Le Marché nomade dans la MRC de La Matapédia

Marché nomade, Amqui

Projet et objectifs

En 2022, l’équipe de la MRC de La Matapédia lançait l’initiative du Marché nomade, un marché ambulant réunissant une vingtaine de producteurs qui se déplacent sur le territoire. Le Marché nomade offre aux Matapédiens et aux visiteurs des produits locaux lors d’une dizaine d’événements de juillet à la mi-octobre. Il se déplace pour aller à la rencontre de la population dans des lieux emblématiques et originaux de la MRC. Il fait la promotion de l’agroalimentaire et encourage l’achat local en offrant une vitrine à des producteurs et transformateurs de La Matapédia. Il se veut un outil permettant de soutenir l’autonomie et le développement du milieu (site MRC).

Le Marché nomade c’est :

  • Une 20 aine de producteurs locaux qui se déplacent à la rencontre des citoyens;
  • 6 municipalités de la MRC visitées en 2023;
  • Une dizaine d’événements de mai à octobre et un marché de Noël;
  • 6 à 20 kiosques selon les destinations;
  • Des produits frais et transformés, parfois même des services traiteurs;
  • Certains samedis (ou parfois le dimanche) généralement de 10h à 13h;
  • Une quasi-gratuité de participation pour nos producteurs et des stratégies pour favoriser la rentabilité;
  • Une ambiance d’entraide et de collaborations qui favorisent les échanges entre agriculteurs;
  • Des lieux de marché uniques et parfois inusités dans la Matapédia;
  • Une saison de marché prolongée qui couvre la période automnale des récoltes
  • Une structure organisationnelle minimale et une simplicité de fonctionnement.

L'objectif principal du Marché nomade de la Matapédia est de soutenir l'économie locale en mettant en valeur les talents et les produits de la région, tout en offrant aux habitants et aux visiteurs une expérience authentique et unique de magasinage en plein air près de chez eux. Complémentaire au marché public Matapédien (Amqui), il permet de lutter contre les déserts alimentaires présents sur le territoire. Ce marché itinérant, porté par la MRC, contribue également à renforcer le lien entre les producteurs locaux et les consommateurs, favorisant ainsi le développement économique et social de la région.

Émergence du projet

Le conseiller en développement des affaires (volet agroalimentaire), David Jacques, comme plusieurs de ces collègues à la MRC de La Matapédia, a la tête pleine d’idées pour son territoire. Diplômé de l’UQAM (administration) et de l’Université de Sherbrooke (gestion de l’environnement), il s’est intéressé à la création d’une économie qui fasse sens et à l’agriculture de proximité. La Matapédia a un indice de défavorisation élevé, mais elle est riche en initiatives, c’est ce qu’il a voulu mettre de l’avant dans le cadre de son mandat à la MRC.

L’émergence du projet nous ramène dans le contexte de la pandémie, ou il y avait une insécurité quant à l’autonomie alimentaire. Différents projets sont nés de là. Par exemple, la MRC et un comité de résidents ont relancé des serres abandonnées à Sainte-Irène, pour les opérer collectivement. Le Marché nomade est né de cette chaîne d’idées, où on cherchait à stimuler l’achat local et à vaincre la désertification alimentaire. Il y avait un réel souci à ce que la chaine d’approvisionnement internationale soit rompue, cela créait des inquiétudes.

Il y avait déjà un marché public tous les jeudis dans La Matapédia, en périphérie d’Amqui, tout près du camping, avec des kiosques fixes qui réunissait des producteurs locaux. Bien que ce marché fixe réponde à un besoin, avec un sondage, l’équipe de la MRC a vu qu’il y avait aussi un besoin pour un marché le week-end. Nous avons eu l’idée de créer un marché caravane qui va à la rencontre des gens, qui fait le tour des communautés et qui permet de découvrir les produits d’une variété de producteurs.

Le Marché nomade c’est une façon de faire tourner la roue de l’achat local.  Nous sommes une très grande MRC peu peuplée, c’est un enjeu, nous avons des déserts alimentaires malgré la présence de nombreuses coopératives de proximité sur notre territoire. L’accès à des produis frais est permis par le nomade.

Une des inspirations à la base du concept vient d’un camion-marché ambulant au Témiscouata, le conseiller avait aimé l’idée de marché ambulant, mais il y avait des coûts élevés pour le camion et l’essence et une problématique à savoir ce qu’on ferait avec les invendus. On voulait plus de simplicité, alors on a été piger des idées un peu partout pour aboutir avec notre concept.

Facteurs de succès

La simplicité de la structure est un gros atout. Au niveau de l’administration du projet, on a évité la lourdeur avec une structure minimale. La mise en œuvre a été très rapide, quelques mois se sont écoulés de l’idéation au premier marché. La MRC porte le projet et couvre les frais minimums associés.

Un autre élément gagnant, est que la MRC laisse beaucoup de latitude à son équipe pour innover. Il y a de la place pour les nouvelles idées et de l’audace pour expérimenter.

