Gouvernance intersectorielle - Faits saillants du Tour d'Horizon

Le Tour d’Horizon a démontré une grande variété de composition d’acteurs dans les démarches territoriales participantes. Parfois, les élu.es locaux, les acteurs de la culture, ceux de l’économie ou encore de l’environnement, les acteurs communautaires et ceux de la recherche travaillent ensemble, mais c’est assez rare. On y retrouve plutôt une certaine homogénéité des partenaires autour de la table, souvent issus des milieux communautaires ou des instances publiques. Ceci dit, malgré l’absence régulière des acteurs culturels et environnementaux des démarches territoriales, les enjeux transversaux que sont la culture et l’environnement sont souvent présents dans les discussions des démarches collectives.

Comment alors faire pour rassembler les partenaires qui ont l’expertise des enjeux transversaux jugés prioritaires? Comment faire pour que les enjeux du développement des communautés touchent aussi à l’économie, l’écologie et la culture, par exemple, et que les démarches territoriales intersectorielles concertées s’y investissent? Et comment éviter que les secteurs d'activités mobilisés deviennent trop nombreux et dilués au point d’en démobiliser d’autres?

Cette fiche vise à approfondir les façons de travailler en intersectorialité et à pointer vers des pistes réflexion sur le travail intersectoriel au service des populations, l’intégration de nouveaux secteurs d’activité autour de la table, ainsi que la réduction de l’hyperconcertation et de la sursollicitation des partenaires investis au sein d’un territoire.

Différentes approches pour déterminer les priorités d’une démarche intersectorielle

Pendant le Tour d’horizon, on remarque trois approches différentes pour déterminer les priorités des démarches territoriales . Dans un premier temps, il y a des démarches territoriales qui dictent leurs priorités en fonction des financements disponibles, au projet ou à la mission, et donc, en fonction des priorités identifiées par les bailleurs de fonds. Ensuite, il y a des démarches où ce sont les partenaires autour de la table qui identifient les priorités d’action. La méthode la plus courante pour y parvenir semble être la mise en commun des missions organisationnelle et des plans d’action de chaque organisme pour donner une planification stratégique territoriale et collective. Enfin, d’autres démarches vont plutôt débuter en effectuant un portrait sociodémographique et économique de leur territoire, généralement en partenariat avec le milieu de la recherche ou des ministères clés. Ce portrait est alors présenté à un éventail d’acteurs de la communauté, le plus vaste possible, afin d’identifier et prioriser collectivement les enjeux communs les plus pertinents pour la population. Ceci se fait souvent en lien avec les orientations de la politique en développement social.

Dans les trois cas, il est question de démarches qui œuvrent et s’organisent autour d’enjeux transversaux communs, et qui se mobilisent autour d’eux de manière intersectorielle afin de réunir une plus grande diversité d’acteurs ainsi que la somme de leurs leviers, ressources, expertises et réseaux organisationnels. Ces trois manières de faire ont aussi en commun de contribuer à bâtir une identité et un avenir commun au sein d’un territoire. Par contre, ces trois manières de déterminer des priorités collectives ne sont pas équivalentes au niveau de l’augmentation de la capacité des communautés à déterminer elles-mêmes les priorités d’une démarche territoriale dans une visée d’amélioration des conditions de vie de leurs populations.

Pour un modèle agile, pertinent et efficace de la démarche territoriale intersectorielle

Durant le Tour d’horizon, plusieurs personnes ont exprimé de la frustration envers la formule traditionnelle de la planification stratégique intersectorielle et concertée et ses différentes étapes : plan d’action, action, reddition de comptes. Pour les acteurs dans l’urgence d’agir et dont la mission est l’amélioration des conditions de vie de leurs populations, les démarches territoriales intersectorielles et concertées peuvent sembler lourdes et lentes, surtout lorsque l’étape de la planification s’étale sur plusieurs années, qu’il y a beaucoup d’énergie investie dans l’exercice d’une définition consensuelle et exhaustive des concepts ou des politiques ou que la reddition des comptes et les indicateurs de mesure utilisés sont désincarnés des objectifs réels de changements souhaités par leurs communautés.

