Parti de gouvernement et modernisation: de quoi GND est-il le nom?

Le virage vers le "parti de gouvernement" proposé par Gabriel Nadeau-Dubois va-t-il recentrer Québec solidaire? Lorsqu'on parle de "gauche pragmatique" ou de "modernisation" du programme, que cela signifie-t-il exactement?

Rappelons d'abord que GND a réussi un "tour de force" d'un point de vue médiatique cette semaine: il a réussi à détourner le regard de la crise interne à QS et des objections vis-à-vis son leadership en recadrant le débat sur un enjeu de visions politiques qui s'affrontent. Pour lui, les frustrations et les "conflits de personnalité" ne seraient que des émanations de désaccords politiques plus profonds.

Mettons de côté pour le moment les problèmes liés à la centralisation du pouvoir, sa garde rapprochée, l'inégalité de ressources entre les deux porte-paroles, et autres enjeux féministes associés ; que GND veut-il dire concrètement lorsqu'il parle de "parti de gouvernement", et quelle est la stratégie qu'il désire mettre de l'avant?

La réponse est simple: imposer une "cure minceur" à QS, tant sur le plan programmatique qu'au niveau de ses structures. Pour lui, être "pragmatique", c'est refuser de se contenter d'être un parti de contestation ou de revendication. Dans sa publication Facebook du 3 mai, GND précise: "Je suis fier du travail qu'on fait dans l'opposition, mais j'aime trop mon parti pour qu'il reste dans les gradins".

Il faut donc devenir "sérieux", ne pas rester idéaliste, et faire les choix qui s'imposent. Quels sont ces "choix", et quelles sont les implications à plus long terme pour le parti?

Dans son point de presse du 1er mai, il nommait trois grands chantiers : la Déclaration de Saguenay, la révision du programme, la transformation des structures de QS. Rappelons ici qu'il ne s'agit pas de nouvelles idées sorties de la tête de Gabriel, mais de processus qui étaient déjà en cours depuis des mois au sein du parti. Certains ont d'ailleurs remarqué que ce point de presse représentait "un écran de fumée", car le porte-parole semblait remettre de l'ordre dans la maison en parlant des "vraies affaires", en exprimant enfin SA vision des choses, alors que ces différents chantiers étaient déjà en cours.

Or, malgré le fait que ces différents points étaient déjà à l'ordre du jour du prochain Conseil national du 24-26 mai, GND a tout de même voulu être transparent sur SA vision, c'est-à-dire son interprétation des changements que QS doit entreprendre pour espérer prendre le pouvoir un jour. Revenons ici sur trois points spécifiques mentionnés par GND dans son point de presse et les interventions publiques qui ont suivi.

1. La Déclaration de Saguenay

Cette déclaration de 10 pages soumise aux membres lors du prochain Conseil national joue deux rôles: 1) faire un bilan de la tournée des régions qui a eu lieu dans les derniers mois; 2) constituer la base du nouveau programme de QS. Le premier point était explicite depuis le début, et une lecture rapide témoigne d'une intégration de préoccupations soulevées dans différentes régions du Québec. Si c'était là un simple rapport ou bilan d'une tournée, cela ne serait pas si important.

Or, on apprend dans un article de La Presse que ce document représente en fait une première étape dans la refonte complète du programme de QS, qui se poursuivra ensuite à grande vitesse d'ici les élections de 2026. "L’objectif de ce texte est de « se [tourner] majoritairement vers des éléments nouveaux pour [le] parti et non pas de réitérer des engagements pris dans le passé ». S’il est adopté, il servira de boussole pour les prochaines étapes menant au scrutin de 2026. [...] Après l’adoption de la déclaration de Saguenay, QS mènera des consultations des mois de janvier à avril prochains pour la « rédaction du nouveau programme » qui devrait être adopté en congrès spécial en octobre 2025. Des consultations seront ensuite organisées pour rédiger une plateforme électorale à temps pour le printemps 2026, quelques mois avant l’élection."

