Gouvernance, leadership et leviers - 1. Faits saillants du Tour d'Horizon

Fiche thématique écrite par l’OVSS et le Collectif, puis produite par l’OVSS dans le cadre des États généraux en développement des communautés, octobre 2022.

Nous prenons le temps ici d’explorer la gouvernance, le leadership et les leviers propres au fonctionnement interne des démarches territoriales. Le baptême du feu qu’a été la pandémie de la COVID-19 fut révélatrice de l’importance de l’action territoriale intersectorielle concertée. “Les territoires qui comptaient sur des structures de concertation établies, des canaux de communication efficaces, une vision positive de l’action collective ou des réussites partagées ont pu réinvestir ces espaces pour construire une réponse concertée à la crise.” [1] En ce sens, les territoires qui mesurent la “plus-value” de se mettre ensemble et qui avaient déjà vécu des réussites ensemble avant la pandémie ont alors eu le réflexe de se retourner vers l’espace collectif pour pouvoir passer au travers de la crise.

Leadership des démarches et partage du pouvoir

Le Tour d’horizon a démontré qu’une diversité d’acteurs peuvent prendre en main le développement des communautés. Une démarche collective peut être initiée par un groupe communautaire ou une SADC. Cependant, le plus souvent, c’est la MRC, la ville, la CDC ou le CIUSSS — via l’organisation communautaire (OC) la plupart du temps, qui en prend le leadership. Les démarches territoriales dénotent que, dans un monde idéal, ces acteurs font alliance et assument un leadership partagé. Une telle coordination partagée donne accès à plus de leviers, d’expertises et de ressources même si cela exige des dispositions et des compétences particulières pour que chaque partenaire se place au service de la démarche plutôt qu’au service de son intérêt personnel ou organisationnel.

Dans d’autres cas, la présence de différents agent.es de développement peut nourrir une compétition pour le leadership et pour la légitimité du développement des communautés, au détriment de l’élaboration et la mise en œuvre d’un plan d’action territorial au service des populations du territoire. Les sources de litige et de compétition sont variées. Par exemple, quand plusieurs acteurs et secteurs travaillent ensemble, à qui revient le crédit d’une action ou d’une transformation ? Comment alors partager la notoriété entre les partenaires, surtout lorsque vient le temps de la reddition des comptes auprès des bailleurs de fonds ou des organisations individuelles ?

Dans d’autres démarches territoriales, personne n’est en poste. Dans une démarche territoriale rencontrée pendant le Tour d’horizon, aucun acteur n’en assumait le leadership, ni la CDC, ni la MRC, ni le CIUSSS. Il en résultait plusieurs embûches et obstacles, par exemple, les délais de rencontre étaient sans cesse repoussés et les suivis entre les rencontres n’étaient pas assurés.

Dans le cas d’une alliance, quels rôles et responsabilités reviennent à la MRC, aux OC, à la CDC en ce qui concerne la mobilisation des acteurs du terrain et ceux de soutien à la démarche collective ? Qu’attend-on d’eux ? Que devraient-ils apporter autour de la table ? Comment réussir l’arrimage et la complémentarité entre ces acteurs afin qu’ils arrivent à outiller et soutenir les projets de la démarche territoriale ? Et donc, comment travailler ensemble dans le partage de l’écosystème au lieu de compétitionner pour le leadership d’une démarche ?

Comment en assumer le leadership collectif si les leaders clés d’un territoire local ne sont pas au rendez-vous ? Par exemple, lorsque les OC n’ont pas les pouvoirs pour prendre des décisions structurelles nécessaires en matière de santé publique ou transformations organisationnelles, ceci exige la présence des directions des CIUSSS qui ne sont pas toujours impliquées dans les démarches territoriales.

