Mémo sur la nouvelle classe écologique | Bruno Latour

Entrevue avec Bruno Latour sur son dernier ouvrage. | "« Nul n’est prophète en son pays », dit la maxime, et à 74 ans, le penseur en sait quelque chose. Celui que le New York Times désigne comme « le plus célèbre et le plus incompris des philosophes français » jouit effectivement d’une reconnaissance plutôt tardive dans sa contrée natale. Sa pensée continue d’ailleurs de susciter de vifs débats à l’intérieur même de la grande famille de la gauche."

En quoi la question écologique redéfinit-elle la notion de lutte des classes ?

  • Les « classes » ont toujours été organisées et définies selon les rapports de production
    • Comment développer les forces productives ?
    • Comment partager et répartir les fruits issus de cette production ?
    • Tout cela était fondé sur une circulation matérielle qui n’est plus viable
    • Nous avons besoin de formuler de nouvelles catégories politiques en fonction du «nouveau régime climatique»

​Qu'est-ce que ce "nouveau régime climatique"?

  • La question climatique devient la question prioritaire à laquelle toutes les autres questions sont soumises
    • C’est un renversement complet de cosmologie:
      • nous ne possédons pas la nature (en tant que ressource pour produire des biens), mais c’est la nature qui nous possède et c'est d'elle que nous dépendons pour survivre
  • Ce nouveau régime climatique crée des contradictions à l’intérieur des anciennes classes
    • «Il y a maintenant des situations où les gens qui étaient unis par la notion de classe sociale se trouvent désormais désunis par la question écologiste.»
  • Ces tensions apparaissent dès lors qu'on priorise l'habitabilité sur la production
    • ​" l’exemple classique des projets d’infrastructures avec tous ces gens qui défendent l’emploi plutôt que la préservation d’une zone humide."
  • Il est urgent d’effectuer ce travail de reclassement, autour de nouvelles catégories politiques
    • ​Il faut se battre pour la vie "bonne"
      • "Si on dit qu’on se bat pour l’écologie, la plupart des gens se vexent ou s’en foutent. Mais si on dit qu’on lutte pour bien manger, se loger correctement et se déplacer sans que cela coûte des fortunes, qui est contre ?"
    • La lutte pour la vie "bonne" permet de créer des ponts entre
      • les écologistes
      • les gens "ordinaires" qui se soucient de leur territoire et de le rendre habitable
  • Les zadistes et les autochtones se présentent alors comme des inspirations pour atteindre la vie "bonne"
    • "les zadistes ou les autochtones au milieu de la forêt amazonienne n’apparaissent plus comme des archaïques, mais comme l’une des innombrables pointes de ce progrès, l’une des voies d’innovation à défendre pour maintenir la reproduction des conditions de vie sur Terre"
  • Le nouveau régime climatique brouille nos frontières entre nos alliés et nos ennemis
    • "Prenez les chasseurs, qu’on oppose systématiquement aux écologistes dans une approche très binaire des choses. En réalité, les capacités de réorientation sont immenses selon le critère de « reclassement » : on ne fait clairement plus partie du même monde si l’objectif consiste à tuer le plus de sangliers possibles en deux jours de week-end qu’on vient passer en Mercedes depuis Paris, ou bien si l’on s’intéresse aux liens que ces sangliers entretiennent avec les écosystèmes, et aux enjeux de régulation, ce qui est le cas de nombre de petits chasseurs « ruraux ». Dans ce dernier cas, ils peuvent tout à fait se rapprocher d’une vision écologiste de l’habitabilité."

Pourquoi ne pas utiliser le terme "anticapitalisme"?

  • Ce terme ne décrit rien
    • "Cela ne permet pas de penser la complexité du monde"
    • "La radicalité n’a rien à voir avec l’anticapitalisme"
    • " Le Nouveau régime climatique impose donc une nouvelle manière de faire de la politique. Et dans ce contexte, exiger des gens qu’ils se disent d’abord anticapitalistes avant de passer à autre chose, c’est une erreur politique."
  • Il faut éviter le moralisme
    • "Le problème des questions écologiques, c’est qu’elles sont déjà beaucoup trop moralisées. Or ce n’est pas ainsi que doit s’organiser la discussion. La vie politique consiste précisément à faire des arrangements, et c’est précisément ce qu’on ne peut pas faire quand on a une position morale."
  • Il faut préférer une approche politique de l'habitabilité
    • "Prenez des questions comme le nucléaire, ou l’industrie agro-alimentaire : si vous remplacez ces questions d’ordre politiques, liées à l’habitabilité de la planète, par des enjeux moraux, vous ne faites que préparer la voie à toute une nouvelle gamme de guerre culturelle qui s’ajoute à toutes celles que la droite et l’extrême droite inventent déjà sur le « wokisme »"

Pour se procurer son livre

https://basta.media/Bruno-Latour-nouvelle-lutte-des-classes-ecologie-climat-anticapitalisme-alternatives

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Décroissance - Analyses, enjeux et stratégies
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Intégré par Marie-Soleil L'Allier, le 22 mars 2023 14:34
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Post-capitalisme, Réfléchir (rapport, analyse, veille, opinion), Crise écologique et climatique

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Publication

24 février 2022

Modification

27 juillet 2023 10:41

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