Il faut donc porter une attention particulière à ce document, car il "donnera le la" au reste du processus de refonte du programme. Cette déclaration représente-t-il un début de recentrage du programme de QS, c'est-à-dire un abandon des positions plus radicales du parti afin de convaincre une majorité? Voici deux indices livrés par le porte-parole, en apparence contradictoires. Le 1er mai, il dit que la Déclaration de Saguenay "énonce des nouvelles positions pour le parti, pour qu’on se retrousse les manches après les résultats de 2022, et qu’on ait une offre politique plus convaincante pour 2026". En sous-texte, il dit donc qu'il veut corriger certaines erreurs liés à la campagne de 2022, et souhaite adoucir (rendre plus convaincant) le plan de QS pour 2026.

Dans sa publication du 3 mai, GND réaffirme le besoin de faire des choix tout en restant bien ancrés à gauche. L'idée n'est pas d’amoindrir ou diluer le programme, mais de simplifier, prioriser, faire des choix, alléger le programme. "J'aimerais qu'on arrive aux prochaines élections, en 2026, avec un plan qu'on va pouvoir mettre en œuvre à l'intérieur d'un mandat. Une gauche pragmatique dresse la liste des urgences, dresse la liste de ses politiques, et fait un vrai travail de priorisation. Mieux vaut prioriser maintenant et nous assurer de pouvoir tenir parole ensuite. Le pragmatisme n’est pas un renoncement, au contraire."

Pour l'instant, cela semble raisonnable. Mais le diable est dans les détails. Regardons d'ailleurs trois points révélateurs dans la Déclaration de Saguenay: A) Transition écologique: changer sans culpabiliser. On parle ici de "responsabiliser en priorité les très grands pollueurs qu’ils soient industriels ou individuels", en priorisant la création la création d'alternatives de mobilité durable et le transport public interrégional (et donc en sous-texte, en abandonnant l'idée de taxer les VUS ou de pénaliser les familles en fonction de leur choix de consommation).

On voit ici un mea culpa concernant les fameuses "taxes oranges" qui ont fait mal à QS en 2022. Je n'y vois pas personnellement ce changement d'un mauvais oeil, mais on peut se demander à juste titre si le parti changera de position concernant l'idée de taxer les hautes fortunes en 2026. Remarquons que le document restant silencieux sur tout enjeu de justice fiscale ou d'écofiscalité.

B) Territoire: protéger et valoriser ce que nous partageons: "Québec solidaire est favorable à l’exploitation durable et responsable des ressources naturelles sur le territoire québécois, dans le respect des limites de la planète et des écosystèmes. Cette exploitation doit impérativement se faire dans le respect des droits inaliénables des peuples autochtones, en cohérence avec la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones."

On parle ici de l'idée qu'il est nécessaire et souhaitable d'exploiter les ressources naturelles dans une perspective de développement durable, en s'assurant notamment que les redevances soient versées aux régions et collectivités, en "favorisant le développement de modèles économiques démocratiques, notamment les coopératives, et de l’économie circulaire". Cela semble bien raisonnable, mais rappelons que le programme de QS prévoyait un chemin beaucoup plus radical, en préconisant "de placer la grande industrie forestière sous contrôle public", voire "la nationalisation complète" de cette filière.

Il en va de même pour la "filière batterie" (comme Northvolt), en proposant de tenir une consultation du BAPE (Bureau d'audience publique sur l'environnement), en priorisant les entreprises [privées] québécoises "et les modèles démocratiques" (économie sociale?) dans le déploiement de cette filière, le tout avec un "objectif spécifique de réduction de gaz à effet de serre". On voit ici une proposition du capitalisme vert régulé par l'État, lié à une forme de nationalisme économique laissant place secondaire pour l'économie sociale si l'occasion se présente. Voilà un bon exemple de "gauche pragmatique".

