Quelle place pour le Sud global dans la décroissance?

Dans l'article Quelle place pour le Sud global dans la décroissance?, la revue La Conversation résume une revue de la littérature scientifique sur la place du Sud global dans la décroissance. Après un court historique du concept de décroissance, l'article souligne une ironie par rapport au thème: la littérature relevée par leurs recherches provenaient en grande majorité de chercheurs du Nord global. Passé cette constatation, l'article présente les deux visions prédominantes qui ressortent des publications scientifiques:

1. La décroissance pourrait offrir des synergies entre les Nord et le Sud;
2. La décroissance est un concept inadapté aux préoccupations du Sud global.

Explorons rapidement les arguments avancés par les tenants de ces deux visions.

La décroissance comme vecteur de synergies entre le Nord et le Sud

«Lorsqu’on se penche, d’abord, sur les défenseurs de la décroissance partisans d’une synergie avec les enjeux des Sud, on retrouve trois arguments principaux:

• La décroissance serait inspirée par des penseurs du Sud;
• la décroissance permettrait d’achever la décolonisation des Sud,
• la dépendance à l’égard de la croissance serait tout aussi problématique dans les Nord et dans les Sud.»

«Les partisans de la décroissance soulignent souvent que nombre de leurs idées originelles ne proviennent pas des universitaires occidentaux qui ont inventé le terme « décroissance », mais plutôt de voix autochtones, d’universitaires et de mouvements d’activistes des Sud. [...] Bien que ces penseurs n’utilisent pas le terme « décroissance », mais se réfèrent plus fréquemment à des concepts tels que le Sumak kawsay (« ou Buen Vivir ») latino-américain ou l’Ubuntu africain, leurs idées et leurs concepts ont été une source d’inspiration essentielle pour le développement du discours sur la décroissance dans les pays du Nord.»

La décroissance comme concept inadapté au Sud

«Certains soulignent [...] que le cadrage et l’orientation théorique de la décroissance appliqués aux Sud ne sont tout simplement pas très attrayants pour ses habitants des pays du Sud.»

«Ainsi, même si les mouvements et les universitaires du Sud sont d’accord avec certaines des idées de la décroissance, ils ne veulent pas utiliser son langage. En d’autres termes, le Nord pourrait continuer à apprendre du Sud, mais le Sud a très peu à apprendre de la décroissance en tant que concept [...]»

De plus, la revue de la littérature relevait plusieurs articles soulevant les deux enjeux suivants:

• La décroissance présente un risque de projet néocolonial;
• Les dépendances globales font en sorte qu'un «nombre important d’individus dans le Sud dépendent d’activités économiques liées aux exportations dans le Nord», et une réduction des activités dans le Nord pourrait avoir un impact néfaste «au moins à court terme» sur les populations du Sud.

Le dilemme de la décroissance

Les chercheuses et chercheurs ainsi que les activistes de la décroissance proposent un changement radical de paradigme pour repenser notre système économique ainsi que les relations qui régissent les populations et pays du monde. Toutefois, certains dilemmes majeurs apparaissent au moment de penser l'application de modèles décroissants. La question des relations Nord-Sud est un de ces dilemmes:

«[Pour les partisans de la décroissance], il est cynique de justifier des schémas d’exploitation par l’argument selon lequel l’arrêt de l’exploitation aggraverait encore la situation des exploités. Mais dans le même temps, ils doivent reconnaître que des réformes institutionnelles non négligeables [...] sont nécessaires si l’on veut éviter des conséquences indésirables pour les populations du Sud.»