Qui parle?
Cette définition n'est qu'une proposition. Ce n'est donc pas ni la définition de TeC, ni celle du comité récit de l'alliance. Elle se veut un outil, positionnée à partir du point de vue de son auteur.
Proposition de définition
Le récit peut être défini comme une manière de mettre en relation de manière cohérente et narrative un ensemble de discours, de connaissances, croyances, valeurs et imaginaires. C’est une manière de donner du sens au monde en articulant passé, présent et futur. Les récits de la transition socio écologique représentent simplement des manières de raconter le monde et d’imaginer des futurs désirables.
Ainsi, le dernier rapport du GIEC, ou celui de l’IPBES représentent des exemples d’un type de récit, mais ce sont des récits qui n’ont de sens que pour un groupe spécifique d’individus. Les récits collectifs peuvent en effet prendre autant de forme qu’il y a de manière de raconter et d’individus pour le faire. À cet égard, la diversité et la cohabitation d’une pluralité de récits — diversifiés non pas seulement dans leur forme mais aussi dans les idées, valeurs, imaginaires mobilisés et les acteur.trices qui les portent — représente un élément essentiel de la transition socioécologique (IPCC, 2022 ; Audet. 2018). Les récits peuvent se matérialiser à travers des ouvrages scientifiques, certes, mais aussi des balades contemplatives dans un quartier, un rap battle, une pièce de théâtre, un livre, un forum citoyen, un festival, une foire de quartier, une exposition ou une performance artistique, par exemple.
Parce que le concept de récits présuppose une égalité et une interdépendance entre les différents types de récits (dans la forme, le fonds, les individus impliqués, la temporalité, etc.), il représente une manière de stimuler l’agentivité et la parole citoyenne d’une manière qui soit mobilisatrice, dans un souci de justice sociale, d’équité, de diversité et d’inclusion qui est essentielle à une réelle transition socioécologique.
Pourquoi parler de récits?
Étant donné la nature socioéconomique, idéologique et culturelle des causes sous-jacentes aux multiples crises qui affligent la planète, notre incapacité à imaginer d’autres rapports au monde se trouve intrinsèquement liée à notre inaction. On reconnaît la faillite annoncée des imaginaires dominants en occident, mais sans parvenir à voir, dans l’avenir, autre chose que son absence. Une réelle transition socioécologique et juste prescrit donc une transformation de notre manière d’être dans le monde et d’y cohabiter avec le reste du vivant (Bliss et Kallis, 2022; Daly, 2013; Hornborg, 2017 ; Morizot, 2022 ; Schmelzer et al., 2022). Comme l’écrit Kagan (Kagan, 2022), l’imagination peut être comprise comme le processus créatif de transformation individuelle et collective de la réalité. L’imagination est tout autant une attitude prospective, qu’une capacité à percevoir l’absence (Gibert, 2014). Un imaginaire est alors un ensemble de représentations, de concepts, de valeurs et d’images, partagées ou non (Castoriadis 1975). Notre rapport au monde est donc incarné et perçu avant d’être pensé et notre réalité est imaginée autant qu’elle est su. La transformation de notre rapport au monde qu’implique une réelle transition juste nécessite un changement de paradigme qui passe par un repeuplement de la réalité avec de nouveaux imaginaires (Morizot, 2022).