La ville de Barcelone en 2015 : Les communs au pouvoir

Note aux lectrices et lecteurs : cette fiche revient sur le tournant de 2015 lorsque la plateforme citoyenne "Barcelone en Commun" gagne les éléctions municipales. Elle ne prend pas en compte les élections de mai 2023 où la mairesse sortante n'est pas réélue. Cela fera l'objet d'une autre fiche lorsque des données suffisantes pourront être agrégées.

Les éléctions de 2015 : un tournant pour la co-gouvernance de la ville

En mai 2015, la plateforme citoyenne Barcelona en Comú (Barcelone en commun) a propulsé Ada Colau au pouvoir en tant que première femme maire de la ville. Dix mois plus tôt, le groupe n'existait pas. Cependant, la ville avait une longue tradition de partenariats publics-privés.

La victoire de la plateforme Barcelone En Commun au soir des élections (c) The Guardian

Barcelone : une longue tradition de partenariats publics-privés en amont des élections municipales

La ville de Barcelone est un autre exemple d'approche déclarative (bottom-up) ; elle est proche du modèle de Naples, mais avec une portée plus étendue.

La politique mise en oeuvre par la ville a évolué au fil du temps, s'appuyant sur une tradition de plusieurs années de projets pilotes visant à accorder aux organisations à but non lucratif locales l'utilisation de bâtiments appartenant à la ville de Barcelone pour mener des activités sociales.

Ainsi, l'orientation institutionnelle et la capacité de la ville de Barcelone en matière de collaboration publique-sociale étaient déjà importantes, en raison notamment de l'historique en matière de collaboration entre les acteurs publics, privés et communautaires dans la gouvernance de la ville, ainsi que du soutien apporté par les organisations à but non lucratif  à la cogestion des espaces et des infrastructures appartenant à la ville.

À partir des années 1980, Barcelone a adopté la gestion civique des installations et des services appartenant à la ville par le biais d'accords ou d'arrangements contractuels individuels en l'absence d'un cadre juridique ou d'un engagement uniforme dans l'ensemble de l'administration locale. La collaboration entre le gouvernement local et les acteurs sociaux a été largement gérée par des actions ad hoc ou des politiques disparates. Ces actions et politiques ont fini par jeter les bases d'une approche plus globale de la gestion collective des actifs de la ville, à savoir la politique du patrimoine civique qui reconnaît les OBNL et les habitants de la ville et les aide à cogérer les bâtiments appartenant à la ville dans le but de produire et de fournir des services sociaux et culturels.

Un renforcement de la gestion des communs à la suite des élections de 2015

Cette politique du patrimoine civique n'est que l'une des nombreuses politiques qui promeuvent une approche de la gouvernance urbaine axée sur les besoins des citoyens. Les autres politiques mises en oeuvre à la suite des élections abordent des enjeux tels que :

  • Le logement abordable ;
  • La piétonisation des rues ;
  • L'augmentation de l'espace public ;
  • La souveraineté énergétique ;
  • L'économie sociale et solidaire ;
  • La démocratie et la justice numériques ;
  • Et les marchés publics socialement responsables.

Dans chacun de ces domaines, l'administration élue en 2015 applique le principe de collaboration civique publique par le biais d'une approche déclarative de collaboration.

En 2017, la ville a décidé de créer un programme appelé Patrimoine citoyen d'utilisation et de gestion communautaire (Programa de Patrimoni Ciutadà) visant à créer un cadre conceptuel et normatif pour la promotion et le développement de la gestion communautaire des bâtiments sous-utilisés. Le programme de patrimoine civique a créé une entité spéciale, le Conseil du patrimoine civique (Taula de Patrimonio Ciudadano), pour superviser et centraliser le processus d'utilisation et de gestion communautaires des biens municipaux.

Une pluralité de mécanismes de co-gouvernance au service de la gestion commune de l'espace urbain et du patrimoine

Un exemple de ce programme est  la création de centres civiques. Il s'agit de bâtiments appartenant à la ville et répartis sur l'ensemble du territoire, dont la gestion est assurée de trois manières différentes : (1) cogestion par le biais d'un partage des responsabilités et des tâches entre l'administration locale et une OBNL particulière ; (2) gestion civique où le bâtiment est géré par les résidents mais les services offerts sont fournis par la ville ; ou (3) gestion communautaire où une OBNL fait office de gestionnaire du bâtiment et offre des services directs.

La ville paie également les frais d'eau et d'électricité et supporte toutes les dépenses nécessaires pour assurer la sécurité de l'espace.

En 2015, il y avait plus de trente-cinq espaces régis par la gestion civique, dont des centres civiques, des maisons de quartier, des centres communautaires, des installations culturelles et sportives, et des lieux de patrimoine historique, architectural et culturel.