C) Agriculture: ce point est à mon avis le recul le plus frappant de QS par rapport à ses prises de position passées: "En matière d’agriculture, Québec solidaire reconnaît le rôle de l’Union des producteurs agricoles (UPA) et renonce à réformer le syndicalisme agricole." Donc, fini la critique du monopole syndical, on laisse tomber l'Union paysanne, et on mise sur l'agro-industrie comme voie de sortie à la crise des systèmes alimentaires. Pourtant, GND nous avait bien dit que "le pragmatisme n’est pas un renoncement, au contraire."

2. La refonte totale du programme

Outre ces détails qui pointent en direction d'un allègement des positions plus radicales de QS, c'est bien le programme qui semble ici jeté à la poubelle dans le processus proposé. Voici la mise en contexte du document présenté pour le prochain Conseil national:

"La présente proposition vise donc à engager le parti dans une démarche de modernisation du programme, afin que celui-ci soit plus à même de jouer son rôle de boussole politique pour notre organisation. Au bout de cette démarche, nous devrions donc nous retrouver avec un nouveau programme beaucoup plus court, exempt d’engagements politiques trop précis, présentant plutôt la vision solidaire (intentions, orientations, objectifs) face aux grands enjeux de société. Une fois ce nouveau programme adopté, nous nous concentrerons ensuite sur l’adoption de notre plateforme présentant les propositions concrètes qui seront portées par Québec solidaire lors de la campagne électorale de 2026."

En gros, rappelons que le programme de QS a commencé à être élaboré en 2006 jusqu'en 2016 (moment où je quittais mes fonctions à titre de responsable de la Commission politique). Cela a donc pris plusieurs congrès sur une période de 10 ans pour parvenir à un document massif de 95 pages présentant la "vision à long terme" du parti. Notons aussi que QS a adopté diverses "plateformes électorales" lors de chaque rendez-vous électorale, avec des propositions mieux adaptées, ciblées et synthétisées en fonction de la conjoncture du moment.

Je suis d'avis que le processus d'élaboration, d'adoption et de révision du programme était beaucoup trop lourd, bureaucratique et inefficace, même s'il était démocratique. J'ai été personnellement dégoûté par le dernier congrès auquel j'ai participé activement comme responsable de la Commission politique (en 2026), où il s'agissait de réviser les points litigieux du programme. Après avoir reçu plus de 120 propositions de modification du programme issues des associations locales, le comité synthèse en a retenu une vingtaine, la Commission politique en priorisé 12, le comité exécutif plaidait pour garder seulement 6 points, et finalement le CCN a tranché pour 10 propositions. De ce nombre, les membres du Congrès ont voté contre toutes ces demandes de modification de programme, de sorte que le résultat a été le statu quo. Des milliers d'heures de débats, d'intrigues et de négociations jetées aux poubelles dans un lourd processus inefficace.

Je crois donc que nous devons revoir certains processus démocratiques internes dans l'élaboration du programme. Mais que propose GND et le document présenté au prochain Conseil national comme calendrier pour moderniser le programme? "

• Janvier à avril 2025: consultation entourant la rédaction du nouveau programme de Québec solidaire
• Octobre 2025 : Congrès spécial d’adoption du nouveau programme
• Novembre 2025 à février 2026: consultation entourant la rédaction de la plateforme électorale de Québec solidaire
• Printemps 2026 : Congrès d’adoption de la plateforme électorale."

Cela consiste donc à consulter les membres durant 4 mois pour écrire "from scratch" un nouveau programme, afin qu'il soit adopté en totalité lors du congrès d'octobre 2025. Bref, faire en 4 mois ce qu'on a fait en 10 ans. Entre 4 mois et 10 ans, il y a sans doute un « juste milieu », comme le souligne Aristote.

On refera la même démarche avec la plateforme électorale, laquelle devra avoir 5 à 6 enjeux clés (au lieu de 20 comme en 2022). Je veux bien qu'être "pragmatique" signifie simplifier et prioriser, mais simplifier à ce point, à cette vitesse, à quel prix?

