Le processus de co-gouvernance de la ville de Bologne

Mise en contexte

Bologne est une ville de taille moyenne d’environ 400 000 habitants et la capitale de la région italienne de l’Emilie-Romagne. Historiquement, La ville de Bologne a été caractérisée par un haut degré d’activisme politique et une diversité d’organisations civiques (à l’instar des nombreuses coopératives sociales). Ainsi en 2010, la ville comptait 1880 associations, 88 coopératives à vocation sociale et 63 fondations.

De plus, un quart de sa population est estudiantine. L’université de Bologne, fondée en 1088, est considérée comme une des plus anciennes universités du monde occidental.

Le règlement relatif à la collaboration entre les citoyens et la ville en matière de soins et de régénération des communs urbains (ci-après dénommé «règlement de Bologne») a été adopté en 2014 après deux années d’expérimentation sur le terrain dans trois quartiers urbains. Bologne a été reconnue internationalement pour cette initiative.

La ville de Bologne (c) Pietro Ghirlanda

L’origine du projet

Le processus d’expérimentation que l’on retrouve aussi sous l’appellation Co-Bologna, a été mis en œuvre avec le soutien d’une fondation à but non lucratif, la Fondazione del Monte di Bologna, une ONG locale, le Centro Antartide, et un groupe d’experts en communication juridique et publique de l’ONG Labsus dont le directeur général Ianone est coauteur de l’ouvrage Co-Cities: Innovative Transitions toward Just and Self-Sustaining Communities.

La première étape du processus de Bologne vers un nouveau cadre réglementaire pour la gouvernance collaborative des actifs urbains partagés a été un séminaire intitulé La Cité et les Communs, organisé par le professeur Marco Cammelli de l’Université de Bologna le 11 décembre 2011 où étaient présents des responsables locaux de l’administration publique et des universitaires. Les travaux ont montré que les principes constitutionnels italiens existants de subsidiarité horizontale (article 118 modifié en 2001) offraient un environnement riche pour la mise en œuvre des politiques portant sur les communs au niveau local.

L'État, les régions, les villes métropolitaines, les provinces et les communes encouragent l'initiative autonome des citoyens, agissant individuellement ou en tant que membres d'une association, pour l'exercice de toute activité d'intérêt général, sur la base du principe de subsidiarité. 

Paragraphe 4, article 118 de la constitution italienne

Première expérimentation sur le terrain

A la suite de ce séminaire, des expérimentations sur le terrain dans trois quartiers de la ville ont été menées. L'objectif de ces expériences était de produire des preuves concrètes et de documenter l'existence de goulets d'étranglement administratifs et juridiques ou d'obstacles rencontrés par les habitants et les organisations civiques qui souhaitaient intervenir à petite échelle (au niveau d’une rue par exemple) afin d'améliorer la vie sociale et économique des quartiers de la ville. Les résultats et les idées générés par ces expériences ont permis à un groupe composé d’universitaires et de fonctionnaires municipaux de rédiger la première version de la réglementation de Bologne sur les biens communs urbains. Elle a ensuite été soumise à la communauté universitaire, principalement des spécialistes du droit public et administratif, et une version finale a été approuvée par le conseil municipal en février 2014. Les biens communs urbains couverts par le règlement comprennent par exemple les espaces publics, les espaces verts urbains ou encore les bâtiments abandonnés.

Les pactes de collaboration bolonais

Un accompagnement des initiatives citoyennes

Opérationnalisant l’esprit de l’article 118 de la constitution italienne, le pacte de collaboration établit l'objet, tel qu'un parc ou un bâtiment, et les règles et conditions de collaboration entre tout groupe de citoyens et le gouvernement local, parmi d'autres acteurs.

L'accord de collaboration peut porter sur l'entretien à long terme d'une ressource particulière ou sur une intervention unique ou à court terme. Les autorités municipales sollicitent des propositions pour des pactes de collaboration spécifiques qui sont ensuite évalués et approuvés (ou non) après une phase de travail en commun. L'objectif de la procédure d'examen, selon le règlement, est de garantir que les interventions des habitants de la ville pour la prise en charge de la ou des ressources en question soient en harmonie avec les intérêts publics et privés (article 10, paragraphes 2 et 3).

