Recommandations liées aux types d'encres à utiliser afin de réduire les impacts environnementaux sur la santé

Cette note a été produite dans le cadre d'un projet étudiant du CUFE de l'Université de Sherbrooke à l'automne 2023.

Ces recommandations ont été documentées lors d'un mandat ayant comme objectif d'approfondir les connaissances sur les impacts potentiels que le procédé d’impression lithographique peut avoir sur l’environnement et sur la santé, et ce, pour les quatre applications prépondérantes qui se retrouvent dans le bac de recyclage (lescirculaires, les magazines, les journaux et les papiers à usage unique).

Les types d'encres à utiliser afin de réduire les impacts environnementaux sur la santé

Habituellement, les encres sont séparées entre les pigments de couleurs cyan, magenta, jaune et noir. Elles sont combinées afin d’obtenir les couleurs désirées. Il est aussi possible d’avoir des mélanges déjà prêts pour obtenir une couleur spécifique. Lorsque des mélanges sont nécessaires, dans le cas de TC Transcontinental (TC), leurs employés s’en occupent. Par ailleurs, il n’y a pas de grandes différences de prix entre les couleurs d’encres utilisées par TC. Le prix changera surtout avec la consommation. Cependant, dans le cas d’autres imprimés comme les magazines, il y a des couleurs plus dispendieuses, dont le doré qui est une couleur plus chère puisqu’elle contient des particules d’or. (Visite TC Transcontinental, 15 septembre 2023) 

D’un fournisseur à l’autre, les composés dans l’encre varient selon les sources en pourcentage différent dans 3 grandes catégories d’ingrédients. Il s’agit du véhicule, représentant 75% de la composition, des pigments, un autre 20% et des additifs, participant de 3 à 5 % de la composition. Les pigments sont minimisés autant que possible dans la composition des encres puisque les pigments coûtent chers. (Visite à TC Transcontinental, 15 septembre 2023) En outre, l’encre va également être composée : « de solvants, cires et additifs. Les encres conventionnelles sont fabriquées avec des huiles dérivées du pétrole, une combinaison de pigments et d’agents liants (substances qui aident les pigments à adhérer au papier) et l’agent utilisé pour retenir et transporter le pigment, le vernis. […] Des métaux lourds peuvent être inclus, comme le baryum, le cuivre ou le zinc. Ces métaux constituent un danger aux personnes qui entrent en contact avec eux. Une exposition prolongée est un problème, tout comme la contamination de l’eau par les déchets industriels. » (Traduction libre de : LIFE+ Greening Books Project, 2013) 

Une autre combinaison habituelle des composés dans les encres est constituée de 14 % de pigments, de 28,5 % de vernis, de 53,5 % de solvants et de 5,00 % d’additifs. Il y pourrait également y avoir des agents de conservation dans la combinaison des encres. (LIFE+ Greening books Project, 2013) Les pigments et les siccatifs, les agents permettant d’aider les encres à sécher, proviennent « des produits de synthèse non renouvelable » (CITEO, 2019).  

Outre, la composition, différents types d’encre sont utilisés. Pour les encres du procédé coldset, la partie fluide de l’encre est absorbée. Ce type d’encre demande également des matériaux moins chers qui utilisent moins d’énergie. Ainsi, le procédé d’impression coûte moins cher, car le four n’est pas utilisé, ce qui évite aussi une combustion de gaz qui rejettent des gaz à effet de serre (GES). Par le fait même, les coûts énergétiques sont moins chers que les encres du procédé heatset. L’encre du procédé coldset est également moins dispendieuse que l’encre requise pour le procédé heatset. L’encre peut être imprimé seulement sur du papier non glacé. Elle ne sèchera pas complètement et le véhicule ne sera pas un solvant, mais des huiles végétales. Chez TC, il s’agit probablement d’huile de soya. Quant à lui, le procédé heatset nécessite un séchage au four afin d’évaporer le solvant. L’encre est liée au papier par le véhicule, soit un agent liant. Dans le cas de TC, le solvant choisi génère moins de COV. De plus, les COV sont brûlés dans le four et réduit de surcroît les émissions de COV, ce qui n'est pas nécessairement le cas dans les autres imprimeries. Au final, par le processus utilisé par TC, c’est moins de 1 % des COV qui sortent des cheminées. (Visite à TC Transcontinental, 15 septembre 2023)  

