Atelier #8 - Se loger en milieu rural : parcours d’une initiative locale inspirante

25 janvier 2024, de 13h30 à 15h30

Cette conférence s'inscrit dans la série d'ateliers sur la transition socioécologique organisés par les Ateliers des savoirs partagés de novembre 2022 à avril 2024.

Conférenciers.ères

  • Philippe Dufort, président de CMétis - Projet d'écoquartier de Métis-sur-Mer;
  • Steve Joncoux, chercheur au LLio et chargé de projet chez Fab-Région Bas-St-Laurent et Métalab des régions en transition
  • Lucie Morin, étudiante au doctorat à l’École de travail social de l’Université de Montréal
  • Louis-Philippe Blanchette, étudiant à la maîtrise en géographie à l’UQAM et membre du comité TSÉ des ASP.

Textes préparatoires pour initier la réflexion :

Bailly, Émeline (2022). Écoquartier , dans D. Marchand, Psychologie environnementale : 100 notions clés. Dunod, pp. 100-101 et Habitat et logement, pp.121-123. 

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Introduction - Cadrage des concepts de transition socioécologique (TSÉ) et d'écoquartier

Trois définitions, parmi les différentes définitions de la transition socioécologique qui existent, nous sont proposées aujourd’hui par Lucie Morin (doctorante en travail social à l'Université de Montréal) :

Tiré du PowerPoint présenté par Lucie Morin

Chaque territoire veut revoir les façons de vivre ensemble, de produire, de consommer et de travailler, en fonction de ses particularités. Certains concepts et certaines valeurs ressortent de ces trois définitions:

  1. L’idée de changement radical des systèmes est au cœur de la 1re définition.
  2. La 2e définition met de l’avant l’idée de revoir la façon de consommer, de produire, de travailler et de vivre ensemble pour en arriver à une transition énergétique et une transition agroalimentaire. 
  3. Le volet social ressort davantage de la 3e définition. On parle de changements axés davantage sur les pratiques démocratiques et les rapports sociaux porteurs de justice sociale et d’inclusion.

Louis-Philippe Blanchette, étudiant à la maîtrise en sciences de l'environnement à l'UQAM, présente le cadre théorique de son mémoire de maîtrise qui porte sur des initiatives locales en milieu rural, dont l’écoquartier de Petit-Saguenay.

Tiré du PowerPoint présenté par Louis-Philippe Blanchette

Pour en arriver à transformer l’habitation, dépasser la conception classique des quartiers de la modernité, il faut penser autrement les quartiers, penser à une variété de facteurs, d’éléments interreliés :

  • Environnement - Réduction de l'empreinte directe du quartier
    • gestion des déchets
    • gestion de l’énergie
    • matériaux
    • gestion de l’eau
    • biodiversité
  • Social - Volonté de transformation du mode de vie
    • densité
    • qualité de vie
    • économie locale
    • diversité des fonctions
    • mobilité durable
    • Mixité sociale
    • Proximité et utilisation des services
  • Gouvernance participative - de la consultation à l’autogestion
    • participation des élus, des résidents du territoire, des futurs résidents du quartier et des experts.
    • créer un consensus
    • favoriser un sentiment d’appartenance
    • apporter de nouvelles idées
    • favoriser l’apprentissage

Aussi, pour que les projets d'écoquartiers soient véritablement transformateurs, ils doivent intégrer les éléments suivants:

Tiré du PowerPoint présenté par Louis-Philippe Blanchette

Présentation du projet d'écoquartier de Métis-sur-mer

Mise en contexte - élément déclencheur :

Au début de la pandémie, Philippe Dufort, président de CMétis, effectue un retour dans son village natal, Métis-sur-Mer, avec sa famille. La grande difficulté à trouver un logement a fait germer l’idée de créer un co-habitat. Grande surprise de constater l’appétit des gens pour le co-habitat, une douzaine de ménages étaient intéressés dès le départ. 

Quelques constats réalisés rapidement par rapport à la capacité de mise en mouvement pour créer un écoquartier :

  • enjeu au niveau de l’action collective
  • beaucoup d’expertises nécessaires
  • beaucoup d’initiatives naissent, mais s'essoufflent avant d’arriver à construire
  • financement et capitalisation, crédibilité face aux créanciers est un obstacle important.