C'est là ici que la "cure minceur" drastique rêvée par GND prend forme: réduire à quelques lignes de communication la totalité d'un programme et d'une plateforme électorale, adaptée à l'opinion publique et à ce qui est jugé "gagnable" en 2026.

Or, qu'adviendra-t-il de l'ancien programme, une fois que la nouvelle mouture de 2025 sera adoptée? Comment résoudre les contradictions et dissonances entre l'ancien et le nouveau? Voici la quinzième et dernière proposition du document présenté au CN:

"Qu’à la suite de l’adoption du nouveau programme lors du Congrès spécial de 2025, le Comité de coordination national et la Commission politique soient chargés de mener conjointement un exercice d’actualisation des positions politiques qui se trouvaient dans l’ancien programme. Qu’une marche à suivre plus précise entourant ce processus soit adoptée lors du Congrès spécial."

Donc, mystère et boule de gomme, ce ne sont pas les membres, mais bien le CCN et la Commission politique qui devront trouver une façon d'harmoniser le tout? Si on suit la ligne pragmatique tracée par GND, la "modernisation" du programme la plus simple, rapide et efficace consisterait à dire: soit on garde l'ancien programme (vieux, long, touffu, trop radical), soit on adopte le nouveau (moderne, concis, clair, raisonnable) qui est capable de prioriser, s'adapter aux exigences du Québec actuel et susceptible de nous faire gagner davantage de sièges en 2026. Du moins, si j'étais un stratège fan de "cure minceur" et de "pragmatisme", c'est la stratégie que je proposerais.

Cela nous amène au dernier point, celui de la structure de QS.

3. Une structure organisationnelle trop lourde?

Dans le point de presse du 1er mai, GND dit: "Le troisième chantier, c’est la structure de QS. Cette structure-là elle a aussi été rédigée et mise sur pied à une autre époque de la vie de notre parti. À une époque où on n’avait pas de député ou sinon quelques députés. Les temps ont changé, notre structure doit être plus efficace, moins lourde, et plus simple. Je pense qu’on est rendu là maintenant qu’on a près de 18 ans d’existence."

On voit bien ici que GND ne parle pas de démocratisation des structures, ni de décentralisation du pouvoir. Il utilise plutôt le lexique néolibéral et managérial: "les temps ont changé", efficacité", "notre structure doit être moins lourde, et plus simple". "Je pense qu'on est rendu là", reformulation de l'argument "il faut s'adapter", issu du néolibéralisme comme le démontre bien Barbara Stiegler dans son essai Il faut s'adapter : sur un nouvel impératif politique (Gallimard, 2019).

Or, le terme "démocratique" semble revenir deux jours plus tard dans la publication Facebook du porte-parole: "Un parti de gouvernement, c'est un parti agile et démocratique. Québec solidaire fonctionne grosso modo de la même façon depuis 2006. À l'époque, on n'avait aucun député, aujourd'hui, nous sommes douze. La structure actuelle est trop lourde et elle exige énormément de temps, le temps des porte-parole et le temps de tout le monde qui travaille ou qui s'implique à Québec solidaire. On a besoin de passer moins de temps en réunion et plus de temps sur le terrain, avec les gens pour qui on fait de la politique. On a besoin d'une structure plus simple, plus agile et plus à même d'encourager l'implication des membres et des militants."

On voit encore une fois que le mot d'ordre est agilité, moins de lourdeur, plus simple, "moins de réunions", etc. Je suis d'accord avec l'idée de passer "plus de temps sur le terrain", mais que cela signifie-t-il concrètement, lorsqu'on oublie délibérément le rôle des "réseaux militants" (nouvelle instance créée par QS), lorsqu'on ne parle pas de "parti-mouvement", ni d'ancrage dans les mouvements sociaux, ni de parti de la rue, ni de formation politique des militant.e.s?

