Module 3: le système alimentaire

Deux membres de l’OVSS, Pierre-Élie et Léna, suivent la formation du Synergia Institute: commonwealth coopératif et changements systémiques. Chaque mois, nous vous partageons quelques points saillants du module que nous venons de suivre.

Le module trois analyse le système alimentaire. Il débute avec un diagnostic sévère, puis offre des pistes de solution inspirantes à l’aide d’exemples concrets de communautés qui mettent en place des projets ambitieux et génèrent des changements systémiques qui ont un impact sur le bien-être des populations, des écosystèmes et de la surchauffe du climat.

Si vous avez vu quelques documentaires à saveur écologiste, l’histoire est déjà familière. Cinquante pour cent des terres habitables de la planète sont consacrées à l'agriculture. Au cours du dernier demi-siècle, l'agriculture industrielle est devenue dominante. Les industries de la seconde guerre mondiale ont été reconverties vers le monde agricole. Les tanks sont devenus des tracteurs, le phosphore des bombes engraisse maintenant les champs, les pesticides et insecticides sont dérivés des armes chimiques. Cette révolution agraire a fait monter de manière spectaculaire la production, calculée en volume par hectare. Mais simultanément, la valeur nutritive des aliments s’est effondrée. Et l'utilisation d'herbicides, de pesticides et d'engrais détruisent le sol, tuent les pollinisateurs et polluent l'eau, ce qui contribue au déclin de la biodiversité. Dans nos champs se déroule ce qu’on pourrait appeler un apartheid biologique. Cette révolution agricole est en symbiose avec les logiques capitalistes et coloniales d’accaparement des terres contrôlant des intérêts corporatifs et financiers majeurs, puisque l’agriculture industrielle nécessite des investissements importants en capitaux.

La bonne nouvelle est que, du champ à l’assiette, des solutions existent déjà. Des formes d'agriculture vivifiantes sont présentes. Ces pratiques réduisent les émissions de GES, captent le carbone de l'atmosphère, redonnent vie au sol, inversent la perte de biodiversité et réduisent les toxines dans les cours d'eau, les rivières et les océans. Elles résistent mieux aux aléas climatiques. Les aliments sont plus nutritifs et ne comportent pas les risques de maladie associés aux produits chimiques de l’agriculture conventionnelle.

Et la transition peut s’effectuer rapidement. Lors de l’effondrement du bloc soviétique, Cuba a perdu accès au carburant, aux engrais et aux pesticides fournis par les Russes. L’agriculture a dû être revue de fond en comble et l’île est aujourd’hui un exemple d’agroécologie, une agriculture qui diversifie les espèces cultivées, insère les animaux dans les cultures, utilise les engrais verts, effectue une rotation entre les cultures. C’est la forme d’agriculture diffusée et soutenue par la Via Campésina, un regroupement de 500 millions de paysan-ne-s à travers le monde. Et chaque hectare cultivé en agroécologie nourrit en moyenne 34 personnes. Cette approche offre une sécurité et une souveraineté alimentaires pour les gens qui la pratique et les communautés qui en dépendent. Au Québec, nombre de petites fermes maraîchères adoptent des pratiques agroécologiques.

Impossible de s’attarder au système alimentaire sans parler de la distribution des aliments. Le module nous présente l’initiative des paniers bios, déjà bien implanté au Québec, où des gens payent un montant pour recevoir un panier de légumes par semaine pendant une saison. Ça permet d’éviter les coûts de distribution qui peuvent aller directement aux paysan.ne.s en échange des légumes biologiques. Ensuite, on nous parle de réseaux de distribution alternatifs pour changer d’échelle. Au Québec, on a La CAPÉ et le réseau des fermiers·ères de famille qui nourrissent plus de 25 000 familles.

En termes de changements systémiques et de distribution alimentaire, Common Market aux États-Unis a choisi de viser les institutions : hôpitaux, écoles, centres pour personnes âgées. En plus des autres avantages des réseaux de proximité qu’on a vu plus haut, Common Market permet d’accroître le volume de légumes locaux et bios pouvant être consommés par la communauté. Ça fait sortir du choix individuel l’alimentation pour le transformer en choix collectif. Et parfois, ces institutions, pour des raisons de normes sanitaires, ne peuvent acheter directement des producteurs; Common market le rend possible en agissant à titre d’intermédiaire. L’autre exemple est la ville de Rosario, en Argentine, qui a confié depuis 2001 une quantité de terres publiques à l'usage de paysan.ne.s pour une production agroécologique qui est vendue dans les marchés publics de la ville. Comment pourrions-nous, au Québec, faire aussi de l’alimentation de proximité, saine et nutritive un choix collectif dans nos institutions? Une autre piste réside-t-elle du côté de la conversion des pelouses en jardins? Aux États-Unis, le gazon représente la cinquième plus grande culture nationale et il y a de bonnes raisons de penser qu’on soit pas radicalement différents.

Et les gaz à effet de serre dans tout ça? L’agriculture est responsable du quart (24%) des émissions mondiales (pp. 10 et 24-29) et elle peut jouer un rôle majeur dans la capture du CO2 lorsque les bonnes pratiques sont mises en place. Le gaspillage alimentaire arrive en tête de liste des problèmes à résoudre pour mettre fin à la faim dans le monde et réduire les émissions associées à cette production perdue. De même, bien que 50% des terres habitables soient consacrées à l'agriculture, le bétail et les fourrages pour animaux occupent presque 80% de cette utilisation. Cela n’offre que 30% de la nourriture dans le monde. Une alimentation riche en végétaux a un impact aussi grand sur la réduction des gaz à effet de serre que la fin du gaspillage alimentaire (75% des réductions potentielles du secteur). La protection des écosystèmes vient ensuite alors que le changement des pratiques agricoles a surtout un impact sur l’accroissement de la capacité de captation de CO2 par les sols. Difficile, donc, de parler de transition sociale, écologique et juste sans revoir le modèle agricole, les habitudes individuelles  et le rôle des institutions dans l’appui aux changements souhaités.

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Transition socioécologique - Enjeux, leviers et stratégies
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Intégré par Léna Garreau, le 21 juin 2024 11:04
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S'inspirer, Disparités, inégalités et justice environnementale, Enjeux énergétiques, GES, consommation d'hydrocarbures, Consommation, gaspillage et épuisement des ressources, Transformer les institutions, Crise écologique et climatique, Mode de vie, consommation responsable et bonnes pratiques, Économie circulaire, réparation, recyclage, Croissance économique et capitalisme, S'outiller, Protection de la biodiversité et des espaces naturels, Innovation technologique
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Contenus d'Opération Veille et Soutien Stratégiques (OVSS)
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Intégré par Léna Garreau, le 4 juin 2024 14:51
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Réfléxions sur les changements climatiques
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Intégré par Léna Garreau, le 4 juin 2024 14:50

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Publication

4 juin 2024

Modification

4 juin 2024 14:50

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Pour citer cette note

Léna Garreau, Pierre-élie Hupé. (2024). Module 3: le système alimentaire. Praxis (consulté le 22 juillet 2024), https://praxis.encommun.io/n/JHMwNChJLVEjel-TnW7ppiDB6s8/.

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