Résumé | Communs en émergence au Québec

🌿 Cette note fait partie du carnet Les communs en émergence au Québec (2007-2020), qui présente la thèse de doctorat de Marie-Soleil L'Allier. La thèse propose une première typologie des pratiques de commoning en émergence au Québec ainsi qu'une série de conditions pour créer un écosystème favorable aux communs.

🌿 Table des matières | Résumé | Intro | Remerciements | Références 

Cette recherche s’insère dans un mouvement de résurgence du concept des communs en réponse aux crises systémiques engendrées par le capitalisme (Cornu, Orsi et Rochfeld, 2017; Dardot et Laval, 2014:16; Furukawa Marques et Durand Folco, 2023). Alors que les communs urbains sont souvent présentés de manière théorique et en se concentrant sur quelques cas relativement similaires (Cámara Menoyo et al., 2022), j’ai voulu me distinguer en réalisant une recherche empirique reposant sur un ensemble très diversifié de communs. De plus, alors que les communs sont couramment présentés en tant que ressources à gérer (ressource + communauté + règles), j’ai pour ma part étudié le processus de mise en commun, soit les pratiques de commoning.

Considérant que les communs ne présentent pas tous la même capacité de transformation (Hollender, 2016), produire une typologie des pratiques de commoning me semblait un moyen efficace d’éviter de généraliser les communs sous une seule définition. Ma question de recherche vise à définir quels en sont les principaux types qui permettraient de mieux les différencier.

Pour ce faire, je me suis inspirée des travaux qui théorisent les communs d’abord et avant tout dans leur rapport au capitalisme, et plus particulièrement, du point de vue des pratiques de mise en commun. Lors de ma revue de littérature, l’article d’Euler (2018) s’est particulièrement distingué en proposant une première conceptualisation concrète du commoning fondée sur les dimensions suivantes : (i) des activités de (re)produsage combinant des activités de production, de reproduction et d’utilisation, (ii) des activités volontaires visant la satisfaction des besoins, (iii) des processus auto-organisés entre pairs et (iv) des pratiques ancrées dans l’inclusion et la médiation. En adoptant une méthodologie de recherche empirique et inductive sur un éventail diversifié de communs, cette démarche m’a permis d’effectuer une analyse transversale et de générer une première typologie des pratiques de commoning. Ce faisant, cette recherche contribue à opérationnaliser les dimensions d’Euler et à enrichir la théorisation du concept.

Tout d’abord, une base de sondage de 308 projets a été constituée à partir de projets provenant de l’économie sociale et solidaire, d’organismes communautaires, d’initiatives écologiques, de communautés autochtones et de groupes citoyens informels. Ensuite, 70 sondages dirigés par téléphone (60 à 120 minutes) ont été réalisés. L’approche française d’analyse des données – analyses de correspondances multiples et de classifications hiérarchiques ascendantes – a été réalisée à l’aide du logiciel DtmVic.

L’analyse des données met en exergue un continuum qui s’étend des initiatives les plus institutionnalisées – caractérisées par des dynamiques de pouvoir centralisées, une prédominance du salariat et une faible autonomie face aux bailleurs de fonds – vers les initiatives les plus grassroot et les plus autonomes vis-à-vis de l’État et du capital. La typologie obtenue révèle l’existence de 5 formes de commoning : « relationnel », « participatif »,  « héro-porté », « administré-sous-financé » et « étatisé-marchandisé ». Ces résultats confirment qu’il n’existe pas de communs « purs » dans une société capitaliste (Euler, 2018; Le Roy, 202) et que leur degré de « marchandisation » ou d’« administration » dépend des relations qu’ils entretiennent avec l’État ou le marché.

Dans cette perspective, comment soutenir les communs sans les détruire ? Quelles conditions doivent être mises en place pour créer un écosystème propice à leur émergence ? Ce sont là des questions cruciales auxquelles j’ai tenté de répondre et qui permettent une montée en généralité des résultats de cette recherche.

Mots-clés : commun, commoning, économie sociale et solidaire, gouvernance citoyenne, post-capitalisme, post-croissance