
Les leviers 7 et 8 concernent des solutions dont le principe d'action est de moduler des boucles de rétroaction positives ou négatives.
Ces solutions sont souvent ommises dans les discours sur le logement alors qu'elles sont sans doute au coeur de notre capacité collective à régler la plus difficile des conséquences de la crise : Le nombre croissant de personnes contraintes d'habiter dehors.
On est loin de ne rien faire à ce sujet mais on en parle moins que de construire de nouveaux logements.
Sans doute parce que ça fait moins recette politiquement et que c'est plus complexe à analyser. Avancer que la personne qui se retrouve à la rue est loin d'être responsable de ce qui lui arrive car elle a hérité de sérieux handicaps ou encore qu'un nombre croissant d'entre-nous ne sait pas ou ne veut plus habiter "normalement" l'option logement qui lui reste est certainement plus difficile à explorer que le "trop de monde/pas assez de logements" habituel.
Pour engager la discussion, il serait important de tomber d'accord ensemble sur les principales boucles amplificatrices de la crise à l'oeuvre. Ce qui suit est, très modestement, une simple amorce de discussion à ce sujet. Il faudra l'améliorer en en parlant localement le plus largement possible.
Comme on ne veut pas se casser la tête (dans un premier temps) pour savoir s'il s'agit d'une solution de type levier 7 ou levier 8, on a mis ensemble les exemples de solutions avec la boucle de rétroaction (un cercle vicieux identifié) qu'elle vise à compenser.
DESCRIPTIONS DES LEVIERS ET EXEMPLES
Levier 8 : Les boucles régulatrices, la force de la rétroaction par rapport à l'impact à corriger
Levier 7 : Les boucles de rétroaction amplificatrices, La puissance du gain procuré par les boucles de renforcement
Boucle 1 : Plus il y a accumulation du patrimoine, plus l'accessibilité du logement pour tous décroit par accaparement accéléré des m2 et des biens communs disponibles
- Réformer la fiscalité pour rendre la financiarisation moins rentable, en particulier pour les fiducies de placement immobilier (FPI) et réglementer la participation des fonds de pension qui investissent dans la financiarisation (Ces deux mesures ont été préconisées en 2023 par la défenseure fédérale du logement)
- Fiscalité touchant les revenus (76/87) et toutes les évolutions fiscales permettant d'encadrer aussi les revenus de patrimoine notamment celui des femmes (projet de loi en cours).
- Structure de taux progressifs pour l'imposition foncière. Plus le logement est cher, plus les taux d’imposition sont élevés. Exemple Irlande – Local Property Tax (73/87).
- À Montréal, le droit de préemption permet de réserver des terrains pour le logement social et abordable. Le projet de loi 37, déposé le 25 mai 2022, propose d’accorder un droit de préemption général à toutes les municipalités du Québec. (77/87). Fiscalité de type immeuble à usage commercial des propriétaires d'AirBnB
- Interdiction de transformer son plex en maison unifamiliale (on l'a fait à Rosemont par exemple, qu'en est-il de notre territoire ?)
- Interdire la possession de plus de x logements
- Mettre en place une écofiscalité pénalisant les m2 au delà de 50 m2 par personne qui pour créér un incitatif à la location/colocation en plus de générer des fonds pour du logement social
Boucle 2 : Plus il y a d'inéquités plus l'accessibilité du logement pour tous décroit
- Améliorer les planchers de revenus pour tous
- Modifier les règles d'obtention de l'aide sociale pour qu'elle n'interdise pas d'hériter ou constituer un patrimoine immobilier.
- Modifier les règles de contrôle des loyers afin de garantir la protection des locataires en cas d'action en justice.
- Mieux accompagner les personnes fragilisées à des moments cruciaux de leurs parcours de vie (ex-détenus, jeunes assistés sociaux, réfugiés...)
- Reconnaître le fait colonial, notamment autochtone et trouver, avec leur participation active, de nouveaux moyens de le compenser par exemple en octroyant des taux d'intérêts à taux privilégiés.
- Encourager les institutions de prêt à reconnaitre que les organismes communautaires peuvent servir de garants à ceux et celles qui, en raison de leur pauvreté ou de la discrimination, n'ont pas de sources de capitaux notamment les femmes.
- Valeur Imputée au loyer. La valeur imputée au loyer est une taxe calculée à partir du revenu qu’un propriétaire tirerait de la location de la maison qu’il occupe. La mesure est notamment appliquée en Suisse. Les propriétaires bénéficient de déductions d’impôts qui découlent de leur statut de propriétaire (sur les frais de maintenance, sur les intérêts d’hypothèque). Cette mesure fiscale vise donc à réduire les inégalités entre les propriétaires et les locataires qui ne peuvent pas profiter des mêmes avantages. Une étude sur l’inclusion de l’Imputed Rent dans l’Union européenne en 2007 montre que cette mesure diminue les inégalités de revenus relatifs ainsi que les situations de pauvreté chez les aînés (75/87).