La création de l’OBNL CMétis est l’avenue choisie pour concrétiser le projet et répondre aux défis majeurs que la création d’un écoquartier comporte : 

  • Le mandat de CMétis est de créer un cohabitat en co-construction et d’aller chercher de l’expertise pour en arriver à l’étape de mise en chantier.
  • La mission sociale : “Démarchandiser et décarboner le secteur immobilier par l’intermédiaire d’activités de conception-construction écologiques afin d’accélérer la transition socioécologique du Québec.”
Tiré du PowerPoint présenté par Philippe Dufort

Quelques facteurs de succès :

  • La mairie de Métis-sur-Mer devait être partie prenante, de façon proactive. Ce qui s’est concrétisé par un partenariat public-collectif. La municipalité a octroyé le mandat de développeur à CMétis.
    • Ce partenariat avec la municipalité a permis à CMétis d’aller chercher le financement nécessaire (crédibilité), entre autres auprès de la Société d’habitation du Québec (SHQ).
    • Support de la municipalité également pour des enjeux techniques non négligeables, comme les égouts.
  • Un appui de la part de mentors, ingénieurs, développeurs immobiliers, a également été très important.
  • La municipalité a réalisé un exercice de co-construction d’une vision stratégique municipale. Constat d’un bel alignement entre ce que les citoyens ont partagé et la vision du projet d’écoquartier (vision commune).
  • Défi pour CMétis d’être aussi efficace que les autres entrepreneurs immobiliers, de consolider son expertise
  • Lien de confiance ancré dans de vieilles relations (le fait que Philippe soit natif de Métis-sur-Mer a grandement aidé).

Grande préoccupation de CMétis par rapport aux bénéfices du projet pour la communauté. Il est alors décidé que les surplus seront investis dans la communauté. Redistribution des profits:

  • 50% : Innovations socio-environnementales de proximité
  • 25% : Innovations socio-environnementales régionales
  • 25% : Recherches en innovations sociales

Effet boule de neige :

Grâce à son expertise développée dans le cadre de la mise en place de l’écoquartier de Métis-sur-Mer, CMétis est interpellé pour un projet de 250 unités, à Rimouski, avec un financement conséquent. Au- delà de l’émergence d’un premier site, la création d’un milieu de vie, c’est l’occasion de mettre en marche un cercle de pollinisation et de multiplier ce genre d’initiative. 

Aussi, les constructeurs et fournisseurs adaptent leur offre de produits pour satisfaire aux impératifs écologiques et locaux du projet. Il y a donc un effet transformateur sur le secteur de la construction.

Période d'échange et de questions

Bravo, initiative innovante et stimulante! Qu’est-ce qui a été l’élément déclencheur à cette action? Qu’est-ce qui a véritablement motivé ? Comment assurer un leadership fort?

Chaque histoire est particulière. Dans ce cas, le contexte de recherche de logement avec de jeunes enfants a été l’élément déclencheur. En interpellant son réseau et le maire, Philippe a constaté un intérêt. Lorsqu'il y a eu la convergence entre le monde municipal et les “revenants” en milieu rural, tout a déboulé et le financement a suivi.

Un projet d’écoquartier est en préparation à Petit-Saguenay depuis 2 ans. L’embûche le plus important actuellement est l’augmentation des coûts de construction (risque de compromettre le projet). Est-ce qu’il y a une façon de travailler qui pourrait permettre d’avoir un impact sur cet élément ?

Dans le cadre d’un tel projet, il faut être capable d’agir avec l’expertise d’un développeur immobilier privé. Ça nécessite une série d’expertises. À partir du moment où on peut faire ça de façon sérieuse, on peut entrer dans la logique d’économie sociale. Si on n'a pas cette expertise, c’est difficile d’avancer. 

Un projet d'éco-hameaux est en cours dans notre municipalité depuis 2016. Il y a beaucoup de verrous dans le projet et les porteurs, avec l’aide de la municipalité, sont actuellement en train de solutionner un problème pour permettre l’installation de 6 mini-maisons dans la forêt. La réglementation empêche d’être plusieurs propriétaires sur un même lot, en territoire forestier, et la solution sera de faire un micro-zonage. Est-ce que vous vous êtes heurtés à des problèmes de réglementation?

Oui, c’est la municipalité qui est allée pousser le dossier au niveau de la MRC.

Présentation très inspirante! La ville de Matane se positionne comme facilitatrice pour ce genre de projet. Qu’est-ce qu’une ville ou une municipalité peut faire de plus ? 

Ce genre de projet innovant requiert une équipe qui monte des projets qui répondent à une logique de transition systémique (et non pas à la logique du marché). Le rôle des institutions publiques de proximité a trait à l’expertise et la performance de l’expertise. Si une municipalité a une vision de développement qui s’inscrit dans la TSÉ, il devient intéressant d’établir un partenariat avec une organisation/organisme qui partage cette vision. 

