Cette note présente une synthèse du rapport de recherche déposé au Réseau québécois de développement social (RQDS) dans le cadre du projet « Expérimentation de transfert de connaissances au sein du Réseau québécois de développement social en matière de lutte contre la pauvreté au Québec » en 2007.
Le contenu de l'étude s'adresse à la fois aux praticien·nes, aux chercheur·euses, aux décideurs·euses et aux citoyen·nes, afin de favoriser une approche intégrée et concertée de lutte contre la pauvreté
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La recherche : analyser les pratiques performantes en lutte contre la pauvreté
Méthodologie
La méthodologie de recherche comprenait 9 études de cas dans diverses régions du Québec. Les données de cette étude ont été recueillies auprès de la littérature et 63 entrevues qualitatives avec des acteurs clés. L'analyse est ancrée dans les dynamiques territoriales, les discours des acteurs et les pratiques de terrain. Cette réflexion s’inscrit dans la continuité des travaux que l'Université de Montréal mène depuis 2002, dans le cadre du Groupe de recherche sur les transformations du travail, des âges et des politiques sociales.
Les organismes étudiés :
- La Table des partenaires du développement social de Lanaudière
- Le Carrefour du développement social de la MRC de Drummond
- Partenaires de revitalisation des anciens quartiers (PRAQ) de Valleyfield
- Démarche action Montréal Nord
- Table de concert’action de lutte contre la pauvreté de Chicoutimi
- La Coalition d’actions sociales de la Petite-Nation (Papineau)
- La Démarche des premiers quartiers de Trois-Rivières
- Le Centre communautaire Jacques-Cartier
- Femmes en mouvement
Portée
L'étude servira à mieux comprendre la pauvreté au-delà des aspects économiques. Elle vise à éclairer les dynamiques entre la pauvreté en emploi et hors emploi et à promouvoir une mobilisation locale concertée. L'étude permettra aussi d'analyser les interfaces entre les sphères politique, culturelle, sociale et économique afin de créer des actions plus efficaces et plus inclusives à long terme.
Il est possible d'en dégager des leçons, des constats ou des pistes permettant de capitaliser sur les expériences déjà en cours, notamment au plan de l’identification des problèmes, de la planification des actions et des stratégies.
Partenaires
- Université de Montréal
Lise St-Germain (auteure)
Pierre Joseph Ulysse (direction scientifique) - Institut National de recherche scientifique INRS - UCS
Frédéric Lesemann - Financement
Ministère du Développement économique, de l’Innovation et de l’Exportation (MDEIE)
Faits saillants de l'analyse et de l'interprétation des données
- Ancrage territorial : Les initiatives qui réussissent sont fortement enracinées dans leur territoire, ce qui permet une meilleure compréhension des besoins locaux et une mobilisation plus efficace. L'action prend sens dans un espace vécu.
- Mobilisation citoyenne et participation : La participation active des citoyen·nes est cruciale. Les initiatives qui impliquent les résident·es dans les décisions et les actions sont plus efficaces et durables.
- Approche intersectorielle et concertation : Les initiatives qui rassemblent divers acteurs (organismes communautaires, institutions publiques, secteur privé) et qui favorisent la concertation atteignent de meilleurs résultats. Le décloisonnement est une clé.
- Leadership partagé : Le leadership est essentiel, mais il doit être partagé entre plusieurs acteurs, favorisant ainsi la cohésion, la reconnaissance des partenaires, et la pérennité des actions.
- Développement d'une culture de concertation : Une culture de concertation permet un renforcement des liens, une meilleure connaissance des ressources et la capacité de travailler ensemble sur des dossiers communs.
- Financements hybrides : Les initiatives qui diversifient leurs sources de financement (public, privé, communautaire) sont plus stables et autonomes, car elles ne sont pas dépendantes d'une seule source.
- Réflexivité et production de savoirs : Les initiatives qui prennent le temps de réfléchir sur leurs pratiques, d'évaluer et de systématiser leurs actions, augmentent leur crédibilité et leur impact. La documentation des actions est aussi un facteur clé.
