Résumé de la rencontre #8 sur l'intelligence artificielle

Résumé de la rencontre #8 sur les risques et potentiels de l’IA pour le communautaire

L’intelligence artificielle (IA) prend actuellement d’assaut plusieurs sphères de nos vies. Son utilisation est cependant parfois remise en question. La 8e rencontre de la table de concertation sur le renforcement des capacités numériques du communautaire s’est penchée sur la question.

Lors de la rencontre du 11 avril 2024, les invité·es, Lyne Nantel (Obvia), Jonathan Durand-Folco (Université Saint-Paul) et Philippe Tousignant (Educonnexion) ont partagé leurs connaissances en la matière et abordé comment l’IA pourrait être utilisée par les organismes communautaires.

Pour répondre à cette question, une brève mise en contexte économique est nécessaire afin de comprendre l’imbrication et les impacts de l’IA sur l’économie et inversement.

Jonathan Durand-Folco explique qu’il y a, au début des années 2000, une remise en question du modèle libéral et un investissement important dans les nouvelles technologies. L’hégémonie de Wall Street se déplace vers la Silicon Valley causée par une révolution technologique qui implique notamment un passage vers l’infonuagique, une capacité de traitement de l’information accrue et l’arrivée des téléphones intelligents. Depuis 2007 les entreprises en technologie passent dans le haut du palmarès et deviennent les plus grosses entreprises cotées en bourse. C’est l’apparition du capitalisme de plateforme/de surveillance. L’intelligence artificielle permet de prédire et d’anticiper des comportements par l’extraction et la valorisation des données, un potentiel particulièrement attrayant pour l’industrie de consommation/marketing (voir Le capital algorithmique).

Au sein du communautaire, l’intelligence artificielle peut être utilisée pour faciliter le travail ou accroître la productivité, mais il faut toutefois garder en tête que la technologie n’est pas nécessairement la solution à tout. Par exemple, utiliser l’IA pour remplir des demandes de subventions (usage potentiel) peut participer à la création d’une fracture numérique entre les organismes. Le financement par projet se combinant à l’IA crée un contexte de compétition déséquilibrée entre les organismes qui utilisent l’IA et les autres. Sachant cela, Jonathan Durand-Folco lance la question suivante : “Est-ce qu’on donne trop d’argent pour financer le virage numérique et que cet argent ne devrait pas être utilisé pour autre chose (augmenter le financement à la mission par exemple)?”

Les échanges avec les participant·es abondent un peu dans le même sens. On souligne que pour être utilisées, les données doivent être nettoyées et structurées. La réalité des organismes communautaires est qu’ils travaillent souvent avec des données sensibles et qu’ils ont souvent très peu de ressources (humaines ou financières) pour collecter, conserver et structurer les données de manière à pouvoir ensuite les utiliser. Plusieurs organismes ne sont donc pas rendus à ces étapes. Il a toutefois une crainte dans le milieu du communautaire de « manquer le bateau » de l’intelligence artificielle et on reconnaît qu’il serait important que le communautaire puisse être représenté dans le développement de l’IA. D’ailleurs, on commence à constater de plus en plus l’usage de sondage pour aller capter des données, dans le secteur de la santé et du mieux-être au travail notamment. L’IA pourrait donc devenir un outil intéressant, mais il ne faut pas oublier qu’il fait partie d’un ensemble d’outils numériques tout aussi importants.

Philippe Tousignant rebondi sur les propos de Jonathan Durand-Folco portant sur les risques du solutionnisme technologique. Parallèlement, Éduconnexion est régulièrement sollicité par des entreprises pensant pouvoir résoudre leurs problèmes avec l’IA quand la solution se trouve souvent ailleurs.

Les utilités de l’IA peuvent être multiples au sein d’une organisation et si son utilisation peut parfois être source d’inquiétude. Éduconnexion remarque que la culture organisationnelle influence grandement les retombées de l’utilisation de l’IA. Par là, on entend que  si l’organisation considère préalablement ses employé·es avec égard, l’inclusion de l’IA dans les processus de travail sera positive car elle permet d'accroître la productivité et de remplacer des tâches moins intéressantes. Éduconnexion n’a donc pas relevé de suppression d’emploi jusqu’à présent suite à l’implantation de l’IA, mais plutôt une redistribution des tâches au sein des équipes résultant en une satisfaction un peu plus élevée au travail, une amélioration des expertises ainsi qu’une augmentation de la qualité des activités parce que les individus peuvent se concentrer sur des tâches pour lesquelles ils et elles sont bon·nes et utiliser l’IA pour le reste.

Les exemples suivants  d’utilisation de l’IA dans un contexte d’organisme communautaire ont été présentés  :

• Facilitation/aide à l’événementiel, par exemple pour capter les résultats d’ateliers et en faire la synthèse en temps réel;
• Soutien à la rédaction de demandes de financement;
• Optimisation interne: Pour travailler efficacement avec l’IA on doit rendre les demandes explicites et donc les façons de faire de l’entreprise, ce qui peut pallier au roulement de personnel et à la fuite des expertises.
• Aide à la communication: Si le ton de voix organisationnel et la stratégie de communication sont préalablement fournis à l’IA, celle-ci peut faciliter la tâche dans la rédaction de communiqués de presse, messages pour les médias sociaux, etc.

En conclusion, l’intelligence artificielle est un outil intéressant qu’il faut garder en tête dans le milieu communautaire, mais ce n’est pas la solution à tout. Il faut également développer le réflexe d’aller vers des outils éthiques et démocratiques en considérant les capacités d’agir de chaque organisme communautaire. Enfin, considérant que peu d’organismes communautaires, ni même les réseaux qui les regroupent, ont les ressources nécessaires pour participer aux conversations entourant le développement de cette technologie, il est important pour le secteur de se doter de “champions” qui pourront porter sa voix dans les instances pertinentes.