L'expérimentation d'affaires au sein de Cyclistes solidaires

En tant que mouvement citoyen sans but lucratif qui soutient la sécurité alimentaire à Montréal, Cyclistes solidaires est consacré à la livraison de repas aux plus défavorisés .

Vous avez probablement déjà entendu parler d’eux, un groupe de cyclistes enthousiastes qui ont apporté une grande contribution aux plus démunis de Montréal en temps de Covid. Mais, comment est né ce mouvement citoyen? Même si cela n’en a pas l’air, découvrez comment la démarche expérimentale de ce projet a permis de le consolider au fil du temps, s’imposant comme un outil de réponse qui s’inscrit dans la politique de sécurité alimentaire développée par la métropole du Québec.

Le confinement décrété par le gouvernement en raison du covid mi-mars 2020 a forcé la fermeture des salles à manger populaires, laissant plusieurs bénéficiaires à la dérive. Face à cette situation, quelque 800 personnes se sont mobilisées pour former Cyclistes solidaires , un mouvement citoyen à but non lucratif composé de bénévoles voués à contribuer à la sécurité alimentaire des plus démunis. Ce projet est lié au commun Gestion des bénévoles pour la livraison à vélo .

En effet, nous avons discuté avec l’une des cofondatrices, Agathe Lehel, représentante de Ouishare, l’un des organismes fondateurs de Fabmob Québec , qui nous a donné des détails sur le fonctionnement de cette organisation.

Approche empirique
Dans le but de générer la plus grande valeur possible, Cyclistes solidaires a agi directement après avoir identifié le problème. Face à la fermeture des salles à manger populaires, il a proposé un service de livraison à domicile à vélo pour venir en aide aux cuisines collectives et, par la même occasion, aux consommateurs finaux dudit produit. Ainsi, le fournisseur alimentaire a la garantie que son produit sera livré et, d’autre part, le client peut compter sur le panier repas qu’il avait déjà l’habitude de recevoir.

Son premier « early adopter » a été la cuisine Hochelaga-Maisonneuve , la première à prendre le risque de s’appuyer sur Cyclistes solidaires pour entretenir des liens avec sa clientèle habituelle. « Ça s’est bien passé, on a essayé de garder un lien de communication important au départ pour s’assurer qu’on répond à leur besoin », a expliqué Agathe, soulignant le sens empathique de l’organisation.

De façon intuitive, l’équipe de Cyclistes solidaires a appliqué à cette étape les outils d’expérimentation entrevue problème et entrevue solution , afin de valider qu’ils répondaient à un vrai problème et, également, que la solution proposée soulage la douleur du client.

Ainsi, en vérifiant que la proposition génère de la valeur, Cyclistes solidaires est allé à la recherche de financement et de soutien, sans avoir à convaincre qui que ce soit de leur octroyer ces ressources. Bref, Cyclistes solidaires a effectué un test de désirabilité de sa proposition de valeur sur le terrain même, obtenant une réponse positive du marché.

Le fonctionnement à l’interne

Comment gérer un mouvement de plus de 800 membres et le garder efficace? Pour Cyclistes solidaires, l’hypothèse est d’établir un modèle de fonctionnement horizontal dans lequel il n’y a pas de hiérarchie, mais un flux constant de communication (comité de coordination chaque semaine) qui permet de faire des ajustements si nécessaire, laissant place au développement de l’empathie entre les membres et avec l’utilisateur final. « Le fait que nous soyons tous bénévoles nous a poussés à nous orienter vers ce modèle de fonctionnement (modèle horizontal) », a expliqué Agathe.

En ce qui concerne le fonctionnement, Cyclistes solidaires a privilégié deux types d’expérimentation : la maquette d’application et la co-création . Dans le cas de la maquette d’application, il ne s’agit pas d’une maquette de solution d’application, mais plutôt d’une maquette de solution pour un cadre de gouvernance via un fonctionnement horizontal. Concernant la co-création, l’accent est mis sur la co-création d’un mouvement social citoyen porté par des bénévoles.

