Cette note résume des discussions soulevées lors de la 2e phase du processus de recherche-action « Aller du bord de l'exclusion » effectuée par COSMOSS entre 2013 et 2015, dans le but de proposer des moyens et outils pour mieux rejoindre les personnes vulnérables et éloignées des services de soutien.
Contacts d'être humain à être humain
Ce chapitre introduit les pratiques évoquées par les répondants pour rejoindre plus spécifiquement les personnes éloignées des ressources et des services.
Comme certains l’ont mentionné : « y’a pas de recette miracle, c’est des humains! ». Par conséquent, les moyens décrits par les intervenants sont essentiellement portés par une philosophie de pratique pouvant se résumer en une phrase : un être humain se porte à la rencontre d’un autre être humain. Ou, autrement dit, il s’agit avant tout de compter sur des atouts liés à la condition humaine, au fait « qu’il faut juste être humain quand on travaille avec des gens comme ça » :
💬 « Les gens, comme toi et moi, on a tous nos zones d’inconfort, on est des humains. Y’as-tu quelque chose qui ressemble plus à un humain qu’un autre être humain? On a tous pleuré, eu dela peine, été heureux, blessé, etc. ». (Entrevue 15)
💬 « Dans la vulnérabilité, ce qui marche, c’est quand tu les regardes comme des personnes, qu’importe la vulnérabilité ». (Entrevue 13)
L'humanitude
Ce terme, utilisé par un des répondants, fait référence à la capacité d’un individu de prendre conscience de son appartenance à l’ensemble de l’espèce humaine et de considérer ainsi les autres êtres humains comme ses semblables.
Assumer sa propre humanitude permet non seulement de reconnaître celle des personnes visées, mais induit également le réflexe de les aborder comme des individus à part entière, de les considérer autrement que comme « un dossier, un numéro ». Ainsi, les « nommer comme du monde, et non pas des problèmes, des étiquettes », représente une carte maîtresse dans la miseen place d’une approche de proximité, pivot autour duquel s’articulent les pratiques décrites par lesintervenants comme étant les plus efficaces. Qu’il soit question de recrutement, d’attraction ou de rétention, « être proche des gens » et apprendre à « connaître ton monde, à aller chercher qui connaît qui » constituent pour l’essentiel les principales bases d’une approche de proximité.
De prime abord, la recette semble simple, mais son application n’apparaît pas toujours aller de soi et requiert des conditions minimales pour en assurer le succès. Comme l’évoque un des répondants, dont le supérieur hiérarchique précédent souscrivait à cette philosophie, l’approche de proximité est « rentable », mais il est nécessaire d’y adhérer pour l’actualiser :
💬 « L’approche milieu, tu es partout. T’es là où sont les gens. C’est pas vrai que tu perds ton tempsau petit café. Tu te rends où sont les gens, tu les visites, tu es connu et reconnu. La condition : faut que les intervenants qui embarquent là-dedans comprennent ce qu’est l’approche, et partagent cette approche-là, partgent l'idéologie, et qu'ils adhèrent à ça ». (Entrevue 15)
Face à face avec les personnes visées...
Sur leur terrain
Plus encore que de simplement se déplacer vers les gens là où ils se trouvent, l’approche de proximité implique de pénétrer dans un milieu d’où sont vraisemblablement exclus les intervenants eux-mêmes, suggérant ainsi une interversion des notions d’inclusion et d’exclusion. En se dirigeant « du bord de l’exclusion », les intervenants vont à la rencontre d’un monde qui ne leur est pas nécessairement familier.
Malgré tout, « aller sur le terrain » représente nettement une solution incontournable pour la très grande majorité des répondants. Elle permet notamment d’éviter que les personnes visées se sentent davantage vulnérables en leur imposant de venir vers les services en place. En revanche, cette façon de faire oblige les intervenants à aborder leurs pratiques différemment.
Le risque alors d’être confronté à un choc des valeurs peut s’avérer plus élevé que lorsque lesintervenants reçoivent les personnes sur leur lieu de travail :
💬 « Choc de valeurs, mauvaises odeurs, insalubrité […] Difficile comme intervenant, et on est confronté à ça. Il y a des choses que l’on peut dire et d’autres non .» (Entrevue 16)
Dans leur espace de pouvoir et de dignité
Malgré les inconvénients liés à une approche de proximité, les répondants mettent en évidence les impacts positifs que génère leur présence dans l’environnement des personnes. Non seulementc ette façon de procéder permet-elle de leur laisser la « décision d’ouvrir la porte », mais elle préserve leur dignité en ce qu’elle offre l’opportunité de parler de leurs souffrances en se « tenant debout » :
💬 « Quand je vais à domicile, je suis sur leur terrain. S’ils ont accepté ça, ils acceptent que je rentredans leur monde, c’est moi qui m’adapte, c’est moi qui suis solide, qui suis payée pour ça, c’est à moi de faire des efforts. Je sais tout de suite leurs rêves, où est-ce qu’ils veulent s’en aller, et je peux les accompagner, ils sont mobilisés tout de suite .» (Entrevue 13)
Selon les répondants, une philosophie de pratique basée sur la proximité avec les personnes à rejoindre repose sur certaines façons de faire où le contact, direct ou indirect, en constitue l’élément majeur.
En savoir plus
🟣 Poursuivre la lecture vers l'entretien sur les stratégies directes de prise de contact
🟠 Consulter l'entretien sur les conditions d'application de l'approche de proximité
🟢 Accéder au résumé des éléments de discussion de la recherche-action