Boucle 3 : Plus le verdissement et la qualité de l'aménagement urbain s'améliore, plus l'accessibilité du logement pour tous décroit par accroissement de la volonté des plus riches à habiter ce quartier dans un contexte d'inéquité (gentrification).
Le problème de la gentrification aggravée par l'investissement public est bien repéré dans nos quartiers. Pour le moment, peu de solutions en dehors de s'y prendre avec énormément de préparation en amont de l'intervention et la sanctuarisation des logements sociaux existants ? Il faudrait examiner de près ce qui s'est déjà passé sur notre propre territoire et ce qui a effectivement marché pour contrer le phénomème.
- Logement de remplacement et "zonage location uniquement" pour garantir les droits de location à long terme de certains bâtiments et zones.
Boucle 4 : Plus la qualité du logement est mauvaise, plus l'accessibilité du logement pour tous décroit par accroissement du taux de rotation, augmentation consécutive des loyers et/ou difficulté croissante à rester en santé et se maintenir en logement.
- Pour mieux lutter contre les logements insalubres, mettre en place une procédure d'inspection des logements fondée sur des critères de santé publique avant de les mettre en location.
- Mettre en place des systèmes de surveillance des dommages causées à la communauté par des logements qui ne permettent pas d'y rester longtemps en santé - y compris par excès de règles, interdiction d'apporter sa touche personnelle ou incapacité à y habiter avec un compagnon humain ou animal - et demander des compensations des coûts externalisés imputables aux profits générés sur de telles bases (Si l'impact négatif de la financiarisation de l'immobilier augmente, la force de rétroaction devrait aussi augmenter).
Boucle 5 : Plus les instances gouvernementales "donnent" l'argent public sans garanties et contre-parties, plus l'accessibilité du logement pour tous décroit par raréfaction de cet argent public compensateur et plus grande difficulté à le réinvestir dans du logement social pérenne. Même problème quant les instances publiques opèrent un changement (dézonage et apports de services) qui avantagent sans contre-parties des personnes qui ont des terrains ou logements dans le secteur.
- Prêts à plus-value partagée. Le partage de la plus-value à la revente ("Capital Gain Tax", Australie, UK, Canada) est une stratégie qui permet aux communautés de récupérer les augmentations de la valeur foncière qui résultent des investissements publics. Aident les instances gouvernementales à conserver le pouvoir d'achat de l'investissement public (71/87).
- Subventionner seulement les organismes qui garantissent l'accessibilité à long terme des logements.
- Impôt progressif sur les gains exceptionnels résultants de modifications aux réglements d'urbanisme. Les propriétaires fonciers peuvent réaliser d’importants gains exceptionnels lorsque la valeur de leurs terres augmente en raison des actions du gouvernement, incluant les décisions gouvernementales de rezonage des terrains. Cette stratégie capte une portion de cette valeur ajoutée (72/87).
- Rendre solvable la contruction abordable dans les fiducies foncières communautaires en dissociant le sol du bâti par lequel l'acheteur devient propriétaire des murs tout en restant locataire du terrain, produisant donc un un retour sur investissement pour la communauté (79/87).
Boucle 6 : Plus on consomme pour répondre à ses désirs et non à ses besoins essentiels plus l'accessibilité du logement pour tous décroit, individuellement par pression excessive exercée sur le budget restant pour se loger et, collectivement, par pression excessive exercée sur la capacité de renouvellement de la Planète.
- Toutes les solutions qui font qu'on est davantage en maîtrise de ses comportements de consommation et de ses finances y compris les mesures visant une plus grande sobriété énergétique dans un contexte où nos consommations d'énergie sont de toutes façons à réduire de moitié : développement de l'usage du vélo et du transport collectif, meilleure isolation de son domicile, économie d'eau, plantation d'arbres, réutilisation et partage de matériaux et ressources, etc.
- Toutes les mesures visant une meilleure éducation relative à l'environnement et l'écocitoyenneté.
Boucle 7 : Plus les propriétaires rénovent pour rendre plus écoénergétiques leurs logements loués, plus l'accessibilité au logement décroit en raison de l'augmentation consécutive des loyers dans un contexte de financiarisation généralisée non régulée et de prise en compte insuffisante des inégalités.
- Ajouter des clauses de non-répercussion du coût des travaux de rénovation écoénergétique particulièrement lorsqu'ils ont été subventionnés sur les loyers de personnes à faibles revenus.
- Créer, soutenir et financer des comités citoyens et de locataires autant dans les logement privés que dans les logements sociaux en priorisant les personnes en situation de vulnérabilité climatique, en précarité climatique ou en situation de défavorisation.