En même temps, d’autres acteurs remarquent que la réponse collective à la pandémie a été grandement facilitée dans les territoires où des démarches de concertation étaient déjà en place et où les acteurs avaient déjà la capacité et l’habitude de travailler ensemble de manière territoriale, intersectorielle et concertée. L’agilité, la pertinence et l’efficacité d’agir d’une démarche territoriale sont tout de même plus visibles dans les instances de concertation où les partenaires ne s’enfargent pas trop dans la définition de concepts, dans la répartition des rôles ou dans les enjeux politiques entre les partenaires, mais tournent plutôt leur attention et leurs actions vers les besoins du milieu dans une visée plus collective. Et c’est souvent dans ces démarches territoriales qu’il est plus probable de voir l’arrivée d’acteurs issus de secteurs d’activités généralement absents du développement des communautés tel la culture ou l’environnement. En d’autres mots, les démarches territoriales gagnent à être davantage organiques qu’institutionnelles, davantage ancrées dans les réalités et les forces collectives de leurs territoires plutôt que dans celles des bailleurs de fonds ou des partenaires sectoriels.

Par ailleurs, certains pensent que les démarches traditionnelles de concertation ne sont pas assez agiles ni efficaces pour s’adapter aux crises ou saisir des opportunités qui se présentent au sein de leurs territoires. Selon eux, être agile signifie pouvoir être proactif face aux crises et aux changements en cours et à venir ; être pertinent signifie être réellement tourné vers les besoins et les aspirations de la population en tout temps ; être efficace signifie pouvoir agir en ce sens. Plusieurs acteurs de démarches territoriales s'interrogent sur la création de brèches et les manières d'en tirer avantage ou d'en faire une opportunité de résilience ou de développement collectif, dans une vision de bien-être collectif, toujours. Ou encore, s’il ne faudrait pas plutôt imaginer des démarches territoriales intersectorielles et concertées qui sont basées sur une planification dynamique ou à boucles courtes. Ou encore, comment combiner le besoin de durée d’une vision concertée et collective à long terme et le besoin de réactivité nécessaire pour offrir des réponses agiles, pertinentes et efficaces face à ce qui arrive dans un territoire ? Comment faire pour devenir à la fois structurant et pertinent pour l’avenir d’un territoire et à la fois réactif et proactif ?

Certains acteurs vont plus loin dans leurs réflexions en affirmant que les démarches territoriales intersectorielles et concertées parviennent à une agilité, une pertinence et une efficacité d’agir lorsqu’il y a une équipe de travail en place qui est bien ancrée sur le terrain et dans sa population et sait en prendre le pouls et la température. Cette équipe est supportée par les partenaires de la démarche de concertation qui viennent l’orienter, l’approuver, l’outiller, y injecter des leviers d’action et aussi prendre part aux actions priorisées ensemble. Ces partenaires savent que l’équipe en place a la capacité de connaître les besoins des milieux et de mobiliser la population qu’eux ne possèdent pas en raison de leur perspective organisationnelle et de ce fait, ils respectent et leur accordent cette expertise. Il en résulte, par exemple, des modes de gouvernance qui réunissent une multiplicité d’acteurs qui donnent les orientations collectives et transversales à la démarche, avec des comités plus restreints qui réalisent le travail concret et une équipe centrale pour piloter le tout. De telles démarches possèdent aussi un certain potentiel de réduire l’hyperconcertation et la sursollicitation de ses membres en se concentrant sur la transversalité des enjeux et la complémentarité des partenaires.

