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Naples: la gestion de l'eau et des espaces culturels au coeur de la politique déclarative de la ville
Le contexte
Naples est la troisième plus grande ville d'Italie avec une population de plus de 3 millions d'habitants et est également la principale ville du sud de l'Italie. Elle a un taux de chômage de 24 % (la moyenne nationale est de 9 %) et le revenu moyen de ses habitants est l'un des plus bas d'Italie, selon l'Institut national de la statistique italien (ISTAT 2021).
Naples devient pionnière en matière de gestion de l’eau comme bien public
Le mouvement social et activiste pour l'eau en tant que bien commun en Italie a émergé au début des années 2000 et a abouti à un référendum national sur la gestion publique de l'eau qui s'est tenu en 2011, date à laquelle un ancien juge, Luigi de Magistris a été élu maire de la ville de Naples.
La vidéo est en italien. Il s'agit d'une manifestation pour défendre le droit à l'eau comme bien commun à Naples.
À Naples, les résultats du référendum ont enclenché un processus qui a fait de la ville une pionnière en matière de gestion publique de l'eau comme bien commun. La ville a mis en œuvre des changements dans la fourniture locale de l'eau, en établissant des règles dans les statuts de la société de gestion de l'eau appartenant à la ville (Acqua Bene Comune [ABC] [l'eau en tant que bien commun]) pour permettre un contrôle étroit des citoyens sur le fonctionnement de l'organisation qui en avait la charge.
Les espaces culturels revendiquent également une gestion collective et citoyenne
La question de l'implication des citoyens dans la gestion des services de l'eau a fait écho avec un autre mouvement citoyen au sein de la ville : celui des travailleurs culturels autour de l'enjeu des espaces culturels et créatifs.
Retour sur le déroulé
Le processus de mise en place de la réglementation à Naples a débuté en mars 2012 par une occupation et un vif débat entre l'administration locale et les activistes de l'Ex-Asilo Filangieri, un ancien couvent occupé par des travailleurs culturels et artistiques, qui a abouti à la rédaction d'une résolution reconnaissant le droit d'utiliser et de gérer collectivement le bâtiment. Cette résolution a finalement été adoptée par le conseil municipal, et des résolutions ultérieures en 2015, 2016 et 2021 ont reconnu sept autres propriétés publiques comme des " biens communs émergents, perçus par les résidents de la ville comme des environnements civiques florissants et, en tant que tels, considérés par la ville comme des actifs de pertinence stratégique ".
Les aboutissants du processus de co-gouvernance
De nouveaux réglements municipaux
Le maire de Naples a nommé le premier maire adjoint italien pour les biens communs, a créé la catégorie juridique des biens communs dans les règlements municipaux, a ajouté des règles de participation publique dans la gouvernance de la compagnie des eaux, et a ensuite adopté une série de résolutions locales qui reconnaissent les "usages urbains civiques et collectifs" des bâtiments publics.
Un outil démocratique : l'observatoire des biens communs urbains
Un élément clé de l'élaboration des résolutions de Naples a été la création en 2017 d'un nouvel Observatoire des biens communs urbains et de la démocratie participative conçu pour être une plateforme de délibérations et de négociations autour de l'utilisation collective existante et de la gestion des bâtiments occupés dans la ville.
L'Observatoire a permis aux fonctionnaires locaux de collaborer avec les communautés ou les utilisateurs qui géraient de manière informelle les bâtiments occupés et de participer à des sessions de co-working afin de concevoir les résolutions pour la reconnaissance des usages civiques. Ces laboratoires sont une caractéristique importante des approches déclaratives et constitutives pour permettre et soutenir les biens communs urbains dans toute la ville.
Cependant, l'objectif et les caractéristiques des laboratoires sont quelque peu différents selon les approches. Dans l'approche déclarative, comme à Naples, ces laboratoires sont un point final plutôt qu'un point de départ dans le processus collectif ou collaboratif de gestion d'une ressource ou d'un service local. En d'autres termes, les laboratoires ne jouent pas un rôle dans la facilitation ou l'auto-organisation des activités, comme c'est le cas à Bologne et dans d'autres exemples. L'auto-organisation se produit plutôt par le biais de divers processus ascendants menés par les participants eux-mêmes, qui se joignent ensuite aux fonctionnaires municipaux et à d'autres acteurs pour collaborer et mettre en commun les ressources. À Naples, par exemple, le processus de création d'utilisation collective des ressources locales résulte davantage de l'utilisation intensive d'assemblées, de forums et d'autres mécanismes de prise de décision participative. Cette approche a été introduite dans le règlement sur l'utilisation civique urbaine.