En fait, on parle plutôt qu'il faut moins de réunions pour délibérer, penser la stratégie, se former politiquement ou questionner les propositions des instances; il faut plutôt se transformer en simples exécutants, en pions, en "bons soldats" bénévoles prêts à faire du pointage lors des campagnes électorales, comme s'il s'agissait de l'alpha et l'oméga de la vie politique au sein d'un parti de gauche.

On n'a pas encore vu quelle serait la nouvelle mouture des statuts et règlements, mais on voit d'emblée que GND vise moins une démocratisation et décentralisation du pouvoir au sein du parti, que d'un allègement des structures, une simplification, une "cure minceur" encore une fois, synonyme de modernisation managériale.

Il en va de même pour le poste de co-porte-parole qu'il ne remet pas en question, mais souhaite "moderniser" et "adapter" pour le rendre plus clair et efficace. Dans sa publication du 3 mai, GND dit: "Je pense sincèrement que ça peut se faire en conservant notre modèle de leadership à deux porte-parole. La complémentarité est une force, je l'ai vécue avec Manon, j’aurais aimé la développer avec Émilise et maintenant, je suis optimiste avec Christine. Mais le modèle a été inventé à une autre époque de notre parti et il doit être modernisé. Nous avons deux porte-parole, mais seulement une personne cheffe parlementaire, et éventuellement une seule personne première ministre. Il faut préciser qui est responsable de quoi et qui est imputable de quelle décision."

Cela signifie-t-il avoir maintenant un chef et une co-cheffe, comme le président et vice-président d'une compagnie? Nul ne le sait encore, mais GND semble bien vouloir étendre son projet de modernisation tous azimuts à la structure de co-porte-parolat, vache sacrée de Québec solidaire, s'il en est une.

Conclusion: Du parti-mouvement au "parti normalisé"

À mon avis, le "parti de gouvernement" proposé par GND, signifiant vide dont il dessine progressivement les contours à travers ses déclarations publiques, signifie bel et bien une rupture par rapport à l'esprit de "parti-mouvement" à l'origine de Québec solidaire. Cette idée de "rupture" contraste ici avec le récit de la continuité que formule GND depuis quelques jours. Le 1er mai, il affirmait ceci:

"Depuis que je suis porte-parole de ce parti là, cette vision a toujours été claire, et je pense que je dois être plus transparent que jamais sur c’est quoi cette vision là. Je crois que QS doit devenir un « parti de gouvernement ». C’est la démarche que j’ai commencée il y a 7 ans que je suis entré pour succéder à Françoise David, et c’est encore ce que je souhaite faire. Depuis le premier jour je suis conscient que cette vision ne fait pas l’unanimité à QS. Il y a des gens qui ont une vision différente pour l’avenir de ce parti et de la gauche. Mais je pense que j’ai le devoir d’être transparent dans un contexte où mon parti traverse un moment difficile, sur c’est quoi ma vision. Je pense que QS doit devenir un « parti de gouvernement », et pour ça il faut faire des choix. Pour ça il faut changer des choses."

Or, cela semble paradoxal, car dans le contexte de 2018 le jeune porte-parole s'inscrivait d'emblée dans la lignée du populisme de gauche (inspiré de Podemos, Mélenchon et Sanders) et de l'idée du "parti-mouvement". Voici un extrait d'un article du Devoir datant du 2 février 2018:

"Appelons cela l’inspiration Bernie Sanders : en prévision des élections 2018, Québec solidaire (QS) souhaite décentraliser l’action militante de ses sympathisants pour en démultiplier l’effet. Au risque de «perdre un peu le contrôle sur le message». Tout pour faciliter l’implication, souhaite-t-on. «Le pari fondamental, c’est celui de la décentralisation, et oui, d’une forme de perte de contrôle, soutient M. Nadeau-Dubois. C’est de prendre à contre-pied la culture de base des partis, qui est toujours verticale : on veut contrôler, on veut faire attention, on ne veut pas avoir l’air fou. C’est la logique naturelle. Nous, on veut lâcher du lest. Mais ça implique que quelqu’un peut bafouiller au téléphone…»