Afin de conserver un mode de prise de décision simple, Cyclistes solidaires a opté pour la prise de décision par sollicitation d’avis, ce qui donne une dynamique décentralisée au mode de fonctionnement en interne. C’est-à-dire, si quelqu’un veut développer une idée, cet individu doit demander l’avis des personnes qui seront touchées par cette idée, ainsi que l’avis de ceux qui ont de l’expérience en la matière.

Par le biais de cette démarche, Cyclistes solidaires poursuit deux objectifs. D’abord, faciliter l’action sur des démarches administratives lourdes qui limitent l’initiative des bénévoles. Ensuite, s’appuyer sur les connaissances collectives des membres à la fois pour apporter des améliorations à la proposition de valeur et pour libérer le plein potentiel de ceux qui font partie de l’organisation.

« Nous ne pouvons pas centraliser les informations en un seul endroit. Cela demanderait beaucoup de travail et serait très lourd. C’est pourquoi nous distribuons le pouvoir d’agir. Par cette approche, nous cherchons à créer un environnement inclusif dans le but de créer une communauté plus forte », explique Agathe, faisant allusion à l’esprit agile au sein de l’organisation.

Un modèle de livraison de valeur sociale

Sans but lucratif, le projet Cyclistes solidaires repose sur un modèle de livraison de valeur sociale. Agathe, au nom des membres fondateurs, souligne que faire payer pour le service offert risque de dénaturer le mouvement. « Ne pas avoir d’individus rémunérés est une obligation de notre modèle, si nous voulons fonctionner il doit être réparti horizontalement. »

Au sein de l’équipe, Cyclistes solidaires est conscient que si le projet doit s’arrêter, alors il s’arrêtera. Cependant, la volonté du groupe est aussi d’évaluer les différentes options qui peuvent être offertes au mouvement, considérant qu’il répond à un besoin inscrit parmi les politiques de la ville de Montréal en matière de sécurité alimentaire.

Justement, selon l’étude de la Fondation du Grand Montréal , dans l’aspect logistique, l’approvisionnement de denrées alimentaires est parmi les points importants auxquels il faut assister et des 12 recommandations faites dans cette ligne, Cyclistes solidaires répond à au moins la moitié, il y a donc toujours une demande pour la solution proposée par ce mouvement.

En ce sens, Cyclistes solidaires a participé à un appel à projets lancé par la Ville de Montréal et a pu obtenir un financement qui prolonge sa pérennisation pendant encore deux ans. Pour cette raison, l’équipe travaille sur la façon dont elle distribuera ces ressources pour donner une continuité aux activités.

Impact

L’impact généré par Cyclistes solidaires a plusieurs nuances, du nombre de paniers repas livrés, au nombre de familles bénéficiées, en passant par le nombre de kilomètres parcourus. À tout cela il faut ajouter l’impact social généré par ce mouvement, le plus difficile à mesurer.

Depuis le printemps 2020, plus de 850 cyclistes ont répondu à l’appel fait pour le mouvement et ils ont livré plus de 110 000 repas (chiffres jusqu’en septembre 2020) dans cinq quartiers de Montréal : Mercier–Hochelaga-Maisonneuve, Le Plateau-Mont-Royal, Rosemont–La Petite-Patrie, Villeray–Saint-Michel–Parc-Extension, et Ahuntsic-Cartierville, offrant un soutien à 17 organismes. De même, Cyclistes solidaires a distribué environ un millier de trousses culturelles en alliance avec l’organisation Tohu dans Villeray et Ahuntsic.

« Nous travaillons sur une démarche de mesures d’impact pour avoir des chiffres et des données et pouvoir accompagner les organisations d’une autre manière par les données. On parle de mesures d’impact, de création d’un récit collectif autour de la solidarité, de l’engagement de quartier, de sécurité alimentaire », a souligné Agathe.

Concernant l’impact social, il convient de souligner l’esprit humain qui se respire au sein de Cyclistes solidaires, un groupe d’individus engagés dans la mission de l’organisation. « Celle-ci est incroyable ce qui se passe à l’intérieur. Il n’y a pas de leadership malsain. C’est un ensemble d’individus qui avancent dans le même sens ».

