Swaraj, université inspirante ?

L'exemple nous vient de l'Inde et pourrait bien nous inspirer et nous aider à mieux réfléchir y compris dans nos bibliothèques. L'université Swaraj montre la voie d'une éducation sans doute plus adaptée aux enjeux environnementaux actuels. Voici comment elle se définit vis à vis d'une université plus traditionnelle :

Universit Swaraj /Université conventionnelle

1. Apprentissage autodirigé où les intérêts et les styles individuels sont au cœur du programme / Apprentissage obligatoire - les intérêts et les styles d'apprentissage individuels ne sont pas pris en compte.
2. L'apprenant décide du temps dont il a besoin pour approfondir le sujet /Un temps et une opportunité limités pour comprendre le sujet en profondeur.
3. Les apprenants procèdent à une auto-évaluation et à une évaluation par les pairs et développent leurs propres portefeuilles d'apprentissage /Evaluation basée sur des tests qui créent des peurs, des complexes d'infériorité et un sentiment de compétition avec les autres.
4. Préparation des apprenants pour qu'ils remettent en question l'état actuel de la société et développent l'engagement et la pratique d'une action durable /Préparation des apprenants pour qu'ils deviennent des spectateurs, des producteurs et des consommateurs pour l'État et les entreprises.
5. Toutes les opportunités d'apprentissage sont réelles et sont basées sur la compréhension des problèmes locaux et de leur contexte global /L'enseignement et le processus sont déconnectés de leur monde immédiat.
6. Orienté vers la création de sa propre entreprise / Orienté vers la recherche d'un emploi dans le gouvernement ou dans une entreprise.
7. Des co-apprenants venant d'horizons et d'âges très variés qui peuvent aider à apporter des saveurs et des ressources d'apprentissage différentes au processus /Étudiants séparés par groupes d'âge. Des élèves de groupes d'âge similaires réunis dans les salles de classe.
8. Un sens de la communauté et un environnement de co-apprentissage démocratique /Un environnement d'apprentissage hiérarchique et autoritaire.
9. Chaque apprenant aura un mentor dans son domaine d'intérêt et un mitra (?) pour le guider dans le processus d'apprentissage /La taille de la classe est plus importante, donc l'attention individuelle fait défaut.
10. L'hindi et les langues locales sont utilisés dans le processus d'apprentissage pour faire ressortir les sentiments et les nuances et pour rester en contact avec nos cultures /L'enseignement se fait principalement en anglais, ce qui déconnecte l'étudiant de la culture locale.

Dans nos bibliothèques, il est bien rare que nous ayons une réflexion sur les paradigmes éducationnels sous-jacents à nos pratiques mais, bien sûr lorsqu'on prétend contribuer à l'éducation relative à l'environnement et aux transformations socio-écologiques qu'elle sous-tend forcément, il n'y a rien là de facultatif. Des québécois (Bertrand et Valois, 1999 Fondements éducatifs pour une nouvelle société . Montréal : Les Éditions Nouvelles) font partis de ceux et celles qui ont tenté de fournir un cadre d'analyse des pratiques pédagogiques. Plusieurs des paradigmes qu'ils identifient semblent cohabiter dans le milieu des bibliothèques.

  • Comme organisations, et sans même parler de la façon dont s’y organise le travail d’équipe, les bibliothèques sont très majoritairement imprégnées du paradigme rationnel et technologique. Par exemple, on parle de formation tout au long de la vie pour s’adapter au marché du travail et encore très souvent, de clients ou d’usagers à qui on offre des services.
  • Lorsqu’on fait valoir que l’on tient à l’autonomie des lecteurs et à la lecture plaisir (par rapport à la lecture obligatoire du système éducatif), c’est peut-être le paradigme humaniste et ses valeurs de liberté et de projet personnel qui semble invoqué.
  • Lorsqu’on parle du rôle social des bibliothèques et qu’on les considère comme berceau de la démocratie, ça serait plutôt le paradigme socio-interactionnel qui le serait.
  • Enfin, lorsqu’on veut mettre en place un makerspace et des communautés d’apprentissage, comme à Bad Oldesloe, une bibliothèque allemande primée pour son engagement en matière d’environnement ((Ref 1)), on retrouve certaines des caractéristiques du paradigme inventif comme la promotion de l’engagement dans les milieux de vie et le développement de la capacité d’invention sociale et de création de nouvelles organisations chez les personnes et les communautés.

L'université conventionnelle indienne présentée ici semble assez caricaturale. Mais de quel paradigme selon Bertrand et Valois relèverait cette présentation de l'université Swaraj ? Peut-être du paradigme inventif, mais un paradigme inventif qui de surcroit  - et comme nous y invite  Bayo Akomolafe - n'aurait pas éludé la question des décolonisations et qui n'aurait pas mis de côté non plus notre indispensable humilité d'êtres-vivants ayant pris conscience jusqu'au bout de toutes nos inter-dépendances.

Une éducation pour des êtres ayant enfin accepté, vaincus et émerveillés, notre réelle fragilité devant toutes les surprises - bonnes et moins bonnes - que récèlent un monde dont nous faison partie intégrante, qui se crée sous nos yeux, avec mais aussi sans nous, qui nous dépasse et nous dépassera toujours en dépit de toutes nos prétentions. Une éducation qui a aussi assimilé les leçons de Günther Anders et qui sait que la technologie créé autant de problèmes qu'elle en résout ; Une éducation qui sait avec Edgar Morin que ces mêmes progrès technologiques sont toujours accompagnés de régression morale, de régression de l'autonomie et de la capacité à prendre responsabilité, toutes deux indispensables à notre santé mentale.

On ne peut viser "la transformation de nos manières de penser et d’agir dans nos relations à notre milieu mais aussi, et principalement, dans nos relations les uns avec les autres" comme le fait l'éducation relative à l'environnement sans réfléchir à ce sujet dans nos institutions, nos écoles, nos universités ou nos bibliothèques.

Par exemple, on pourrait ainsi fort bien considérer toutes les activités illustrées en images par l'Université Swaraj et se demander à chaque fois : comment notre bibliothèque appuierait-elle efficacement une telle université ?

Je rêve du moment ou de tels exercices soient possibles dans nos bibliothèques.

Ref 1 : Geißler, J. A., & Schumann, T. (2017). Makerspace, Mundraub-Tour und Foodsharing : Die Projektreihe ‚Ernte deine Stadt‘ als Form sozial und ökologisch nachhaltiger Bibliotheksarbeit in der Stadtbibliothek Bad Oldesloe. Bibliotheksdienst , 51 (2), 181‑196. https://doi.org/10.1515/bd-2017-0018

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Réflexions d'une bibliothécaire qui veut en faire plus pour la transition
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Intégré par Pascale Félizat, le 15 mai 2023 14:14

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18 septembre 2021

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20 septembre 2023 08:38

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