Dark Matter Labs et la ville de Daegu en Corée du Sud : un projet numérique à suivre au service de l'économie civique

Vue d'une rue du centre-ville de Daegu en Corée du Sud (c) AygulSarvarova / Getty Images

Un projet pilote en cours d'élaboration en lien avec la pandémie de Covid-19

Le projet intitulé "Re:Permissioning the City" est un système de gouvernance et de "permissions" qui interroge la manière dont nous utilisons, gérons et partageons l'espace urbain. Cela fait suite aux défis rencontrés par les villes pendant et après la pandémie de Covid-19. 
Ce projet prend comme point de départ les nombreux espaces vacants et sous-utilisés (bureaux laissés vides avec le développement du télétravail, fermeture de nombreux commerces impactés par la pandémie).

Ainsi, durant deux années, Dark Matter Labs a travaillé en collaboration avec la ville de Daegu en Corée du Sud sur ce projet de gouvernance et de planification urbaine liée à l'intelligence collective de la ville par le biais des outils numériques. Cette expérimentation a été développée initialement comme une proposition pour le Bloomberg Mayors Challenge en 2021 (où la ville métropolitaine sud-coréenne est arrivée finaliste). Le concept s'est étoffé par la suite en échangeant avec d'autres villes à travers le monde. Il est actuellement au stade de projet et devra être suivi dans les mois et les années à venir (note: cette fiche a été rédigée en juillet 2023).

Le concept : un outil numérique pour les citoyen.ne.s

Re:Permissioning the City a pour visée de regrouper et de libérer les espaces vacants pour des utilisations civiques. Au cœur de ce concept se trouve une approche flexible et polyvalente de l'administration locale en matière de planification, qui permet aux citoyens de s'approprier l'espace de manière créative.

Cela est rendu possible par un nouveau modèle de gouvernance géré par un système numérique qui facilite la prise de décision autonome sur le moment et la manière dont un espace peut être utilisé, pour quoi et par qui. 

Le process : comment mettre en place les protocoles pour un espace auto-géré

Le défi pour Dark Matter Labs était la gestion des espaces publics centralisée (top-down). Ainsi, les espaces sont administrés par les autorités publiques (pouvoir décisionnel) et gérés par des entités locales (entités gouvernementales et/ou organisations à but non lucratif).

Cela signifie que l'objectif de ces espaces est prédéterminé par certaines politiques ou mandats du gouvernement et que, souvent au terme d'une longue procédure de passation de marchés publics, une entité sera chargée d'exploiter et de gérer l'espace pendant une période donnée. Ainsi, cela constituait un obstacle dans la ville de Daegu pour permettre le regroupement des espaces disponibles et la centralisation de leurs autorisations.

L'idée d'un espace autogéré et axé sur la demande grâce à des règles d'aménagement flexibles a rencontré un avis favorable de la part des fonctionnaires et des citoyen.ne.s. Elle permet aux fonctionnaires d'être déchargés de la responsabilité de sélectionner les personnes chargées de la gestion et de l'exploitation de l'espace, et aux citoyen.ne.s de façonner l'utilisation des espaces en fonction de l'évolution de leurs besoins. Toutefois, pour qu'un tel concept puisse être mis en pratique, Dark Matter Labs a déterminé que de nombreuses normes et mécanismes doivent être mis en place pour garantir la responsabilité, la transparence, la sécurité et l'équité. Les chercheur.e.s de Dark Matter Labs ont compilé leurs réflexions dans le schéma ci-après:

Schéma des protocoles réalisé par Dark Matter Labs

Pour avoir une meilleure définition du schéma : consultez la page ici

La définition des normes propre à chaque territoire

Chaque espace est ancré dans un contexte unique et relationnel - histoires et récits spatiaux, conditions physiques, matérialités, utilisateurs, voisins, utilisations historiques et possibilités pour l'avenir. Les conditions uniques qui constituent les caractéristiques d'un espace forment certaines "normes spécifiques au site" qui déterminent comment l'espace peut être accessible et utilisé, par qui et dans quel but. Ces normes constituent une sorte de profil propre à chaque espace. Au fur et à mesure que les données spatiales s'accumulent au fil du temps, en fonction des activités et de leurs utilisateurs, elles constitueront une forme de mémoire spatiale numérique qui influencera les décisions prises concernant l'espace, y compris les autorisations d'accès.
En tant que gestionnaires de l'espace, les citoyens acceptent les normes communautaires, y compris les codes de conduite, les principes et les valeurs partagés qui rendent explicites les normes de comportement et les responsabilités des acteurs civiques qui s'engagent dans l'espace.