C’est peut-être le social, le plus grand impact de Cyclistes solidaires et le plus difficile à mesurer, car il n’y a toujours pas de moyen clair de le suivre. En effet, des bénévoles entrent en contact avec les bénéficiaires lors des livraisons, avec de la distanciation sociale, ce qui contribue à aider à briser l’isolement de certaines personnes. « Il y a des gens qui nous ont fait ce témoignage : cela m’a fait du bien de voir arriver un cycliste solidaire et de parler avec moi à la porte. J’ai perdu mon travail, mon conjoint, j’ai dû déménager à cause d’une éviction. Voir cette personne arriver et pouvoir échanger un mot était libératrice. Cela m’a beaucoup aidée », a raconté Agathe.

Afin de capitaliser et de registrer l’impact social généré, Cyclistes solidaires disposera dès juillet d’un spécialiste en sociologie afin de structurer une formule de suivi de cet aspect.

Apprentissages

Parmi les apprentissages, il en existe plusieurs et sous différents aspects que nous nommons ci-dessous :

Un type de fonctionnement qui favorise l’empathie : un des grands apprentissages pour les fondateurs de Cyclistes solidaires est de voir comment le fonctionnement horizontal contribue au développement de l’empathie de l’organisation elle-même, tant en interne qu’en externe, renforçant le lien social entre les membres et la mission de l’organisation.

« Le fait que les gens ne soient pas limités dans un type de poste ou de tâches, mais plutôt avec la liberté d’agir. Le côté empathique et social est très important chez nous, et si nous passons à une organisation de type hiérarchique ou traditionnel, cela ne fonctionnera pas. L’un de nos principaux constats est que le facteur humain est très important et le fait d’en prendre soin nous fait bien travailler », a déclaré Agathe.

Adaptation de l’offre selon la zone : Au départ, l’idée est d’offrir le service à la majorité des zones possibles, mais avec la pratique, l’on découvre les particularités de chacune d’elles. Cela a été un autre des grands apprentissages depuis qu’ils ont déployé le service. Par exemple, à Villeray, les distances, le réseau cyclable, et la façon dont le quartier a été conçu font que le nombre de bénévoles requis pour livrer 15 paniers repas est complètement différent de celui d’Hochelaga. Cela a conduit à des ajustements logistiques chez Cyclistes solidaires concernant le matériel à utiliser, le nombre de bénévoles requis et l’itinéraire à suivre, entre autres.

Cela représente une autre trace d’expérimentation dans la dynamique de travail de Cyclistes Solidaires à travers l’outil de session générative . Cela consiste à ce que lors de la mise en œuvre d’un service, il est nécessaire de s’assurer que la réalité de chacun des quartiers est bien comprise, la manière dont ils fonctionnent dans leur contexte et les ressources disponibles afin d’intégrer plus fluidement tous ces éléments. De cette façon, le mouvement gagne en efficacité et en adéquation de l’offre.

La solidarité de la communauté de quartier : de nombreuses organisations ont apporté leur soutien d’une manière ou d’une autre contribuant au succès de Cyclistes solidaires. Des infrastructures technologiques, en passant par les équipements de remorquage grâce à Solon , le soutien au financement avec Fabmob Québec , jusqu’au matériel de sécurité pour les bénévoles, entre autres.

« La cuisine HOMA (Hochelaga-Maisonneuve) a offert aux bénévoles des pneus de vélo à crampons pour l’hiver dans le cadre d’un accord conclu auprès Decathlon. De nombreuses organisations nous offrent des dons en fonction du service que nous leur fournissons », a commenté Agathe.

Organisation apprenante

L’empreinte de l’expérimentation s’incarne dans Cyclistes solidaires. Selon Agathe, l’un des gains que cette approche a apporté à l’organisation est la capacité de déployer rapidement les choses. « On teste des choses à petite échelle et une fois qu’on voit que ça marche, on le réplique (gouvernance horizontale et prise de décision décentralisée, fonctionnement décentralisé et par quartier, et mutualisation de matériel de livraison) », a expliqué Agathe, soulignant que la méthode expérimentale permet d’accélérer la croissance du mouvement.

En ce sens, un autre outil d’expérimentation utilisé par ce mouvement est la conciergerie . Autrement dit, Cyclistes solidaires offre le service avec un minimum de technologie, avant d’adapter l’infrastructure technologique à mettre en place. L’équipe est en contact étroit avec les cuisines collectives qu’elle accompagne, mais est consciente que si, malgré ses efforts, le service n’est pas utilisé, ce serait le signe de l’adapter à un nouveau contexte.