Les encres du procédé offset sont souvent composées d’huiles minérales, qui contiennent des Mineral Oil Saturated Hydrocarbons (MOSH) et des Mineral Oil Aromatic Hydrocarbons (MOAH). Ces derniers sont « jugés préoccupants par l’ANSES (Agence Nationale de Sécurité Sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) pour leur effet sur la santé. » (CITEO, 2018) Notamment, parmi les MOSH, certains vont s'accumuler autant dans le foie que le système lymphoïde (Autorité européenne de sécurité des aliments, 2023a). Cependant, selon un plus récent consensus de scientifiques, les impacts des MOSH sur la santé ne seraient pas applicables aux êtres humains, mais à une souche en particulier de rats. (Autorité européenne de sécurité des aliments, 2023b) En ce qui concerne les MOAH, ils sont considérés en tant que carcinogènes génotoxiques puisqu’ils « peuvent endommager l'ADN, le matériel génétique des cellules, et provoquer le cancer » (Autorité européenne de sécurité des aliments, 2023a ; Autorité européenne de sécurité des aliments, 2023b). Ainsi, il est recommandé d'éviter les MOAH et de continuer à surveiller les impacts potentiels sur la santé des MOSH. (Autorité européenne de sécurité des aliments, 2023b) 

De plus, des composés organiques volatiles (COV) sont émis par les encres dû à l’utilisation de solvants, les solutions de lavage utilisées dans les salles d’impression et les alcools présents dans les solutions de fontaine. (LIFE+ Greening Books Project, 2013; Konstantas et al., 2018) L’évaporation des solvants assèche l'encre. La quantité de solvant émise par l'encre en termes de COV varie de 5 %, dans un processus sans heatseat, à 100 % en heatset. En ce qui concerne le nettoyage, les COV sont émis à cause de l'excès d'encre dans les presses. Cet excès doit être éliminé pour s’assurer que les encres ne sèchent pas sur les rouleaux et les autres pièces d’impression sur lesquelles il y a eu de l’encre. Les produits chimiques utilisés pour le nettoyage contiennent souvent des pourcentages élevés de solvants. Puis, la solution de fontaine est utilisée pour éviter que l’huile colle à la zone sans image du blanchet. L'alcool isopropylique est utilisé pour contrôler les propriétés de la solution de fontaine, ce qui en fait la principale source d'émissions de COV dans les imprimeries. (Konstantas et al., 2018) 

Les COV sont circonscrits dans la plupart de l’Europe par la directive 2010/75/EU du Parlement Européen et du Conseil visant certains types d’industries. Les COV concernés sont indiqués « danger H340, H350, H350i, H360D ou H360F ou des [COV] halogénés qui portent ou doivent porter les mentions de danger H341 ou H351. » (Directive 2010/75/EU du Parlement Européen et du Conseil) Ces COV ont des impacts sur la santé humaine ainsi que l’environnement. Étant donné qu’ils s’évaporent dans l’air, ils peuvent se concentrer dans les milieux de travail et être absorbés autant par la peau que par la respiration. Lorsqu’ils sont absorbés par la respiration, cela est plus nocif puisque les COV inhalés vont se répartir dans le corps rapidement. (LIFE+ Greening Books Project, 2013; Konstantas et al., 2018) Au Québec, le même système de classification (SGH) est utilisé pour codifier les substances chimiques. Ainsi, un COV indiqué H340 est dangereux puisqu’il peut causer des défauts génétiques. (National Library of medicine, 2023) De plus, au Québec, selon le Règlement sur l’assainissement de l’atmosphère (2023), les émissions de COV doivent être limitées à 100 kg par jour, sauf si un système est utilisé pour diminuer les émissions de COV de 90 % et plus. Bref, tout produit portant les mentions H340, H350, H350i, H360D ou H360F ainsi que H341 ou H351 devrait avoir une utilisation limitée et il faut que les imprimeries veillent à respecter l’article 19 du Règlement sur l’assainissement de l’atmosphère (2023).  

Quant aux impacts environnementaux, certains COV créent du smog photochimique lors de leurs interactions avec des composés atmosphériques tels que le dioxyde d’azote (NO2) et la lumière du soleil. (LIFE+ Greening Books Project, 2013; Wang et al., 2020) 

Selon la réglementation européenne, il y a des restrictions quant aux agents de conservations composés de produits biocides et de substances actives biocides qui peuvent être présentes dans les encres. En effet, pour limiter leur impact dans le milieu aquatique et leurs dangers chroniques, seuls les produits de type biocide 6 qui sont approuvés par le règlement no 528/2012 peuvent être utilisés. Notamment, des petites quantités de substances actives biocides sont nécessaires dans les produits chimiques pour le procédé à base d’eau. Ainsi, l’utilisation du procédé à base d’eau permet de diminuer la quantité de COV émise comparée aux produits chimiques servant au procédé à base de solvant, mais ce type de procédé demande un ajout de substances biocides. Malgré cet inconvénient, les auteurs recommandent que le procédé à base d’eau devrait être utilisé autant que possible. (Kowalska, Donatello et Wolf, 2021) Cependant, ce type de base serait supposé avoir besoin d’un nettoyage plus en profondeur de l’équipement comparé à des encres ayant une base de solvant (comme l’alcool). (LIFE+ Greening books Project, 2013) Une autre source provenant d’un professeur de design graphique à l'Université St. John's, Aaris Sherin, indiquait plutôt que les encres à base d’eau seraient faciles à nettoyer. (Sherin, 2008; St. John's University, 2023) 