Le modèle déclaratif (bottom-up) de Naples
Les organismes d'appui à la co-gouvernance
Les utilisateurs des ressources, en étroite collaboration avec les fonctionnaires de la ville, ont conçu un modèle institutionnel qui s'articule autour de trois organismes principaux :
- l'assemblée de gestion ;
- l'assemblée de pilotage ;
- les tables thématiques.
Les tables thématiques (par exemple, le théâtre, les arts visuels, la réalisation de films, les médias sonores, l'autonomie, une bibliothèque ou un jardin communautaire) fonctionnent comme des espaces de discussion délibératifs sur des questions thématiques. Les personnes intéressées par la proposition ou la réalisation d'activités utilisant les espaces, les ressources humaines et l'infrastructure de l'Asilo. Ils peuvent soumettre une proposition à l'assemblée de gestion de la table thématique.
De même, une assemblée de pilotage existe pour définir les lignes directrices ou les règles générales des activités choisies, pour approuver les initiatives de collecte de fonds et de sociofinancement, et pour superviser les dépenses et autres décisions de gestion économique.
Récentes initiatives
Les initiatives les plus récentes prises par la ville visent à remédier à certaines des faiblesses qui affectent normalement la pérennité des biens communs urbains, telles que la viabilité financière des espaces gérés, l'identification des moyens de générer des revenus pour leur entretien et la viabilité économique des initiatives sociales et culturelles gérées dans ces espaces. En renforçant le rôle des acteurs civiques, l'administration locale souhaite promouvoir de nouvelles formes de communautés civiques urbaines et définir des schémas novateurs de coopération entre les pouvoirs publics et les communautés afin de susciter l'intérêt des investisseurs à long terme. De cette manière, l'environnement de développement civique conçu deviendrait un moteur pour stimuler la durabilité économique globale du processus et pour promouvoir les investissements à long terme.
Conclusion
Selon Foster et Ianoni, les résolutions de Naples incarnent une approche déclarative en reconnaissant le droit à l'usage civique des bâtiments et terrains abandonnés et sous-utilisés appartenant à la ville ou contrôlés par elle aux communautés qui les gèrent déjà de manière informelle. Le mécanisme de reconnaissance officielle est l'accord entre l'administration locale et les communautés ou collectivités qui gèrent des terrains et des espaces sous-utilisés ou vacants. Cet accord, appelé déclaration d'usage civique et collectif, définit les normes d'utilisation, d'accessibilité et de gouvernance des espaces. Ces espaces sont occupés et régénérés par des communautés informelles, qui contribuent à leur régénération en grande partie par autofinancement. Au lieu d'attribuer une concession à une association, la municipalité napolitaine a reconnu cette structure comme un bien commun émergent, en considérant d'abord le droit non exclusif des habitants à l'utiliser.
Pour faire avancer votre réflexion
- Qu'est ce qui différencie selon vous l'approche de la ville de Bologne de celle de Naples?
- Quel modèle vous interpelle le plus au regard de votre pratique?
- Quels sont les facteurs, selon vous, qui ont permis, l'émergence d'une telle co-gouvernance citoyenne?
Pour aller plus loin
La politique de la mairie de Naples en matière de Communs (fiche réalisée par Benedetta Celati pour RTES, le Réseau des collectivités Territoriales pour une Économie Solidaire)
Balade dans le Naples autogéré (baladodiffusion de la radio France Inter)
Foster, S. R., & Iaione, C. (2022). Co-Cities: Innovative Transitions toward Just and Self-Sustaining Communities. The MIT Press. (chapitre 3 en anglais)
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July 28, 2023
Edited
Nov. 3, 2023, 12:49 a.m.
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public
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Anaïs Del Bono, Marie-Soleil L'Allier, Marguerite Mendell, Francois-Xavier Michaux, Nancy Neamtan, Antoine St-Germain, Nadim Tadjine. (2023). Naples: la gestion de l'eau et des espaces culturels au coeur de la politique déclarative de la ville. Praxis (consulted July 19, 2024), https://praxis.encommun.io/en/n/-WPKAVWACLhvDZ_NChFIXuI5CRE/.
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