Le co-porte-parole du parti inscrit cette initiative dans la foulée de ce qu’il promettait à son arrivée en politique l’an dernier : rapprocher le parti d’un mouvement social. Dans le cas présent, la principale nouveauté consiste en la possibilité, pour les militants, d’organiser des activités identifiées à QS sans que personne du parti autorise l’événement. «C’est l’idée derrière la campagne de Bernie Sanders [candidat à l’investiture des démocrates américains], reconnaît Gabriel Nadeau-Dubois : donner beaucoup d’autonomie aux militants, leur faire confiance.»"

On voit dès lors que GND ne s'inscrit pas en continuité avec la stratégie du parti en 2018, mais plutôt avec la stratégie de "normalisation" et de "professionnalisation" de la campagne de 2022 qui a été beaucoup plus centralisée au niveau du message et de l'action stratégique, avec moins de place pour la spontanéité et l'auto-organisation locale.

Si GND avait voulu être fidèle à l'esprit de QS et ses origines, tout comme à l'élan de son premier mandat, il aurait misé sur la relance du "parti-mouvement", quitte à réinventer les formes de cette action politique. Au contraire, il mise aujourd'hui sur la normalisation du parti, de ses structures et positions, afin de le rend plus "simple" aux attentes de l'électorat en 2016. Loin de vouloir changer la société, il vise donc à changer QS pour pouvoir former le gouvernement et gérer la société dans les paramètres du système actuel.

Une lecture plus charitable serait sans doute de ne pas prêter d'intentions à GND, car celui-ci s'identifie clairement à la gauche. C'est vrai, mais la gauche n'est pas une simple "identité politique", un vêtement que l'on porte ou une simple identification du type "me voici, je m'identifie à la gauche". Je ne doute pas une seconde que GND croit sérieusement qu'il est de gauche et qu'il porte ses valeurs en lui; ce qui me préoccupe, c'est qu'il croit dur comme fer que sa stratégie de "parti de gouvernement" est la seule voie pour faire "gagner la gauche", que la seule stratégie viable soit la sienne, et que les stratégies critiquant sa vision soient taxées d'idéalistes, radicales, rêveuses, utopistes, pelleteuses de nuage.

Si GND veut qu'on recentre le débat non sur sa "personnalité", son "leadership" ou son "manque d'écoute", mais sur sa "vision politique", voilà chose faite: j'invite tout.e.s les membres de QS, et aux personnes qui s'identifient au féminisme, au socialisme, à la décolonisation et à l'écologie radicale, à entrer dans le débat stratégique concernant les "visions" qui nous permettraient de "transformer la société en profondeur".

Pour l’instant, la vision proposée par GND peut être reformulée par cet acronyme : Gauche Normalisée Déradicalisée.

À mon humble avis, une gauche décomplexée devrait plutôt s'inspirer de l'acronyme d'Émilise:

Émancipation
Mouvement
Initiative
Lien
Inspiration
Solidarité
Entraide

Cela peut sembler simpliste, mais cela me semble néanmoins plus inspirant qu'un parti de gouvernement normalisé en panne d'imagination.

Photo : Radio-Canada / Sylvain Roy Roussel. Gabriel Nadeau-Dubois a vu son leadership de co-porte-parole de Québec solidaire remis en question dans la foulée de la démission d'Émilise Lessard-Therrien

padding Carnet(s) relié(s)

file_copy 5 notes
Carnets politiques
file_copy 5 notes
person
Intégré par Jonathan Durand Folco, le 5 mai 2024 22:20

Auteur·trice(s) de note

forumContacter l’auteur·trice forumDiscuter de la note

Publication

6 mai 2024

Modification

5 mai 2024 22:49

Historique des modifications

Visibilité

lock_open public