Questionnement par rapport au facteur humain. Comment prenez-vous vos décisions, (gouvernance, gestion de conflits)? 

Le premier défi est de co-concevoir une charte d’écoconstruction (bâtiment central, cuisine, atelier mécanique, chambres à coucher, auto partage, potager et serre). Le 2e défi est l’élaboration collective d’une charte du vivre ensemble (qu’est-ce qui fait qu’on est membre?). Ce qui engendre des discussions assez ardues entre les gens, il faut donc avoir les bons mécanismes en place. Il s’agit d’un projet avec, par et pour les citoyens, donc c’est la collectivité qui décide.

Comment faire pour mobiliser des porteurs de projets ?

Ce sont les idéaux et la vision/mission sociale qui motivent. CMétis agit en complémentarité pour faire avancer les projets en assumant les rôles plus techniques et administratifs.

Retour sur la notion de freins et de verrous

Steve Joncoux, chercheur au LLio et chargé de projets de Fab-Région Bas-St-Laurent et du Métalab des régions en transition, introduit l’atelier participatif en faisant un retour sur les notions de freins et de verrous abordées lors des ateliers précédents. 

L’auto-reproduction des systèmes - Tendance des systèmes à s’autoreproduire dans une dynamique stable

  • effets de verrouillage du système (verrouillage technique, réglementaire, économique…)
  • chemin de dépendance (innovations incrémentales qui adaptent le régime plus qu’elles ne le transforment)
  • Jeux de pouvoirs pour garder une position dominante

⇒ Nécessité de lever les verrous des systèmes pour faire une transition

Distinction à faire entre un "verrou" et un "frein"

Tiré du PowerPoint présenté par Steve Joncoux
Tiré du PowerPoint présenté par Steve Joncoux

Processus de déverrouillage

  • Bien comprendre les verrous, au-delà des freins
  • Pour ensuite, lever les verrous, en s’organisant collectivement
  • Du plus “facile” vers le plus complexe. 
  • Chaque verrou levé facilite l’atteinte du suivant

Atelier participatif - Faits saillants

Question principale posée aux sous-groupes: Les écoquartiers sont des projets innovants d’habitat participatif qui transforment les façons de faire en matière de développement résidentiel. Quels sont, selon vous, les verrous qui entravent la réalisation de tels projets sur nos territoires? 

Quelques freins et verrous aux projets d'habitat innovants identifiés lors des discussions

  • Manque d’adhésion – acceptabilité sociale
  • Bloqué dans nos schémas, façon de faire conventionnelle
  • Attractivité du milieu rural
  • Crédibilité, acceptabilité, confiance envers les promoteurs
  • Lourdeur administrative
  • Immobilisme
  • Fiscalité 
  • Réglementation, zonage
  • Disponibilité des terrains vs concurrence
  • Manque de ressources expertes dans le domaine
  • Manque de porteurs de projet
  • Rester trop longtemps dans le rêve ou la phase de discussion
  • Coût élevé de construction - augmentation des coûts
  • Manque de temps et de leadership
  • Limite des ressources, des programmes financiers
  • Phénomène du "pas dans ma cours"
  • Désengagement des municipalités
    • Réfractaires aux changements
    • Surchargées
  • Contraintes juridiques
  • Manque de cohésion ou présence d’une scission entre les groupes
  • Défi d’avoir une gouvernance participative
  • Relations de pouvoir entre les humains et les organisations

Pour en savoir plus

Dufort, Philippe (2022). L’innovation sociale émancipatrice : fondements théoriques néopolanyiens, CJNSER / ReCROES, Vol.13-No.1, p.12 -26.

Dufort, Philippe (2022). Penser nos stratégies de transition systémique à l’échelle territoriale : Quelques concepts-outilsdepuis la théorie de Erik Olin Wright, Université Saint-Paul, 10 pages.

et aussi...

Amat, Florent et Laurie Guimond(2023). Habiter les campagnes autrement : la néo-ruralité et le cas particulier des écohameaux au Québec et en France, texte du congrès annuel de l’AARQ de 2023.

Anctil, Gabrielle (2023). Loger à la même adresse, XYZ, 192 pages.

Centre de recherche sociale appliquée (2016). Le logement social et communautaire dans la dynamique territoriale : retombées socioéconomiques des projets d'habitation AccèsLogis au Québec, Rapport de recherche du Centre de recherche sociale appliquée, Trois-Rivières, 170 pages

Prochains ateliers : 22 février et 28 mars 2024, de 13h30 à 15h30

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Intégré par Marie-Ève Lavoie, le 23 janvier 2024 15:43

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Publication

23 janvier 2024

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8 mars 2024 14:11

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