Enjeux transversaux, sectoriels ou d’acteurs Sur les territoires rencontrés lors du Tour d’horizon, les enjeux sont parfois traités par des acteurs qui travaillent de manière solo : « tu fais ça et moi je fais ça ». À d’autres moments, les partenaires s’allient et s’organisent par secteur d’activités comme pour la toxicomanie, la réussite scolaire, la prévention des ITSS, la santé mentale et la prévention du suicide, etc. Enfin, il arrive que les enjeux soient abordés de manière transversale qui dépasse l’action organisationnelle de chaque partenaire et leur secteur d’activités respectif. Dans ce cas-ci, les partenaires se mobilisent autour d’une problématique plus large, y injectent les leviers dont ils disposent, prennent en charge les dimensions en phase avec leurs propres missions, tout en ayant une vision d’ensemble sur que les autres font et une conception de ce qu’ils accomplissent ensemble. Cette troisième approche est plus difficile puisqu’elle exige de développer une vision d’ensemble pour avoir de l’emprise sur les leviers de changement. Cette approche exige aussi des partenaires de se connecter à la notion territoriale des enjeux transversaux sans se sentir menacés dans leur raison d’être d’organisme ou de secteur d’activités respectifs, et sans être en résistance face à la démarche collective. Il est dit que pour effectuer ce passage, il est nécessaire d’avoir la capacité de se remettre en question et de se mettre au service d’une vision commune du bien-être collectif.

Ainsi, en résumé, il est dit qu’une approche transversale permet plus de fluidité dans la réponse aux crises et aux urgences. Elle réduit aussi les tensions autour des inégalités de pouvoir, des conflits de loyauté ou des intérêts qui découlent du corporatisme. Cette approche transversale facilite aussi la participation des domaines économique, culturel et environnemental qui peuvent plus facilement se mobiliser autour de projets concrets et s’arrimer aux milieux communautaire, social et public. La question est alors : quels sont les enjeux et des finalités qui demandent la participation, l’implication, la mobilisation de tout le monde, de toute une communauté avec l’objectif d’aller le plus loin possible ensemble ? Comment traiter la lutte à la pauvreté, la transition socioécologique ou la culture non pas comme des secteurs, mais plutôt comme des questions transversales ? En tant qu’organisme, est-il possible de se présenter à la table d’une démarche territoriale sans attendre de résultats concrets pour soi ni de projet spécifique, mais seulement avec la motivation de rencontres régulières pour parler de la communauté et de ses enjeux ? Y a-t-il un moyen de structurer le financement afin de faciliter l’approche transversale au sein des démarches territoriales intersectorielles et concertées ?

Municipalisation du développement des communautés — la question des élu.es

L’abolition des CRÉ et la conversion des municipalités en “gouvernements de proximité” a octroyé beaucoup de pouvoir et de fonds à ces dernières pour œuvrer en développement social. Le Tour d’horizon démontre que lorsque les élu.es croient aux projets et démarches territoriales, ça fait une différence énorme. Les territoires rencontrés se demandent comment faire pour sensibiliser les élu.es au développement des communautés, les mobiliser et faire des liens structurants avec eux dans des efforts de bien-être collectif. Comment les convaincre que le développement des communautés n’est pas juste le développement économique ou la voirie ? Dans certains territoires, les élu.es interprètent la décentralisation des pouvoirs vers des gouvernements de proximité locaux comme une permission de tout décider en solo. Comment leur expliquer la perte de pouvoir collectif qui résulte d’une telle approche ? Est-ce qu’une présence citoyenne plus grande dans une démarche peut encourager les élu.es à y venir ou à la considérer dans leurs décisions ? Quel langage doit-on parler pour rejoindre les élu.es ? Une démarche territoriale a avancé que le portrait sociodémographique et économique avait aidé à la mobilisation des élu.es sur son territoire.

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États généraux en développement des communautés - 2022
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Intégré par Joël Nadeau, le 7 juin 2023 14:48

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Publication

28 octobre 2022

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5 mars 2024 10:51

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