D’ailleurs, European Printing Ink Association (EuPIA) est une association européenne des encres d’impression qui met à jour les substances chimiques qui sont utilisées dans les encres quant à leurs impacts sur la santé et sur l’environnement. Ainsi, cette association a dressé une liste de ces substances, et des produits qui y sont liés, qui doivent être limités par les industries selon un engagement volontaire. Elle se fie « sur la classification des dangers et/ou preuves toxicologiques disponibles à l’époque, pour protéger la santé des travailleurs de l’industrie des encres d’imprimerie et les installations des clients ainsi que pour garantir une utilisation sûre des imprimés. Basé sur les avancées scientifiques, il a été progressivement mis à jour et maintenu en vigueur pour garantir un niveau de sécurité constant à toutes les étapes de fabrication et d’utilisation des encres d’imprimerie. » (Traduction libre de : EuPIA, 2023) 

Par ailleurs, en ce qui concerne les métaux lourds, plusieurs écolabels (voir section 4) vont mentionner des restrictions à ce propos dans les encres. (Kowalska, Donatello et Wolf, 2021) 

Une alternative disponible est d’utiliser les encres végétales, qui ont davantage de composés provenant de sources renouvelables. (CITEO, 2019) Selon l’ACV du papier imprimé, abordée plus tôt, de Konstantas et al. (2018), les encres végétales, soit celles provenant de l’huile de colza ou de palme pour cette recherche, ne démontrent pas un avantage environnemental lorsqu’elles sont comparées à des encres minérales (pétrole). Dans une autre ACV qui aborde les impacts des encres végétales, comme celles ayant du soya, du coton ou des graines de lin, et les encres minérales, il y avait peu de différences entre les deux. Cependant, l’encre végétale est plus facilement retirable du papier composé de fibres recyclées lors du procédé de désencrage comparativement aux autres types d’encre, ce qui réduit la quantité de déchets produits. (LIFE+ Greening Books Project, 2013, p.65) En effet, la boue obtenue sera biodégradable lorsque les encres sont végétales. En revanche, étant donné que les encres végétales vont être plus sèches que les encres minérales, en général, il sera difficile de procéder au désencrage et plus d’énergie sera nécessaire. (Konstantas et al., 2018) 

Par ailleurs, d’autres alternatives sont possibles. Il y a des encres offset heatset avec des huiles biosourcées qui se trouvent en Allemagne, mais leurs prix sont plus élevés que les encres plus typiques. (CITEO, 2018) Au Québec, bien que des initiatives existent pour développer des encres biosourcées, telles que l’encre de seiche ou l’encre composée de cardanol époxydé (NC-514) et de dicyandiamide, il ne semble pas possible d’acheter ces types d’encre facilement. (La Presse canadienne, 2022; Puchois, 2013) Les encres avec des composés végétaux ou biosourcés sont deux types d’encre qui peuvent contribuer à diminuer les impacts environnementaux et sur la santé humaine en comparaison avec les composés provenant du pétrole. (Hayta, Oktav et Duru, 2021) En Allemagne, il est possible de trouver d’autres huiles minérales qui ne contiennent tout simplement pas de MOAH (<1) pour un prix comparable, mais qui seraient plus dispendieuses en France par rapport aux encres conventionnelles.(CITEO, 2018)  

En ce qui concerne les encres UV, elles n’émettraient pas de COV. (LIFE+ Greening Books Project, 2013) Les encres UV sont polymérisées par des lampes UV dans une atmosphère d’azote. L’azote est un support au séchage qui va venir éliminer la présence de l’oxygène afin de favoriser une meilleure polymérisation des encres. Cette élimination a lieu puisque l’oxygène bloque les rayons UV. (Visite à TC Transcontinental, 15 septembre 2023) Il va être difficile de recycler ces types d’encre tout comme les vernis. Les résultats seront des papiers de moins bonne qualité en comparaison avec des papiers recyclés qui contenaient des encres minérales. Étant donné que les encres UV adhèrent aux fibres de papier et que les tailles des particules peuvent s’accumuler, leur désencrage demande plus d’énergie. Ce sont tout de même des types d’encre qui auront moins de solvants, ce qui un avantage quant aux impacts environnementaux possibles. (Konstantas et al., 2018)  

