Les approches de la transition socioécologique dans les quartiers de Montréal

Synthèse des discussions qui ont émergé à la suite de la présentation à l’AG de la CMTQ, le 25 septembre 2023.

Avec la contribution de Joakim Lemieux, responsable à la vie associative de la CMTQ.

Présentation : Sylvain A. Lefèvre et François Le Roy.

Rédaction des livrables : François Le Roy

Comité d’encadrement de la recherche : Sylvain A. Lefèvre (ESG UQAM), Sophie L. Van Neste (INRS), Noémie Rabetaud (doctorante à l’INRS) et François Le Roy (UQAM).

Visite du quartier de Saint-Henri et du site de la Canada Malting, menée par Géraldine Garceau-Pellerin, en présence des coordinateur·ice·s des Tables de quartier. Crédit photo : Joakim Lemieux.

Objectif initial de la présentation :

L’objectif était dans un premier temps de présenter les résultats de l’analyse documentaire des documents produits par les Tables de quartiers, qui a permis de 1/ renseigner les différents cadrages de la question environnementale dans le discours de ces acteurs (et de leurs membres), 2/ recenser des initiatives sur les thématiques que nous avons jugées au cœur de la transition socioécologique (alimentation, logement, mobilité, verdissement et vivre-ensemble), 3/ mettre en lumière les enjeux d’articulation entre ces différentes dimensions.

Ce travail de recherche a abouti sur la production d’une base de données, dans laquelle sont recensées les « initiatives inspirantes » dans les thématiques mentionnées plus haut; qui permet d’obtenir une cartographie partielle de ces initiatives, dont l’ambition n’est pas d’être exhaustive mais plutôt représentative.

Celle-ci sera transmise à la Coalition montréalaise des Tables de quartier (CMTQ), afin que cette dernière en fasse usage en interne. Dans un second temps, l’objectif était de susciter des réactions de la part des coordinateur·rice·s des Tables de quartiers. L’idée était alors de discuter collectivement de comment la question environnementale est conciliée et peut se concilier avec les actions de lutte à la pauvreté, à l’exclusion sociale et à la réduction des inégalités sociales et économiques. Il est important de mentionner que 18 Tables de quartier étaient présentes lors de cette AG (sur les 32 Tables existantes) : ce qui représente tout de même un peu plus de la moitié de ces dernières. Nous n’avons donc pas pu avoir le témoignage de tous les coordonnateurs et par conséquent, pas toutes les perspectives.

 

En résumé, à la suite de la présentation, les discussions se sont déployées autour de multiples sujets :

  • Sur les cadrages, les enjeux d’utilisation des termes (« transition écologique », « transition énergétique », « transition socioécologique », « développement durable », etc.)
  • Sur une potentielle systématisation de l’approche « transition socioécologique » (TSE) au sein des Tables de quartier.
  • Sur le rôle des Tables de quartiers et des organismes communautaires (OC) dans la TSE et sur la responsabilité des paliers municipaux, provinciaux, gouvernementaux...
  • Sur les facteurs à prendre en compte lors de l’élaboration de projets d’aménagements urbains : le risque de l’éco-gentrification...
  • Sur le danger d’un discours des « bons gestes de l’écocitoyenneté » soit perçu comme une violence pour certaines populations qui ne peuvent y accéder, par exemple celles en situation de grande pauvreté (ex. fruits et légumes dans l’alimentation pour un ménage à faible revenu ou enjeu de la voiture).

 

Plus en détail, les enjeux et les axes de réflexion qui ont été abordés sont les suivants :

  • Le fait que la transition articule étroitement différentes dimensions (mobilité, alimentation, etc.) correspond bien à la mission et à la structure des tables, par définition intersectorielles.
  • En ce qui concerne la conciliation des enjeux environnementaux et des enjeux sociaux (comme la lutte à la pauvreté, à l’exclusion sociale, aux inégalités socio-économiques), centraux dans l’action des Tables de quartiers, plusieurs points ont été soulevés. Il a tout d’abord été évoqué que les Tables de quartier et leurs membres sont à différencier : les préoccupations écologiques peuvent animer les membres, sans que cela soit forcément traduit en action. Quelques interrogations ont émergé :

-  Comment passer des discussions interpersonnelles aux actes ?

-  Comment arrimer ces enjeux environnementaux aux actions existantes? Faudrait-il développer une grille d’analyse (ce besoin a été évoqué) pour reconnaître ce qui s’intègre – ou non – à la TSE ?

-  Serait-il pertinent de systématiser l’ « approche TSE », ou du moins, mettre à la disposition des Tables et des organismes communautaires des trousses à outils en vue d’apporter un appui pour l’évolution des pratiques, peut-être sur le modèle de ce qui a déjà fait avec la trousse d’outils ADS+ (développée par Concertation Montréal, la Coalition montréalaise des Tables de quartier et par Relais-femmes)?

-  Dans la mesure ou les OC et les Tables ont déjà des agendas chargés, comment intégrer la question environnementale à l’agenda quotidien ?

-  Les réponses aux besoins d’urgence de certaines populations peuvent-elles se concilier avec la TSE ?