Ces normes ou protocoles forment "l'espace d'autorisation" ou "l'espace contractuel". Il s'agit à la fois d'un espace d'échanges où se déroulent les négociations et d'un espace décisionnel où des micro-contrats sont facilement signés électroniquement pour permettre l'utilisation des espaces. Les clauses de ce micro-contrat sont formées à partir des normes décrites ci-dessus, mais elles évoluent en permanence grâce aux itérations réalisées par le biais de l'incitation, de la négociation et de la validation de pair à pair. 

Pour réaliser ce projet, Dark Matter Labs s'est inspiré d'un exemple existant : le système londonien d'accréditation des lieux Hackney Nights, qui définit une nouvelle norme pour les espaces nocturnes basée sur l'inclusion, la sécurité, le bien-être et la durabilité, et accrédite les lieux qui respectent ces normes.

Visualisation de l'initiative numérique co-conçue par Dark Matter Labs

Le projet Re:Permissioning the City (c) Dark Matter Labs

Pour consulter une meilleure définition du visuel, veuillez cliquer ici.

Les défis et enjeux du projet

L'un des défis les plus fréquemment cité et rapporté par Dark Matter Labs concernant les utilisations temporaires et transitoires des espaces vacants est le besoin de continuité et d'évolution. Le dynamisme créé par ces utilisations tend à se dissiper avec le renouvellement des utilisateurs et avec la fin du bail à durée limitée. Pour Re:Permissioning the City, Dark Matter Labs s'est posé la question suivante : comment mesurer l'impact et les valeurs créées par les activités civiques dans l'espace, et comment archiver et développer chaque héritage d'utilisation ?

La mesure des résultats spatiaux implique une combinaison de mesures quantitatives et qualitatives. La consommation d'énergie, la fréquentation, la qualité de l'air intérieur, les niveaux de bruit, le nombre d'activités organisées et de participants sont quelques-uns des indicateurs les plus faciles à mesurer à l'aide de capteurs et de plateformes de mesure. Les commentaires des utilisateurs de l'espace, les messages sur les médias sociaux et un modèle d'activités et d'utilisateurs peuvent également être pris en compte dans l'analyse d'impact. Ces points de données spécifiques à un site (informant sur les normes spécifiques au site décrites ci-dessus) peuvent être combinés avec les indicateurs sociaux et économiques existants (tels que les taux de criminalité et l'indice de solitude) pour faire partie d'une mesure d'évaluation de l'impact plus large liée aux stratégies et aux objectifs à l'échelle de la ville.

Pour Dark Matters Lab, la prise en compte de ces informations permettrait de mieux saisir les bénéfices pour la santé mentale d'un espace particulier ou d'un ensemble d'espaces dans un quartier. Ces données pourraient valider la valeur publique des espaces, contribuant ainsi à assurer leur durabilité et à encourager les investissements futurs.

En conclusion, ce type de projet émergent, à l'heure où nous écrivons ces lignes, est vu par Dark Matter Labs comme un élément pouvant devenir partie intégrante de l'intelligence collective de la ville, aidant à mesurer les impacts et contribuant à développer de nouveaux types d'indicateurs de bien-être, de résilience et de durabilité. 

Faire avancer votre réflexion

  • Que vous inspire le projet mené par Dark Matter Labs avec la ville de Daegu?
  • Quelles sont les défis que vous identifiez qui ne sont pas mentionnés par l'organisation?
  • Comment cette initiative pourrait être adaptée pour gérer la pénurie de logements abordables à Montréal?

Pour aller plus loin

Dark Matters Lab, Re:Permissioning the City — Unlocking cities’ growing underutilised spatial assets for an emergent civic economy

 

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Intégré par Anaïs Del Bono, le 2 août 2023 19:52
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Exemples inspirants (cas, initiatives), International, Boîte à outils, Concepts, Outil / politique numérique

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2 août 2023

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6 mars 2024 17:59

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