Fiche thématique écrite par l’OVSS et le Collectif, puis produite par l’OVSS dans le cadre des États généraux en développement des communautés, octobre 2022.
Se réinventer individuellement et collectivement face aux crises malgré l’urgence d’agir.
Certaines démarches intégrées au Tour d’horizon voient que leur territoire est en transition et ne savent pas ce qui s’en vient pour la suite : pandémie, changement climatique, crise du logement, tramway, densification, gentrification, etc. Elles cherchent à voir comment s’inscrire à travers les différentes dynamiques qui traversent le territoire. Elles cherchent leurs rôles possibles et potentiels en tant qu’acteur collectif. Elles se demandent comment faire pour ne pas simplement réparer les pots cassés. Comment faire plus de promotion et de prévention. Comment dépasser l’offre de services ou la création de projets en fonction des fonds qui arrivent dans les territoires et réussir plutôt à effectuer des changements systémiques. Ces questions éveillent l’imagination de nouveaux possibles au sein des acteurs collectifs en développement des communautés.
La capacité collective d’imaginer un autre monde et d’agir autrement.
Appuyées par un mouvement citoyen, il arrive qu’une démarche territoriale ait la capacité à bloquer un projet jugée néfaste par et pour la communauté [1]. Ces convergences entre les démarches en développement des communautés et les mobilisations citoyennes arrivent surtout autour des enjeux qui rejoignent davantage la population comme l’environnement et l’aménagement du territoire. Ainsi, l’imaginaire de nouveaux possibles suppose une conversation entre différents types d’acteurs et de partenaires sur les enjeux et les envies d’une communauté, d’une population sur un territoire donné, ainsi que la volonté ou la capacité commune d’y investir ressources et énergies.
Pourquoi l’action territoriale intersectorielle concertée?
Les démarches disent apprécier cette forme d’organisation de l’action territoriale parce qu’elle permet de décupler les forces de tous et chacun et d’aller beaucoup plus loin qu’une organisation sectorielle à la fois. Plus précisément, elles apprécient travailler en équipe et en collaboration sur des enjeux communs afin de mener des actions intégrées et cohérentes qui partent d’une connaissance fine du terrain et des regards croisés des personnes compétentes et remplies de ressources autour de la table. Il arrive qu’un lien avec la recherche universitaire soit forgé. Ce lien peut favoriser le transfert de connaissances et faciliter l'identification des vides de services sur le territoire, par exemple.
Le Tour d’horizon est rempli de démarches qui expliquent comment le fait de se réunir, de se concerter et de se mobiliser rassemble les individus et les organisations d’un territoire. Ceci leur permet de créer des liens entre eux et de donner forme à la communauté dont il désire faire partie. Aussi, le fait d’être ensemble crée du momentum, canalise les énergies et les ressources organisationnelles, crée des espaces de pouvoir locaux tout en permettant à une communauté de saisir les opportunités et les défis émergents et d’assurer une veille et une vigie stratégiques sur son territoire. Cette forme d'action territoriale collective semble ainsi donner plus de poids, d’influence et de crédibilité aux participant.es à la table qui partagent le pouvoir et le leadership entre eux, dans le respect des objectifs et particularités de chaque organisation et des besoins du territoires (approche ascendante), et ce, dans un idéal de démocratie participative et dynamique. Ces démarches peuvent également servir d’interlocuteur privilégié et informé en matière de développement social auprès des différentes instances gouvernementales.
Voir les fiches sur la participation citoyenne ou la transition socioécologique à cet effet.
On dénote d’autres avantages de l’action territoriale intersectorielle et concertée. Parfois vus comme des communautés de pratiques, ces espaces soutiennent et outillent leurs membres en tant que partenaires d’une démarche territoriale, ce qui renforce les capacités d’agir des organismes comme tel. Ce travail est souvent accompagné par des ressources externes qui viennent en support à la démarche territoriale. Le fait de travailler ensemble permet aussi d’augmenter l’impact et le rayonnement des actions en développement social en communiquant ce qui est réalisé et en valorisant les réussites des différentes démarches. Il arrive également que les différentes instances locales de concertation ou les différents membres d’une instance de concertation partagent des ressources humaines et matérielles pour annualiser des tâches ou veiller au financement des initiatives priorisées. Enfin, la pandémie a prouvé la résilience des communautés concertées, à travers la rapidité avec laquelle elles ont pu s’organiser pour faire face à la crise et à travers leur capacité de coordonner et de déployer d’importants efforts collectifs intersectoriels pour y répondre.
La concertation, oui, mais pas n’importe laquelle : un moyen vers une finalité plus grande.
Selon les personnes accompagnantes du Tour d’horizon, les démarches territoriales plus âgées voient que le modèle de concertation intersectorielle locale et régionale des dernières années arrive à échéance. Ces acteurs clés du développement des communautés observent qu’il va falloir changer notre mode de concertation pour arriver à produire des communautés réellement plus résilientes, surtout en lien avec les enjeux de la transition socioécologique. Ils se questionnent sur comment une communauté peut demeurer fluide et agile face aux urgences et nouvelles réalités qui arrivent tout d’un coup dans leur environnement. Ils se questionnent sur comment créer des brèches et en tirer avantage ou en faire une opportunité de résilience ou de développement collectif. Selon eux, un signe d’agilité est de pouvoir être proactif face à toutes ces crises et ces changements en cours et à venir, et d’être en mesure d’en teinter le parcours en fonction des aspirations, des envies et des besoins de la communauté.
