Dans le cadre de ma thèse de maîtrise, je mobilise le concept et la méthode de guérison tel que développé par l’approche mujerista. Pour les chercheuses latinX, la guérison se développe à travers une pratique culturelle qui met en relation le corps, l’esprit et l’enfant intérieur par l’art, l’humour, la spiritualité, l’expression des émotions et la musique (Bryant-Davis & Comas-Diaz, 2016; Nygreen, Saba & Moreno, 2016). Pour Nygreen, Saba & Moreno (2016), la création d’un altar (autel en français) comme activité de guérison collective est un processus central dans leur pratique en intervention collective auprès des jeunes LatinX. Ce processus invite les LatinX à s’approprier une pratique qui remonte à nos ancêtres et qui est une symbolique culturelle pour plusieurs communautés Incas et Mayas qui visent, dans le cas de l’activité, à connecter avec leur passé, leur présent et leur futur et avec leur identité qui a été bouleversée par la migration et les violences vécues dès le jeune âge (Nygreen, Saba & Moreno, 2016). Donc, comment définir notre « altar » comme lieu/objet de ressourcement qui sera doté d’un pouvoir thérapeutique en tant qu’intervenant.e. racisé.e ? Comment sortir de la guérison occidentale et retrouver notre guérison à travers les pratiques et les savoirs de nos ancêtres qui nous ont été arrachés et mis à l’oubli par la suprématie blanche ? Est-ce que la rébellion peut aussi devenir une forme de guérison et d’émancipation (García-Peña, 2022).

Qu'est-ce qu'un altar ?
Un altar pour la fête de Todos Santos ou Dia de los muertos est un espace sacré et décoré où les familles honorent la mémoire de leurs proches décédés. Cet autel, souvent installé dans les maisons ou parfois au cimetière, a une signification profondément spirituelle. Il reflète un mélange de traditions ancestrales et autochtones (particulièrement aymaras et quechuas) et de croyances catholiques apportées par les colonisateurs espagnols.
L'autel des morts est un élément fondamental de la célébration du jour des morts. Les personnes endeuillées croient que l'esprit du défunt revient du monde des morts pour passer la journée avec la famille afin de la réconforter et de la consoler de sa perte.
- Academia de Arte, El altar del muerto, 2014
El altar durant El dia de los Muertos et Todos Santos
Dans la tradition bolivienne, l'autel est bien plus qu'une simple décoration. Il représente le lien sacré entre les vivant·es et les morts, où les âmes des défunt·es sont non seulement accueillies mais aussi nourries et honorées. La préparation de l'autel est un acte d'amour et de dévotion, où les familles montrent leur respect pour les ancêtres et les êtres cher·ères qui ne sont plus présent·es physiquement.
Le fait de placer des offrandes sur l'autel est une façon de reconnaître la continuité de la vie après la mort, une croyance centrale dans les traditions ancestrales autochtones, où la mort n'est pas vue comme une fin, mais comme une transition vers un autre plan d'existence.
Les cérémonies autour de l'autel, qui incluent des prières, des chants et parfois des danses, renforcent les liens familiaux et communautaires, tout en préservant une mémoire collective des ancêtres et des traditions.
Selon la tradition mexicaine, la mort, n'est pas énoncée comme une absence ou un manque ; au contraire, elle est conçue comme une nouvelle étape : le défunt vient, marche et observe l'autel, le perçoit, le sent, le goûte, l'écoute. Il n'est pas un être étranger, mais une présence vivante. La métaphore de la vie elle-même est racontée sur un autel, et la mort est comprise comme une renaissance constante, comme un processus infini qui nous fait comprendre que ceux d'entre nous qui offrent aujourd'hui seront invités à la fête demain (Academia de Arte, 2014)
Dans une perspective de guérison et de connexion avec une pratique ancestrale
L'approche mujerista se concentre sur la guérison personnelle et collective à travers la spiritualité, le respect de la Pachamama (Terre) et la réappropriation des traditions ancestrales. Pour les mujeristas, la création d'un autel n'est pas seulement un rituel religieux, mais un acte de résistance, de transformation et de réaffirmation de l'identité.
L'autel comme un espace de connexion aux ancêtres et à la communauté
La pratique des autels en Bolivie et dans d'autres pays d'Abya yala (latino-américains et des Amériques) inclut une forte dimension communautaire et spirituelle qui renforce les liens avec les ancêtres et la communauté présente.
L’approche mujerista met un accent particulier sur l’importance des liens intergénérationnels et de la transmission des savoirs spirituels et culturels. À travers l’autel, les femmes réaffirment non seulement leur propre guérison, mais aussi celle des générations futures.
Bibliographie
Academia de Arte. (2014). El altar de muertos. Vida Cientifica, 2(4). https://www.uaeh.edu.mx/scige/boletin/prepa4/n4/m20.html
Bryant-Davis, T., & Comas-Díaz, L. (2016). Introduction: Womanist and mujerista psychologies. In Womanist and Mujerista Psychologies (pp. 3–25). American Psychological Association. https://doi.org/10.1037/14937-001
García Peña, L. (2022). Community as rebellion : a syllabus for surviving academia as a woman of color. Haymarket Books.
Lopez Uri, S (2024). Résister et guérir : Déconstruire les systèmes d'oppressions dans nos organisations à travers les voix des intervenant·e·s racisé·e·s à Tiohtiá:ke/Montréal. [Thèse de maîtrise, Université Saint-Paul]. Recherche uO. https://ruor.uottawa.ca/items/464474b9-8516-4ece-8b92-0d39fb2d70c9
Nygreen, K., Saba, M. & Paulina Moreno, A. (2016) Mujerista research: integrating body, emotion, spirit, and community dans Womanist and Mujerista Psychologies (pp. 41-). American Psychological Association.https://doi.org/10.1037/14937-003