Des sacs réutilisables mais non réutilisés dans les marchés fermiers

De plus en plus de villes et de pays (en Amérique du Nord et en Europe) tentent de bannir le sac de plastique à usage unique. Cette mesure est principalement dictée par une prise de conscience croissante des impacts négatifs du plastique sur l’environnement et trouve un écho particulier dans les marchés fermiers. Du fait des valeurs environnementales qui leur sont souvent associées, les marchés fermiers pourraient en effet être des lieux privilégiés pour limiter l’usage de ces sacs. C’est le cas des marchés publics de l’Ohio qui ont choisi d’agir en distribuant gratuitement des sacs réutilisables (et fait à partir de produits recyclés), accompagnés d’une courte formation sur leur intérêt. Dans cet article, les auteurs examinent si cette stratégie atteint les résultats escomptés. L’observation de près de 4000 consommateurs dans 15 marchés fermiers couvrant trois sites différents d’un comté de l’Ohio, la distribution de plus 1300 sacs réutilisables (avec un logo spécifique) et le suivi auprès de 37 répondants à un questionnaire, conduisent les auteurs à conclure que cette stratégie est inefficace.

En effet, sur les 1325 sacs distribués gratuitement au cours de l’été 2019, 188 ont été utilisés pendant les jours de distribution, ce qui est déjà peu, mais seulement 50 l’ont été hors des jours de distribution, ce qui signale un très faible taux de réutilisation. Pourtant, ces consommateurs se disent majoritairement soucieux de l’environnement et conscients des problèmes que pose l’utilisation de sacs plastique à usage unique. De plus, ils sont nombreux à posséder déjà un certain nombre de sacs réutilisables et sont unanimes à reconnaitre avoir accès à ce type de sacs. Même s’ils déclarent réutiliser ces sacs « toujours ou la plupart du temps », les explications avancées lorsqu’ils ne les utilisent pas vont de l’oubli (dans la voiture, à la maison…) à une préférence pour le sac en plastique ordinaire qu’ils réutilisent tout de même à d’autres fins (poubelles, hygiène des animaux de compagnie, etc.). Ils disent aussi utiliser les sacs fournis gratuitement par les marchés dans d’autres endroits. Dans l’ensemble, les auteurs estiment que d’autres stratégies, comme des incitatifs financiers (taxer les sacs plastiques) ou des règlements plus stricts (les interdire), pourraient être plus efficaces que les dons de sacs alternatifs.

Les enseignements

Cette étude ramène un résultat bien connu, celui de l’écart entre les valeurs déclarées et les comportements observés. Elle rappelle aussi que souvent, une combinaison d’outils est nécessaire pour faire changer les comportements. Ne miser que sur la bonne volonté des acteurs peut ne pas suffire. Accompagner cette sensibilisation par des outils économiques et réglementaires peut permettre d’atteindre plus facilement les cibles fixées. Pourtant, au Québec, l’approche pour limiter l’utilisation des sacs en plastique uniservices est jusqu’ici restée volontaire et s’est cristallisée en 2008 autour du Code volontaire de bonnes pratiques sur l’utilisation des sacs d’emplette. Malgré son caractère non contraignant, et contrairement à d’autres endroits, la démarche est considérée comme un succès. Pour les fermes qui souhaitentse passer des sacs plastiques dans les marchés ou sur leur kiosque, cette étude rappelle que le client, même de bonne volonté, reste humain avec ses oublis et ses contradictions. Mais elle montre aussi que ce même client se montrerait sans doute compréhensif si plus aucun sac plastique ne lui était offert, ce qui peut encourager les producteurs à faire disparaître l’option plastique de leur étal.

pdf N°20, fiche n°1 – mars – avril 2022

Fiche n°1, Bulletin n°20 – mars – avril 2022
Rédaction : Stevens Azima & Patrick Mundler

Cette veille bibliographique vous est offerte par le groupe de recherche Agriculture, territoires et développement de l’Université Laval avec le soutien du ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec.