POSTURES. Quelle posture adopter pour naviguer sainement ce travail de transformation sociale ?

Parmi les conditions favorables à l'innovation territoriale identifiées dans notre laboratoire entrACTE, trois d’entre elles concernent les postures des individus :   

1. La capacité à ralentir et libérer de l’espace-temps
2. La capacité à créer et élargir des brèches en nous et en dehors de nous, sortir de nos sentiers
3. La capacité à aborder les transformations avec une perspective d'amour et de rébellion, de joie militante.

Dans cette note, nous souhaitons apporter des éléments complémentaires qui ont émergé de nos discussions. 

Pour les membres du laboratoire, le constat de départ était double. D'un côté, la volonté de sortir des cadres établis. De l'autre, la nature extrêmement exigeante et coûteuse de ce travail :

• L’impression d’avancer à “contre-courant” peut drainer beaucoup d’énergie et de vitalité.
• Le travail de transformation sociale peut être dur sur le moral et/ou riche en contradictions, tensions, dissonances, frustrations.
• Le découragement et la désillusion revient au galop
• La collaboration territoriale est parfois bien en dessous des attentes.
• Le temps qui presse, le temps court du quotidien…Quand on a parfois besoin de changer de temporalité : le temps qu’on prend, le temps long du changement social.
• L’espace mental, le recul et la joie peuvent venir à manquer.
• On peut devenir aigri.e, on peut devenir la personne que l’on n’aime pas.

Dans ce contexte, notre question est toute simple : comment rester sain.e ?

Quelques pistes ont émergé :

• Trouver un « carré de sable » où l’on peut jouer (amener des transformations) tout en étant soutenu : trouver sa zone de jeu à soi et trouver comment se sentir soutenu.e dans ce qui nous appartient là-dedans. Se demander : “qu’est-ce qui empêche que je puisse m’amuser là-dedans?”. Trouver ce qui nous nourrit et qui fait sens pour nous (pour nous redonner de l’énergie) et valider pour les autres ce qui fait sens dans leur collaboration. 
• Agir dans le non-perfectionnisme. Ne pas TROP se remettre en question et revenir à l’essentiel. La confiance d'agir peut exister même si l'on a pas toutes les réponses.  Viser le "juste" et le "juste assez". Rechercher l’équilibre dans une démarche qui se veut dans le temps long. Se ramener aux questions essentielles de ce qui anime nos actions: "pourquoi? pour qui? pour cocher les cases? Se permettre d’innover dans l’innovation!"
• Injecter de l’amour dans le processus. Sa faire punk/pirate, faire de la place à l’enfant en nous
• Lutter dans la joie : « Lutter dans la joie, c’est prendre le temps de célébrer les petites victoires et les petits pas que nous faisons, individuellement et collectivement, aussi petits qu’ils puissent être. C’est également de nourrir et de valoriser la capacité de s’émerveiller. Pour citer Éric-Emmanuel Schmitt : « Sur terre, ce ne sont pas les occasions de s’émerveiller qui manquent, mais les émerveillés. » S’émerveiller de nos réussites. S’émerveiller de nos humanités. S’émerveiller de nos capacités collectives et individuelles. S’émerveiller d’être soi et surtout d’être NOUS. C’est aussi faire la preuve par l’existence. Exister dans la joie. Exister ensemble, avec bientraitance et esprit critique, pour incarner les changements que nous voulons apporter. Exister dans l’authenticité de nos actions. Lutter dans la joie, c’est le plus magistral pied de nez à la morosité! »
— Caroline Moreau, directrice générale, Corporation de développement communautaire de L'Érable

Ces pistes peuvent permettre de retrouve son centre, régulièrement, à travers les difficultés. Ça peut être le « début » du travail (permet de se libérer… ) ou bien venir balancer le travail qu’on fait sur tous les autres plans.

Enfin, il est important de reconnaitre qu’il y a une limite à travailler ces postures individuelles : cela dépend beaucoup du contexte dans lequel on est (environnement, structures, privilèges, croyances, …) et si on l’on cultive cela dans une dynamique collective ou au contraire, de façon isolée.