Pourquoi l’écologie doit être décoloniale ?

Ce billet s’inscrit dans les rencontres Sans Transition et présente les messages portés par Malcom Ferdinand, docteur en philosophie politique et auteur d’ Écologie décoloniale .

Malcom est né en Martinique en 1985 dans un contexte de double crime: colonial et environnemental. En effet, comme tous les enfants de la Martinique, Malcom est né avec la présence de produits chimiques dans le cordon obilical le reliant à sa mère, et a grandi dans les ruines de l’esclavage colonial. Jusqu’à la fin de ses études, Malcom a toujours considéré que ces deux crimes - colonial et environnemental - étaient complètement séparés. Alors qu’il devrait être évident que l’écologie se doit d’être décoloniale, il a réalisé que ce n’était pas le cas et qu’il se retrouvait en fait au prise avec une double fracture.

Mais comment dépasser cette double fracture? C’est ce qu’il a tenté de faire dans son livre Une écologie décoloniale . Dans ce livre, il propose un vocabulaire alternatif pour décoloniser notre imaginaire. Par exemple, en remplacement du terme Anthropocène, il invite à utiliser « Plantationocène » . L’objectif étant de rendre visible que cette époque est caractérisée par le déploiement à l’échelle internationale de plantations qui reposent sur l’exploitation de la terre et des personnes racialisées. Rappelant par le fait même que ce rapport de destruction à la Terre a été imposé par une minorité d’hommes européens.

Il propose également l’expression « habiter colonial » qui permet de mettre en lumière que cette façon d’habiter le monde « a causé des transformations non seulement géographiques, mais également socio-politiques, dictant les rapports sociaux entre hommes noirs et blancs et cosmopolitique, imposant un rapport au monde extractif aux dépens de la biodiversité, du climat et de la fertilité des sols »

Malcom nous invite à prendre conscience du lien entre la colonialité et l'écologie, à réaliser que les sciences de l’écologie comportent des biais du fait qu’elles ont invisibilisées plusieurs voies - autochtones, descendants d’esclaves fugitifs, etc. - pour prioriser la vision de l’homme blanc occidental.

Tirer des alliances

Pour Malcom, on ne pourra faire face à la crise écologique sans sortir de l’imaginaire européen-centré. Nous avons besoin de repenser qui nous sommes, de repenser une société qui représente qui nous sommes dans toute notre diversité.

Pour le philosophe,  l’opposé de la colonialité, c’est la possibilité de rencontrer l’autre, qu’il soit humain ou non-humain:

« Et tous, en rencontrant l’autre, se découvrent un corps nouveau, une Terre-mère peuplée d’alliances humaines et non humaines, véritables compagnons de bord d’un même navire-monde, debout sur le pont de la justice. » (p. 337)

Comment rendre possible les conditions de ces rencontres pour qu’elles soient le plus justes et le plus égalitaires possibles? C’est pour répondre à ce besoin que l'Observatoire Terre-Monde a été créé. L’observatoire a pour objectif de faire connaître les enjeux sociaux, politiques et écologiques qui se passent Outre-mer:

« L’Observatoire Terre-Monde est né d’une volonté partagée de mettre en lumière la diversité des enjeux écologiques inhérents aux territoires dits « d’Outre-mer ».

À l’heure où l’impératif écologique nous enjoint à repenser collectivement nos manières d’habiter la Terre et de vivre-ensemble, l’Observatoire a pour vocation de constituer un lieu d’étude, d’actions et de diffusion de recherches et de connaissances autour des enjeux écologiques inhérents aux territoires « d’Outre-mer » et leurs proches régions.

Les activités de l’association s’articulent aujourd’hui autour de cinq pôles thématiques qui attestent des engagements qui sont les nôtres: la recherche ; la documentation ; l’éducation ; la veille ; et le plaidoyer.

À travers ces actions, nous souhaitons contribuer à instaurer un monde commun, respectueux des droits fondamentaux et dignités des êtres humains tout autant que ceux des non-humains et des écosystèmes de la Terre »

Des rencontres ont lieu sur une base mensuelle, pour en savoir plus vous pouvez vous inscrire inscrire aux séminaires mensuels .

Crédit photo: Université de Paris