Le programme de patrimoine civique a ensuite été codifié dans le " Plan stratégique pour les biens des citoyens 2019-2023 - Nouvel agenda pour les politiques qui favorisent la collaboration entre le public et la communauté ". Selon ce plan, le programme Citizen Assets se compose de trois éléments : (1) le transfert de propriété pour l'utilisation et la gestion communautaire de bâtiments ou de terrains, réalisé par le biais d'un accord de transfert ou d'un contrat de transfert ; (2) la gestion communautaire d'installations locales (installations culturelles, sociales, sportives et environnementales) qui sont transférées à une communauté par le biais d'un accord de collaboration avec une subvention pluriannuelle et dans lequel l'installation devient un service de la ville géré par la communauté ; et (3) la gestion communautaire de services d'initiative citoyenne et d'intérêt public. Dans ce dernier cas, la ville apporte son soutien à des projets initiés par la communauté et qui peuvent être considérés comme des services d'intérêt public.

Les premiers enseignements de co-gestion de l'exemple barcelonais : la nécessité d'élaborer un cadre juridique et un mécanisme de mesure d'impact

L'un des grands enseignements de la première phase de mise en œuvre de co-gestion a été la nécessité d'élaborer un cadre administratif juridique approprié pour réguler et accompagner la collaboration entre les pouvoirs publics et la communauté.

Un autre enseignement et objectif de la municipalité concerne aussi la viabilité économique de la gestion communautaire.

Focus sur le mécanisme du bilan communautaire

Ainsi, an aspect clé du programme Citizen Assets est le bilan communautaire, un outil d'auto-évaluation fourni par la ville et rédigé par la communauté, qui vise à quantifier les impacts (par exemple, sociaux et environnementaux) de leur activité et la valeur économique produite par la gestion communautaire. Il analyse des questions telles que les liens avec le territoire, l'impact et le retour social, la gestion interne démocratique, transparente et basée sur la participation, la durabilité environnementale et économique et l'attention portée aux personnes (y compris l'égalité de genre) et aux processus.

De plus, lorsque les organisations s'inscrivent au programme "Patrimoine citoyen", elles acceptent d'être incluses dans le bilan communautaire. Cela se fait par le biais d'un formulaire contenant des questions et des indicateurs visant à évaluer la responsabilité sociale conjointe du projet, l'identité locale, la gestion démocratique et la prise en compte des besoins de la communauté et de l'environnement.

Deuxième mécanisme d'intérêt : le conseil des biens citoyens

Le programme "Patrimoine citoyen" comprend un Conseil des biens citoyens, un organe municipal interne dont la mission est d'assurer la coordination de tous les transferts d'usage effectués et d'organiser une politique de promotion de la propriété citoyenne. Un exemple de l'utilisation de cet outil est l'un des premiers projets pilotes de régénération dans le cadre du programme Citizen Assets. La ville a accordé l'usage d'un bâtiment à l'association Can Batlló Self-Managed Community and Neighborhood Space par le biais d'une "concession d'usage privé d'un bien public", illustrant plusieurs similitudes avec l'approche de Naples avec la Déclaration des usages urbains civiques et collectifs, mais en mettant davantage l'accent sur la durabilité économique du schéma de gestion collective.

Les attentes de la part de la municipalité : cahier des charges et obligations

Les services du patrimoine de la ville de Barcelone ont élaboré un cahier des charges qui garantit l'ouverture, l'utilisation participative et la gestion collective de la ressource, à l'instar de ce que prévoit la déclaration de Naples.

Les clauses précisent que le concessionnaire doit payer un loyer abordable de 650 euros par an (article 4). La Communauté doit établir le bilan communautaire tous les deux ans et en communiquer les résultats au conseil municipal, ainsi que toutes les informations demandées par le conseil municipal concernant la gouvernance et les activités du projet.

Une autre similitude avec le cas de Naples est que le conseil municipal paie les coûts des services publics jusqu'à des limites préalablement convenues, sur la base de la durabilité économique et environnementale.

Les deux parties s'engagent à veiller à ce que les critères du patrimoine civique soient respectés et à ce que l'espace concédé de Can Batlló soit un espace ouvert à tout résident ou organisation de la ville (article 7) (Directorate of Heritage Legal Services 2018). 

Faire avancer votre réflexion

  • Que vous inspire l'exemple de la ville de Barcelone?
  • Après avoir pris connaissance de la fiche dédiée à la ville de Naples, quelles conclusions tirez-vous de ces deux modèles pour votre municipalité?
  • Comment pourriez-vous revisiter ces exemples de co-gouvernance déclarative à l'aune des bâtiments laissés vacants à Montréal post Covid19?
  • Quels mécanismes pourraient également permettre de réguler de manière citoyenne la hausse des loyers pour les particuliers?

Pour aller plus loin

Foster, S. R., & Iaione, C. (2022). Co-Cities: Innovative Transitions toward Just and Self-Sustaining Communities. The MIT Press. (chapitre 3 en anglais)

Juan, M. (2018). Les communs urbains à Barcelone : vers une réinvention de la gouvernance territoriale ?. Espaces et sociétés, 175, 35-49.

The Guardian.How to win back the city: the Barcelona en Comú guide to overthrowing the elite. (Article de presse en anglais).

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Intégré par Anaïs Del Bono, le 10 septembre 2023 07:41
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10 septembre 2023

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3 novembre 2023 00:30

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