Références

Autorité européenne de sécurité des aliments. (2023a). Hydrocarbures d'huile minérale. https://www.efsa.europa.eu/fr/topics/topic/mineral-oil-hydrocarbons 

Autorité européenne de sécurité des aliments. (2023b). Hydrocarbures d'huile minérale dans les aliments — Donnez votre avis sur le projet d’avis. https://www.efsa.europa.eu/fr/news/mineral-oil-hydrocarbons-food-have-your-say-draft

CITEO. (2018). FAQ Huiles minérales : Papiers graphiques. 

CITEO. (2019). Guide de L’ÉCO-ENCRAGE : Les bons choix graphiques pour réduire l’impact environnemental de vos emballages et de vos papiers graphiques. https://bo.citeo.com/sites/default/files/2019-07/20190524_Citeo_Guide%20%C3%A9co-encrage_WEB.pdf 

Directive 2010/75/UE du Parlement Européen et du Conseil, 24 novembre 2010, en ligne:  https://eur-lex.europa.eu/legal-content/en/TXT/?uri=CELEX%3A32010L0075 

EuPIA. (2023). Exclusion policy for printing inks and related products (5ème édition). https://www.eupia.org/wp-content/uploads/2023/07/20230717-EuPIA_Exclusion_Policy_for_Printing_Inks_and_Related_Products_-June-2023_5th-Edition-rev.1.pdf 

Hayta, P., Oktav, M. et Duru, O. A. (2021). An ecological approach to printing industry: Development of ecofriendly offset printing inks using vegetable oils and pine resin as renewable raw materials and evaluation of printability. Color Res Appl., 47, 164-171. 

La Presse Canadienne. (2022, 13 août). Vers l’électronique biodégradable grâce à l’encre de seiche. Ici.radio-canada.ca. https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1905268/materiel-electronique-environnement-affaires-encre-seiche 

LIFE+ Greening books Project (2013). The handbook for good eco publishing: Good practices guidelines for eco-publishing and eco-design in the publishing sector (books and magazines). (Projet no. 09 ENV/ES/000457). https://www.anel.qc.ca/wp-content/uploads/2022/01/The-handbook-for-good-eco-publishing-Spain.pdf 

Konstantas, A., Kowalska, M. A., Donetallo, S. et Wolf, O. (2018). Revision of European Ecolabel Criteria for printed paper products (rapport préliminaire). https://susproc.jrc.ec.europa.eu/product-bureau/sites/default/files/contentype/product_group_documents/1581681202/Preliminary_report-Printed_paper_products.pdf 

Kowalska, M., Donatello, S. et Wolf, O. (2021). EU Ecolabel Criteria for printed paper, stationery paper, and paper carrier bag products—Final Technical report (Rapport no. EUR 30549 EN / JRC123180). Publications Office of the European Union. https://doi.org/10.2760/37534 

National Library of Medicine. (2023). GHS Classification (Rev.10, 2023) Summary. https://pubchem.ncbi.nlm.nih.gov/ghs/ 

Puchois, R. (2013). Élaboration d'encres biosourcées pour un procédé industriel de décoration de verres de table (Mémoire de maîtrise, École Polytechnique de Montréal, Montréal, QC, Canada). https://publications.polymtl.ca/1268/ 

Sherin, A. (2008). SustainAble: A Handbook of Materials and Applications for Graphic Designers and Their Clients. https://books.google.ca/books?hl=fr&lr=&id=EzWq4npYzY4C&oi=fnd&pg=PA1&dq=certification+ink+soya+canada&ots=YT3dzV_0MQ&sig=M0Fe8ByJd5PSRsLI_UoLKLEIob0#v=onepage&q=ink&f=false 

Wang, H., Wang, Q., Gao, Y., Zhou, M., Jing, S., Qiao, L., Yuan, B., Huang, D., Huang, C., Lou, Shengrong, Yan, R. , Gouvw, J. A., Zhang, X., Chen, J., Chen, C., Tao, S., An, J. et Li, Y. (2020). Estimation of secondary organic aerosol formation during a photochemical smog episode in Shanghai, China. Journal of Geophysical Research: Atmospheres, 125, 1-14. https://agupubs.onlinelibrary.wiley.com/doi/pdf/10.1029/2019JD032033 

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Intégré par Vincent Chapdelaine, le 18 décembre 2023 17:36
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16 février 2024

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17 avril 2024 15:22

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