  • Sur ce même aspect, et en réponse à la tentative de classification des initiatives par thématiques, l’un·e des coordinateur·rice·s a pointé du doigt le fait que, sur le plan stratégique, considérer les actions en «vivre-ensemble» comme pierres angulaires du discours autour de la TSE, ne serait pas pertinent (à titre informatif, nous avions définit -dans la présentation - le vivre-ensemble comme étant à la base de la résilience communautaire face aux changements climatiques et en tant que valeur incontournable en vue d’intégrer les populations en situation de vulnérabilité dans la recherche de solutions dans le cheminement vers davantage de justice environnementale). L’argument avancé par cette personne était que considérer le « vivre-ensemble » comme unique paramètre à cocher pour amorcer la TSE pourrait avoir un effet déresponsabilisant, étant donné que cette thématique est déjà abondamment traitée par les OC et les Tables. Cela semble corroborer le besoin de développer une grille d’analyse, afin d’éventuellement systématiser l’« approche TSE ». D’ailleurs, concernant cette systématisation de l’ « approche TSE », un·e participant·e a avancé le fait que, dans une volonté de transformation de la société et de changements structurels, cette grille d’analyse serait indispensable.
  • Autre point soulevé, qui fait écho aux précédents : quel serait le rôle du communautaire et des Tables dans la TSE ? Face à la grandeur des enjeux, les projets de verdissement, d‘agriculture urbaine (etc.), peuvent paraître dérisoires rapportés à l’échelle des problématiques rencontrées dans les quartiers (insécurités alimentaires, vulnérabilités climatiques). Un·e participant·e a rappelé – à titre d’exemple - que l’autonomie alimentaire dans les quartiers ne pourrait être assurée par des « petits » projets d’agriculture urbaine. La faiblesse des budgets attribués pour pallier ces grandes problématiques a été mentionnée. En ce sens, il semblerait alors opportun de placer aussi la responsabilité aux paliers décisionnels municipaux, voire gouvernementaux. En effet, des décisions ambitieuses à des échelles de pouvoir plus élevées sont de mise, au risque d’augmenter la pression sur les organismes communautaires.
  • Sur les risques inhérents aux actions en environnement et sur les tensions qu’elles peuvent occasionner au sein de la population, plusieurs faits ont été soulignées :

-  L’amélioration des aménagements urbains peut mener à l’éco-gentrification de certains quartiers, c’est-à-dire à la gentrification écologique qui vient s’additionner à la gentrification économique. La montée en puissance du mécontentement de certaines populations, lié justement à la gentrification, entraînerait déjà des actes de vandalisme sur certains projets de verdissement et/ou d’agriculture urbaine. Dans certains quartiers, notamment Hochelaga- Maisonneuve, des tensions importantes entre locataires et propriétaires sembleraient d’ailleurs croître.

-  L’absence de charte claire pour le développement des écoquartiers mettrait les Tables de quartier dans une position délicate : face à la nécessité d’égalité de traitement des territoires au sein d’un quartier, comment les Tables de quartier doivent-elles se positionner sur ce point ? Ce flou, occasionné par l’inexistence de lignes directrices et de « mesures évolutives d’encadrement et de suivi » (« [...] afin de mieux adapter les quartiers aux changements climatiques ») pour les projets de développement des écoquartiers (tels que Namur- Hippodrome, Lachine-Est, etc.), entraînerait plus globalement des difficultés pour l’ensemble des parties prenantes. La publication d'une Charte montréalaise des écoquartiers avait en effet été annoncée dans le Plan Climat 2020-2030 (Action 3 du Chantier A) de la Ville de Montréal.

  • L’importance d’accorder une attention toute particulière au discours que l’on porte en matière de transition (qu’elle soit « écologique » ou « socioécologique », etc.) et surtout à la manière avec laquelle celui-ci sera reçu par les populations en situation de vulnérabilité, y compris celles en situation de grande pauvreté, a visiblement trouvé écho auprès de la majorité des participant·e·s. En effet, ces discours, dépendamment de la façon avec laquelle ils sont portés, sont susceptibles de représenter une « violence symbolique » pour certaines populations.
  • Un travail important reste à faire pour créer des liens entre justice sociale et justice climatique, qui ne sont pas encore toujours bien établis. Ce travail doit aussi être fait en interne afin que les membres des Tables s’approprient le discours de la TSE. En ce sens, un témoignage a rappelé que le vocabulaire, utilisé par le milieu de la transition ou par certain·e·s chercheur·e·s, comme « transition socioécologique » ou « résilience climatique », peut parfois être difficilement appropriable par les citoyen·ne·s et que sa complexité peut parfois desservir la cause défendue. Ce qui vaut pour les citoyen·ne·s pourrait aussi valoir pour les membres des OC et des Tables de quartiers.
  • Différences de sensibilité entre les quartiers sur ce cadrage de la transition. Une coordonnatrice indique que « pour les groupes et les citoyens du quartier, tout ça, c’est loin », par rapport à des urgences très concrètes (logement, alimentation). Néanmoins, la coordonnatrice d’une autre table, dans un quartier populaire, nous indique à la pause que « chez moi, au contraire, ils trouvent qu’on en fait pas assez sur la transition ». Cette différence de sensibilité peut aussi concerner les coordonnateurs. L’un deux, à propos des enjeux de transition, évoque l’arbitrage entre des urgences immédiates et « ce qui va se passer dans 500 ans » ; une autre coordonnatrice réagit en indiquant « c’est plutôt il y a 50 ans ! ». Celle-ci nous demandera d’ailleurs si nous serions d’accord de venir faire cette présentation au sein de la table de son quartier.

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Chantier Transition socio-écologique
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Intégré par Alice Pepey, le 11 mars 2024 08:47
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TeC - Les quartiers dans la transition
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Intégré par François Le Roy, le 12 octobre 2023 10:37
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Analyses, réflexions, Mobilisation, Renforcement des capacités

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12 octobre 2023

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23 novembre 2023 14:50

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