Prendre soin ensemble: La santé sous pression néolibérale

Témoignages provenant de la série Prendre soin ensemble: ou comment la Covid-19 a permis d'expérimenter des politiques des communs en santé et qui présente un retour des Ateliers pour la Refondation de l'Hôpital Public en France.

Auteurs·rices

Le collectif Primitivi est basé à Marseille depuis près de 20 ans et est peuplé de vidéo-activistes aux champs d'action multiples (réalisations de films, organisations de projections/débats, de rencontres, de projections de rue, relais d'infos, collages, ateliers, ...) mais toujours guidé par les mêmes lignes politiques : occuper le terrain, conquérir la parole et produire des images avec celles et ceux qui luttent !

Verbatime

• L'injonction à la productivité, à en faire toujours plus, est en train de gangréner nos esprits
• On voit notre milieu hospitalier se dégrader petit à petit.

L’hôpital public passe d’une transformation d'un service public à la population à une entreprise qui a des soucis de management de la santé, plutôt que du patient et de son destin. 

• Depuis 30 ans, il y a eu une perte de pouvoir des soignants, de l'écoute auprès des administrations.
• Depuis 2000-2010, on a vu arriver une nouvelle direction formée très différemment qu'auparavant. Avant, la direction essayait de nous soutenir et discutait avec nous. Ils connaissaient le soin et nos pratiques.
• Avec la direction managériale, ils ne connaissent rien aux soins, à la santé. Et ils ne veulent rien savoir de la santé.  Lors de nos colloques, il n'y a aucun administrateur qui vient pour se familiariser à nos pratiques.

C’est cette rupture dans la  gouvernance de l'hôpital qui a déconnecté le travail de soin et comment on gère et on organise un hôpital. La nouvelle réglementation a donné tout pouvoir à la new management taylorienne 

• Ex: tarification à l'activité, reporting permanent, inflation du travail de collecte de données...
• Cette  gouvernance éloigne les soignants de leurs patients et exerce sur eux un grand contrôle de leurs activités. En plus du travail du soin, les soignants doivent faire tout le travail de reporting... ce qui amène leur amène une perte de sens  dans leur relation avec les patiens.
• On est de moins en moins disponible pour les patients... l'accueil est de moins en moins satisfaisant. Il y a des tensions énormes, un personnel qui est épuisé, qui ne comprend plus ce qu'il fait.
• Depuis 20 ans, les conditions de travail et la santé des soignants sont les pires de tous les travailleurs en France.
• L'hôpital, avec les réformes qu'il a subies, ne sera plus jamais l'hôpital d’avant. Avec la COVID on craque... les gens sont dégouttés de travailler à l'hôpital.

Aujourd'hui, l'organisation des hôpitaux est la principale cause des problèmes que rencontrent les soignants et les patients dans le système.Chaque service est mis en concurrence. Cette mise en concurrence à l'intérieur d'un même hôpital ou avec les cliniques commerciales est complètement délétère.  Et cette réflexion sur les communs pourrait réaméliorer et mettre à la poubelle cette nécessité de concurrence idiote.

• Le poids qu'a pris l'administration a complètement évincé les soignants... on voit des soignants qui s'en vont des hôpitaux parce que les conditions se dégradent.
• L’objectif a été de réduire les coûts de santé en limitant le nombre de soignants... C'est un processus qui est en court depuis 20-30 ans...
• La santé maintenant s'est simplement une machine à sous.... mais cette approche ne fonctionnera pas.
• Le système de santé n'est pas financiarisé au sens où il doit verser des dividendes aux actionnaires... mais il est financiarisé au sens où, sous la pression des agences de notation, on scrute les déficits des États et on sanctionne les États qui ne contrôlent pas leurs dépenses... Cette discipline des sentiers financiers pèse sur le fonctionnement quotidien des structures financières, et ce, même si les hôpitaux demeurent publics.
• C'est une financiarisation non pas induite par la privatisation des hôpitaux, mais induite par l'introduction d'une logique financière via la pression des marchés financiers et des agences de notation sur les États.
• Ce sont surtout les changements politiques qui dépassent ce que nous nous pouvons faire qui nous permettront d'aller plus loin... ou non.
• Le problème c’est d’être assez nombreux et d’avoir le rapport de force pour le faire.

Il faut que collectivement on se prenne en charge, l’élément fondamental est là: comment nous en tant qu’usager, nous en tant qu’habitant, que professionnel de la santé, que citoyen ... on peut faire cause commune et faire en sorte qu’on n’accepte pas le récit qu’on est en train de nous construire.