De même, l’expérimentation a permis à Cyclistes solidaires de libérer le potentiel des adhérents, puisque compte tenu du fait que la prise de décision est basée sur la sollicitation d’avis, les personnes sont confrontées à des points de vue différents lors de la proposition d’idées. Du point de vue des fondateurs.trices, cela peut renforcer la capacité d’agir et de collaborer des membres, en gardant toujours un souci de la manière dont cette idée peut impacter son entourage.

« Cela permet une libération de l’individu, de ce que je suis capable de faire. Une fois je suis avec un groupe de confiance qui me soutient et qui est empathique avec moi et qui est capable de me dire que ce n’est pas grave si on se trompe », dit Agathe, décrivant la philosophie d’une organisation apprenante qui se donne un terrain fertile à expérimenter car elle n’est pas liée à un objectif de profit.

L’avenir proche

Le rythme d’expérimentation au sein de Cyclistes solidaires est continu et il explore actuellement une meilleure façon de stocker les remorques de vélo. Dans cette initiative, il est accompagné de Solon afin de tester un système de cadenas à code afin de partager efficacement les remorques servant au transport des paniers alimentaires produits dans la cuisine collective d’Hochelaga-Maisonneuve.

Cela s’inscrit dans le commun Partageons plus de vélos , où Evo Pods développe également des solutions de cadenas à code en France.

À ce moment, cette expérimentation est en phase préliminaire (premiers essais). Cependant, nous serons attentifs à connaître la portée de cette expérimentation. « Une fois les tests effectués (sur la façon de travailler avec ces cadenas à code), nous partagerons le mécanisme approprié pour qu’il soit utilisé par d’autres cyclistes », a déclaré Agathe.

Envie de collaborer?

Si vous souhaitez rejoindre ce mouvement et collaborer, il vous suffit de vous rendre sur le site internet ou d’écrire au courriel cyclistessolidaires@gmail.com . Cyclistes solidaires est toujours à la recherche de bénévoles pour rejoindre ses rangs.

Si vous n’avez pas encore de compte créé, procédez comme suit :

1. Cliquez sur le lien: https://cyclistes-solidaires-montreal.herokuapp.com/login

2. Sélectionnez le texte « créer un compte »

3. Une fois les infos complétées, vous recevrez un courriel de confirmation

4. Lorsque vous entrez sur votre profil, sélectionnez le ou les quartiers qui vous intéressent. Vous verrez les livraisons qui sont prévues pour les semaines à venir.

5. Si vous êtes intéressé.e.s par une des livraisons, cliquez sur « me proposer »

Merci de votre intérêt. Cyclistes solidaires vous attend pour pédaler ensemble pour la sécurité alimentaire de Montréal.

Si vous voulez écouter l’entrevue complète avec Agathe, nous vous partageons l’épisode podcast audio et vidéo .

Expérimenter même sans s’en rendre compte

Malgré le fait que le parcours expérimental réalisé par Cyclistes solidaires ait été réalisé de manière intuitive, il nous montre la preuve des techniques d’expérimentation utilisées. Cela confirme que l’expérimentation est un outil qui peut être utilisé par toute personne ou organisation, même sans s’en rendre compte.

En ce sens, en tant que centre d’excellence en expérimentation d’affaires, nous vous partageons des ressources telles que l’ entrevue problème , l’ entrevue solution , maquette d’application , co-création , session générative , et conciergerie , pour permettre à la communauté d’assimiler les différents types d’outils disponibles pour expérimenter.


Commentaires importés 

Maxime Thibault-Vézina - 15 juin 2021 à 11:23 :
Super intéressant Carlos, merci du partage! Je vais mettre un lien vers l'infolettre de Mtl en commun également qui sera envoyé demain!

Carlos Garcia - 30 juin 2021 à 15:06 :
Merci @Maxime Thibault-Vézina. Svp, faites-moi savoir lorsque vous allez publier dans l'infolettre de Montréal en Commun pour garder la trace de l'article dans cette publication.

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Publication

15 juin 2021

Modification

28 avril 2023 11:30

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