Le règlement prévoit également le transfert d'un soutien technique et financier à la collaboration et offre des conseils pour définir les limites de la ressource à gérer dans le cadre d'un pacte de collaboration. Le pacte stipule l’importance de la durabilité et de l’inclusivité dans les projets menés. Le règlement énonce la volonté d'encourager la créativité urbaine principalement par le biais de l'art urbain, de l'art de la rue et de l'infrastructure numérique.

Les partenariats multi-acteurs publics - privés

Le règlement anticipe également la volonté des habitants et des propriétaires d'utiliser la propriété privée pour certains usages publics par le biais de la "gestion partagée". Il soutient en particulier la création d'associations de rue et de quartier, de consortiums, de coopératives ou de fondations de quartier gérés en collaboration par une "pluralité de citoyens actifs" représentant au moins 66 % des activités immobilières ou commerciales de l'espace privé pour le public (article 14).

Un écosystème politique soutenant l'esprit des pactes de collaboration

Le règlement en lui-même n'est qu'un élément de ce qui est devenu le processus de Co-Bologna. Les autorités locales ont depuis adopté d'autres politiques publiques qui font partie de l'écosystème politique visant à permettre et à faciliter la participation des habitants de la ville et d'autres acteurs (y compris les innovateurs sociaux, les organisations civiques, les entrepreneurs locaux et les institutions du savoir désireuses de travailler dans l'intérêt général) à des processus de co-conception conduisant à une gouvernance collaborative locale d'un ensemble de biens, de services et d'infrastructures urbains.

Ainsi, ces autres politiques comprennent " Incredibol " (2011), un appel public offrant des subventions pour des projets d'entreprises culturelles dans la ville (finançant entre douze et vingt projets par an) ; une plateforme numérique et un espace civique, Comunità Iberbole Platform (2014), donnant aux habitants de la ville l'accès aux propositions de pactes de collaboration et la possibilité de les commenter et d'en discuter ; un processus de co-conception appelé Collaborare è Bologna (2016) ; des laboratoires de quartier pour planifier l'utilisation de biens publics abandonnés ou sous-utilisés afin d'installer des espaces collaboratifs ; une politique visant à stimuler le développement économique au niveau du quartier, Pilastro (2016) ; et un budget participatif (2017) dans lequel les résidents choisissent comment allouer et dépenser le budget public. Un autre élément essentiel de l'évolution de Bologne vers une ville collaborative dans le cadre du processus de Co-Bologna est la mise en place d'une institution habilitante. En 2018, la ville a décidé de modifier la structure juridique et le nom du Centre urbain de Bologne. La structure juridique, initialement de forme associative, a été transformée en fondation, reconnue comme personne morale. Le nom a été changé pour la Fondation pour l'innovation urbaine.

Faire avancer votre réflexion

  • Que vous inspire les différentes étapes du processus de Bologne?
  • Quels éléments retenez-vous qui pourraient être transférables à votre pratique?
  • Comment pourriez-vous susciter des initatives citoyennes inclusives en rejoignant les populations moins enclines à participer au débat démocratique?
  • Quelles autres initiatives en dehors des pactes de collaboration pourraient être liées, dans votre pratique, à enrichir l'écosystème de co-gouvernance?

Pour aller plus loin

Is Bologna on the Verge of Becoming the Italian Co-op Valley? (article de blog en anglais publié par Plateform Cooperatism Consortium)

Foster, S. R., & Iaione, C. (2022). Co-Cities: Innovative Transitions toward Just and Self-Sustaining Communities. The MIT Press.  (chapitre 3 en anglais)

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Intégré par Anaïs Del Bono, le 26 juillet 2023 18:10
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26 juillet 2023

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3 novembre 2023 00:49

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