Un autre élément favorable est que la MRC s’efforce de minimiser les coûts pour les producteurs. Le marché est pratiquement gratuit pour les producteurs locaux. Des frais de 10$ sont parfois demandés pour éviter les annulations, mais ce sont des frais très bas comparativement aux 40-80$ parfois exigés dans d’autres marchés. De plus, la MRC pense à instaurer la gratuité pour les marchés tenus dans les très petites municipalités, car les marchés en ces lieux sont parfois peu rentables pour les producteurs. La MRC et le milieu communautaire matapédien travaillent actuellement à un programme de compensation pour l’essence, pour couvrir les frais de déplacement, pour assurer de maintenir ce beau service dans ces secteurs. On pense aussi à travailler avec un organisme qui pourrait racheter les invendus pour éviter que le producteur ne reparte avec ses denrées périssables. Les petits producteurs offrent un service à la population, Ils ont un rôle social et cela doit être reconnu.

Un facteur de succès est la promotion et la visibilité que permettent le Marché nomade. On a plusieurs petites entreprises agro qui sont nés depuis les dernières années, elles sont portées par des jeunes et sont dynamiques, mais manquent souvent de visibilité. Le Marché nomade offre ainsi une belle place pour la relève agricole, ça devient une vitrine ou ils n’ont pas à être en compétition avec les plus établis. On fait la promo sur la page de Marché nomade (et la page Pro du conseiller agro) pour plus de visibilité. Le Marché nomade est parfois l’occasion pour des commerçants de découvrir des produits qu’ils intègrent à leurs produits. La Poissonnière est un bon exemple, c’est une belle vitrine pour nos produits locaux.

Aussi, le souci du Marché nomade à s’installer dans des lieux pittoresques permet d’attirer et de créer des ambiances festives. Par exemple, le Marché nomade va sur la Passerelle J. Napoléon-Pérusse, un pont piéton couvert d’Amqui, inaugurée il y a deux ans. C’est le seul marché sur un pont couvert au Québec. Les touristes arrêtent pour ce marché et passent un peu de temps dans la région. Le marché essaie aussi de se coller à des événements locaux, des fêtes de famille, il y a alors une offre culturelle en même temps et le marché vient compléter l’ambiance. Le choix du lieu est important.

Les marchés favorisent l’échange et la camaraderie entre les producteurs. Ils se donnent des trucs, ils deviennent solidaires. Ça devient une communauté qui a envie de se voir en dehors du marché.  En février, en dehors de la période de fonctionnement du Nomade, se tient un souper des producteurs, dont le but est de briser l’isolement et de permettre à ces derniers de se revoir et de fraterniser durant la saison morte.  Cette initiative festive est fort appréciée!

On envoie le calendrier au printemps, généralement au début de mois de mai, aux producteurs et ils cochent quand ils sont disponibles et veulent participer. On regarde aussi la rentabilité des différents marchés, on documente ce qui fonctionne bien et moins bien, puis on s’ajuste. Nous avons désormais une charte de fonctionnement et les producteurs doivent s’engager à venir à au moins un marché nomade dans une plus petite municipalité dans la saison.

Défis rencontrés et solutions déployées

En deux ans d’opération, quelques constats sont apparus :

Le besoin de prolonger la saison. Il y a 13 marchés publics les jeudis à Amqui, mais ça arrête en septembre, alors que c’est le temps des récoltes. Le conseiller veut donc prolonger la saison pour qu’il y ait des Marchés nomades pendant cette période d’abondance. Il organise également un marché de Noel pour que les gens aient l’occasion de planifier leur repas des fêtes et d’acheter les cadeaux d’hôtes et hôtesses. Ça fonctionne très bien!

Le besoin de se protéger du soleil. La MRC a acheté quelques chapiteaux (4) et des poches de sable. C’est très peu d’investissement (700$ en tout peut-être). Les municipalités nous accueillent, nous assistent, fournissent les tables et font la promotion. Ça fait deux étés qu’ont le fait et ça fait 60 000$ dans les poches des producteurs pour une dizaine de marchés par année, ce sont des retombées intéressantes, malgré la situation économique.

Le besoin d’avoir des lieux animés. Pour certains marchés, comme celui sur le pont à Amqui, nous avons besoin d’un nombre minimum de marchands, pour qu’il y ait de la vie et que l’expérience soit intéressante. On pense aussi à amener des musiciens, à animer les lieux de marché pour que ce soit vraiment agréable.

Le besoin de se doter d’une charte de valeurs et de fonctionnement. Les producteurs s’installent, montent leur table ensemble. Au Nomade, il y a beaucoup d’entraide pour monter les chapiteaux et les kiosques. On s’est doté d’une petite charte de fonctionnement (présentation et règlements). On précise les valeurs d’entraide et de collaboration à la base du projet. On précise aussi qu’il y a un engagement à venir à au moins un événement dans une petite collectivité pour remplir la mission de combattre les déserts alimentaires. On ne peut pas venir juste aux grands marchés, il y a un engagement social derrière. La participation aux petits marchés était plus faible, alors, on a amené la charte. La Charte est née à l’an 2, on a vu des petits irritants et on a tout de suite corrigés. On s’ajuste, on trouve des solutions en cours de route. On pense au rachat des invendus pour fournir Moisson Vallée et éviter aux producteurs d’avoir à recharger leur marchandise.  C’est aussi à l’an 2 qu’on a réfléchi à a gratuité pour les marchés moins rentables.