Elles dénotent que certaines démarches territoriales y parviennent avec une équipe de travail avec des mains sur le terrain, bien ancrée dans sa population et qui sait en prendre le pouls et la température. De plus, cette équipe est bien supportée par les partenaires de l’instance de concertation qui viennent l’orienter, l’outiller, l’approuver et aussi prendre part aux actions priorisées ensemble. Ces partenaires savent que l’équipe en place à une capacité de connaître et de mobiliser la population qu’eux ne possèdent pas de leur propre perspective organisationnelle et de ce fait, ils respectent et leur accordent cette expertise. Il est dit que pour effectuer ce passage, ça demande la capacité de se remettre en question et de ne rien tenir pour acquis. Par exemple, des démarches territoriales explorent des modes de gouvernance qui réunissent une multiplicité d’acteurs pour donner des orientations collectives, avec des comités de travail plus restreints afin d’abattre le travail à réaliser.
Ils ajoutent également qu’il faut arriver à oser déplaire pour assumer ses valeurs et ses positions et faire avancer ses enjeux d’acteur collectif tout en restant ensemble. Il faut parfois aussi oser le risque et le flou: “on ne sait pas où on s’en va exactement, mais on va y aller ensemble” . Ceci dénote, avant tout, un désir commun de vouloir travailler entre différents secteurs d’activités, de faire des projets où tout le monde voudra embarquer avant même de savoir comment. Une telle démarche territoriale peut en venir à vouloir créer des espaces de participation citoyenne au sein même des espaces de concertation, de même que des espaces de concertation de plus en plus multipartite et, simultanément, tournée vers les besoins de leur population. Ces initiatives peuvent venir à nourrir la mobilisation et vaincre le sentiment d’impuissance citoyen et généralisé, puis à accorder une grande importance aux enjeux populationnels et à la vision du bien-être collectif au-delà de la posture organisationnelle de chaque membre.
De plus, il est possible de complexifier ou élargir l’éventail des rôles possibles que prend un acteur collectif (voir le schéma [2] des acteurs collectifs de Communagir ou la fiche thématique sur l’imaginaire des possibles). Les personnes accompagnant des démarches du Tour d’horizon ont décrit comment certaines démarches d’action territoriale intersectorielle concertée se sont tellement ancrées dans leur communauté qu’elles ont évolué de manière à se retrouver à mi-chemin entre être des organismes communautaires et des démarches territoriales qui font du développement intégré. Elles prennent en charge des projets, elles offrent parfois des services et elles orientent l’ensemble de leurs actions de manière collective, avec un fort pourcentage de participation citoyenne.
Durer dans le temps et traverser les tempêtes.
Des démarches disent que pour voir plus loin que la fin d’un financement et arriver à se projeter sur un temps long, il est nécessaire de développer un sentiment collectif d’appartenance et de responsabilité partagée à l’égard de la mise en place et l’évolution de la démarche. « Et tranquillement, il y a peut-être un sentiment de sécurité et de confiance qui va s’installer, puis là, il va y avoir des chicanes, mais on va réussir à les résoudre parce qu’on a la volonté, parce que la raison pour laquelle on est ensemble est plus grande que la raison pour laquelle on se dispute. »
Ces sentiments collectifs nourrissent la capacité des démarches territoriales à passer par-dessus leurs différents internes, à composer avec une pluralité d’opinions et perspectives, à vivre avec certains désaccords sans chercher à tout prix le consensus. Tout ceci en se souvenant des objectifs communs qui réunissent les partenaires autour de la table au point qu’ils aient envie d’y mobiliser leurs ressources humaines, matérielles et financières. Un espace de confiance et de sécurité va tranquillement se construire et faire en sorte de voir s’installer un pouvoir d’agir collectif.
Ainsi, des questions se posent. Comment créer des espaces sécuritaires au sein de la démarche et de la communauté pour gagner en confiance, puis en pouvoir d’agir collectif ? Comment cette confiance peut-elle décentraliser les prises de décisions et favoriser un partage plus grand des visions, des ressources et du financement afin que les communautés deviennent plus résilientes en cas de crises ou d’impulsions de transformation sociale ? Comment le fait de partir des enjeux du territoire, en intersectorialité, peut-il contribuer à bâtir une identité et un avenir commun ? Tout cela en gardant en tête qu’une réussite motive à réessayer puis génère un sentiment de capacité, de puissance. C’est donc idéal de commencer par de petits projets autant que par les sentiments d’appartenance et de responsabilité partagée.
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Communagir, 2020, Approfondissement des rôles possibles d’un acteur collectif, [en ligne], https://communagir.org/media/1567/roles_collectif_final.pdf