- Autonomisation (empowerment) des communautés et des individus : Les pratiques qui visent à développer le pouvoir d’agir des personnes et des communautés, leur permettant de prendre en main leur destinée, sont plus efficaces dans la lutte contre la pauvreté et l’exclusion.
- Création d'espaces inclusifs : Les initiatives qui mettent en place des espaces de rencontre et d'échange (jardins communautaires, cafés, etc.) favorisent le lien social et combattent l'isolement.
- Actions structurantes et durables : Les initiatives qui mettent en place des projets ayant un impact tangible et à long terme sur la vie des personnes et des communautés ont de meilleures chances de succès. Ces initiatives s’inscrivent dans la durée et ne sont pas des solutions ponctuelles.
- Valorisation de l'identité territoriale : Les initiatives qui renforcent la fierté et le sentiment d'appartenance à un territoire augmentent la participation et la mobilisation.
- Approche globale et intégrée : La prise en compte de toutes les dimensions de la pauvreté (économique, sociale, culturelle, etc.) et l'intégration de ces différentes dimensions dans les actions sont cruciales.
Principaux constats de la recherche
Les organismes, des structures médiatrices non-étatiques
Ce sont des organismes clés mobilisant des ressources pour le développement social et économique. Ils répondent essentiellement aux besoins des citoyen·nes et aux manques de l'État. Ils ont un ancrage territorial, des réseaux, un financement hybride et une gouvernance démocratique. Leurs actions vise à refonder le liens sociaux et à renouveler l'action publique.
Le rôle du territoire
Le territoire est une source d'identité collective et la pauvreté s'y vit différemment. Les initiatives étudiées y font face à une double stigmatisation (du lieu et des résident·es). Cependant, le territoire incarne un outil fort pour revendiquer des investissement
sociaux.
Leadership et mobilisation
Les initiatives naissent souvent de crises ou d'évènements marquants. La présence de leadership est essentielle pour assurer la cohésion des relations. Si les municipalités souhaitent renforcer le tissu social et la qualité de vie, elles peuvent compter sur la participation citoyenne, la relève et la mémoire collective pour atteindre leurs objectifs.
Concertation et partenariats
Ce sont des valeurs ajoutées pour l'établissement de réseaux et le transfert d'expertise. Elles peuvent toutefois être perçues comme des contraintes avec des processus décisionnels lents.
Rapport au politique
L'investissement publique est nécessaire, mais crée une dépendance. Les initiatives cherchent à devenir des lieux de participation et de démocratisation et le rôle de l'État évolue en ce sens, en demeurant central dans la structuration.
Tensions et défis
Il y a des tensions entre les aspects économiques et sociaux, ainsi qu'entre l'évaluation à court et long terme. Les modes de gouvernances doivent transformer ces tensions en actions.
Conclusion : du local au global, la solidarité comme moteur
Cette étude met en lumière l'importance cruciale des structures médiatrices non étatiques dans la lutte contre la pauvreté au Québec. Ces organismes, ancrés dans leur territoire, agissent comme des pôles de refondation sociale en mobilisant les ressources locales et en comblant les lacunes de l'État. L'étude souligne la nécessité d'une approche participative et concertée, où les citoyen·nes sont impliqué·es activement dans les décisions et les actions. La mobilisation citoyenne et le leadership partagé sont essentiels pour renforcer le tissu social et améliorer la qualité de vie. Les initiatives qui réussissent se caractérisent par une culture de concertation, des financements hybrides, une réflexivité sur leurs pratiques et un objectif d'autonomisation des communautés. Elles visent à transformer des tensions en opportunités d'action.
La lutte contre la pauvreté exige de reconnaître la multiplicité des facteurs d'exclusion et de favoriser l'arrimage entre les secteurs économiques et sociaux, tout en maintenant un rapport dynamique avec le politique. L'étude appelle à une approche qui est à la fois locale, participative, inclusive et transformatrice pour une lutte efficace contre la pauvreté et l'exclusion.