Le besoin d’analyser les tendances. Par exemple, les grands événements, même s’il y a beaucoup de monde, ce ne sont pas toujours les meilleures occasions. Les gens ne repartiront pas avec de la viande s’ils viennent voir un spectacle, on essaie, on observe, on apprend, puis on s’ajuste.  À Causapscal, on a changé de site 2 fois, pour trouver le bon lieu. Aussi, il y a moins de marchés au milieu de l’été quand les gens sont en vacances ou alors dans des lieux très touristiques pour que la demande des touristes remplace nos gens partis à l’extérieur.

Si c'était à refaire...

Le projet fonctionne bien et on peut dire qu’on a suivi la bonne trajectoire. Les clés : une structure simple, de faibles coûts de fonctionnement, des ajustements continus (dates, lieux, règles), une gratuité de participation, des alliés municipaux pour la promotion, une charte de fonctionnement (valeurs, éthique); une recherche continue pour minimiser les coûts pour les producteurs (rachat des invendus, compensation km) et un souci pour inscrire les projets en agroalimentaire dans un cercle vertueux qui imbriquent le social et l’économique.

Les partenaires actuels du projet (2024)

Le Marché nomade est parti sans partenaires au démarrage. C’était porté par le conseiller en développement des affaires (agroalimentaire) de la MRC. Les municipalités étaient invitées à manifester leur intérêt à accueillir le Marché nomade et l’entente était qu’elles devaient fournir le site (idéalement gratuitement), des tables pliantes et de la publicité (panneaux électroniques, journaux locaux, pages facebook). La MRC a gardé ça le plus simple possible. La MRC arrive avec le concept et on décide des dates avec les municipalités.

Pour la suite...

Le projet en est à sa 3e édition et a le vent dans les voiles. L’intérêt est là autant pour les citoyens que pour les producteurs. Les faibles coûts de fonctionnement et la grande réceptivité de la population sont de bons augures pour la pérennité du projet.

La transition socioécologique

Le Marché nomade vise à combattre les déserts alimentaires sur le territoire et à permettre l’accès à des aliments frais et de grande qualité.  

Bien qu’ouvert à tous les types de productions, plusieurs producteurs du Marché nomade sont dans l’agriculture raisonnée ou biologique. Le marché est un levier intéressant pour se faire connaitre et se lancer.

La lutte contre la pauvreté et la précarité est aussi présente et a pris différents visages au fil du temps. En 2022 et 2023, avec ses différentes initiatives en agroalimentaire (La Matapédia en cadeau et Marché nomade), la MRC, a pu réinjecter les surplus générés dans Moisson Vallée Matapédia pour réaliser des paniers alimentaires. En 2024, la formule se transforme pour répondre à une réalité économique de plus en plus difficile pour les producteurs. On envisage ainsi la gratuité pour la participation au marché et de subventionner les boites de La Matapédia en cadeau pour aider les producteurs et conserver des prix attractifs pour les citoyens. Aussi, il n’est plus question de racheter les invendus à rabais pour les projets, mais bien au prix affiché dans un souci de lutte contre la précarité économique des petits producteurs.

Pour parfaire ce cycle, l’équipe de la MRC et ses partenaires pensent à une monnaie locale agro pour soutenir les familles dans le besoin sans les stigmatiser. Ce serait une monnaie accessible à tous, mais également distribuée par les organismes communautaires pour soutenir les achats alimentaires des plus démunis. La monnaie matapédienne pourrait également contrer l’usage de la carte de crédit qui laisse fuir du capital à chaque transaction vers les grandes institutions bancaires.

Bref, l’équipe de la MRC travaille fort pour créer une roue agro-vertueuse combinant diverses stratégies (monnaie locale, paniers solidaires, boites cadeaux, récupération des invendus, réinvestissement des surplus) pour dynamiser l’agriculture locale, garder la richesse dans la région et aider les familles défavorisées.

Sources :

Page web : https://www.lamatapedia.ca/marche-nomade-sayabec

Article - https://www.lavoixdelavallee.ca/article/2022/07/06/un-marche-mobile-reunira-une-vingtaine-de-producteurs-matapediens  

Entrevue réalisée avec David Jacques, conseiller en développement agroalimentaire, MRC de La Matapédia.

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Cartographie d'initiatives rurales inspirantes s'inscrivant dans la...
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Intégré par Christine Champagne, le 19 mars 2024 11:25
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Agriculture et alimentation - circuits courts, culture bio, accès à la terre, souveraineté et sécurité alimentaires, Économie, finance et système de propriété - relocalisation et circularité de l'économie; fiducie, monnaie locale, etc., Fiche synthèse

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19 mars 2024

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19 mars 2024 11:48

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