformation en gardant à l’esprit son intention initiale), non linéaires, itératifs, résilients (Nous commençons à peine à entrevoir, par exemple, ce que pourrait signifier pour nous, en tant qu’espèce, de mettre en place une justice transformatrice), interdépendants, décentralisés, et créateurs de possibilités toujours plus nombreuses.

La clé pour ne pas se sentir dépassé-es par la difficulté de s’attaquer réellement à ces enjeux complexes et lourds d’émotions : Comprendre que ce à quoi nous prêtons réellement attention, grandit.

L’initiative inspirante de Madeleine Charney avec les membres de son équipe montre le milieu des bibliothécaires a son meilleur, tentant vaillamment d’embrasser les changements profonds qui s’imposent. Cette initiative semble toutefois encore isolée si on en croit la liste d’activités consultée.

Seulement 2 autres activités mentionnées invitent également à la réflexivité et au sens critique (un World café sur les changements climatiques et un atelier sur la vérification des faits dans les articles scientifiques).

11 (19%) de ces activités font mention d’au moins un partenaire et 2 activités seulement concernent la connaissance du milieu local (il s’agit de rivières, voir note 1). Deux critères qui, avec la réflexivité et le sens critique, seraient des musts du point de vue de la recherche en éducation relative à l’environnement.

Activités très présentes mondialement dans nos bibliothèques, 16 (27%) de ces activités concernent des écogestes et 8 (14%) des grainothèques.

Enfin, 9 (18 %) de ces activités concernent l’écoresponsabilité de l’institution confirmant la confusion commune déjà observée – y compris au Québec - entre activités éducatives et écocivisme, deux types d’actions qui ne sont pas de même nature lorsqu’il s’agit d’en mesurer l’impact. Et malheureusement de mesure d’impact de ces activités, il n’est toujours guère question dans nos institutions.

Je crois que nous avons tout ce qu’il nous faut à Montréal pour faire mieux. Nos bibliothèques sont innovantes, partenaires et solutions foisonnent. Finalement, cette liste témoigne davantage de nos attentions limitées que de nos richesses réelles.

Il serait grand temps, comme le suggère Adrienne Maree Brown, de leur prêter réellement attention, de se faire une idée aussi claire et partagée que possible de l’endroit où vous voulons collectivement nous rendre et - telles les fourmis qui construisent un radeau de leurs corps pour échapper ensemble à l’inondation – de faire davantage front commun pour espérer avoir réellement un impact !

Notes

1 : Conversation communautaire sur la santé et l'histoire de la rivière qui traverse le territoire de service de la bibliothèque : soirée d’observation le premier soir de la série puis panel d'experts sur la rivière le jour suivant (le Jour de la Terre). Cette initiative a connu une grande affluence. Par ailleurs, des bibliothèques de tous types ont appuyé des travaux de nettoyage de l'environnement comme l'opération Riverkeeper Sweep dans l'État de New York.