[1] OVSS, Développement des communautés, action collective et Covid-19 , juin 2020, en ligne. https://operationvss.ca/media/1144/ovss_developpement-communautes-covid-19.pdf

Confiance et sentiment d’appartenance

Pour qu’un ensemble d’acteurs puissent travailler ensemble, et en avoir envie, des démarches territoriales impliquées dans le Tour d’horizon nous ont aussi répété que la confiance entre les acteurs est indispensable, tout comme le sentiment d’appartenance à la communauté. C’est sur ces bases que les gens se sentent concernés, qu’ils ont envie de prendre en charge le développement de leur communauté et, idéalement, de le réaliser de façon démocratique. Le sentiment d’appartenance et la confiance donnent à leur tour envie de résoudre collectivement les conflits qui finissent par survenir au sein même d’une démarche territoriale. Ces conditions finissent par installer un pouvoir d’agir collectif et développer la capacité d’une communauté à avoir de l’impact et négocier les termes de son développement collectif.

Engagement  et mobilisation

Les personnes accompagnant le Tour d’horizon ont remarqué, pour leur part, des éléments qui témoignent d’un fort niveau d’engagement et de mobilisation des partenaires autour d’une instance de concertation en développement des communautés. En voici plusieurs :

Accepter de ne pas savoir exactement où la démarche se dirige, mais y aller ensemble.

Instiguer une démarche à partir d’une réelle volonté du milieu. Ce leadership positif assumé par un ou plusieurs acteurs clés du territoire — plutôt que par une institution publique seule — renforce la capacité d’action de la démarche, suscite davantage d’initiatives et fait avancer des dossiers de manière plus durable.

Mettre sur pied une bonne ligne de communication et des orientations communes essentielles au développement des communautés.

Rester assis ensemble à long terme, au-delà d’un financement par exemple, afin de développer mobilisation, engagement collectif et leadership partagé en y investissant, individuellement, l’énergie et le temps nécessaires.

Et surtout, rester assis et mobilisés même quand des désaccords éclatent entre les partenaires, que c’est difficile et que ça fait mal. Résoudre ces tensions en se souvenant que les raisons pour lesquelles on se chicane sont moins importantes que celles pour lesquelles on reste ensemble. Mais comment faire ?

D’autres questions méritent d’être posées pour réfléchir au fonctionnement interne d’une démarche territoriale. Comment dépasser la culture du consensus ? Comment faire cohabiter une diversité de points de vue et laisser place à la dissidence ou au désaccord ? En fait, comment amener des humains à travailler ensemble dans toute leur complexité ?

Afin de produire des conditions de participation optimales et susciter l’engagement des partenaires, des démarches territoriales rencontrées durant le Tour d’horizon se disent favorables à un partage égalitaire du pouvoir entre les acteurs. Par exemple, ces démarches sont d’avis que l’ensemble des acteurs doit pouvoir participer aux décisions et aux orientations de la démarche et que les décisions doivent se prendre collectivement au sein d’espaces participatifs et inclusifs. D’autres démarches misent plutôt sur un mode de gouvernance variable et diversifiée avec des espaces pour l’entièreté des partenaires et des comités thématiques de travail par sous-groupes pour accomplir le travail nécessaire.

L’engagement et la mobilisation sont aussi facilités quand l’apport des différents types de partenaires autour de la table est connu, reconnu et respecté et que ces particularités sont investies dans la gouvernance et dans la mise en œuvre de la démarche. Cette attitude facilite la collaboration et un respect mutuel des rôles, des forces et des responsabilités de chacun. e, créant un climat propice à la mutualisation des forces, des leviers, des ressources et des expertises des partenaires. À titre d’exemple, le communautaire est souvent plus agile et flexible dans ses interventions, tandis que l’institutionnel a généralement plus de ressources. Concrètement, on peut voir cette mutualisation dans le cas d’une table de quartier qui travaille étroitement avec un arrondissement. L’arrondissement incite la table de quartier à faire avancer des projets lorsque sa structure administrative limite sa capacité à agir. De son côté, la table de quartier n’a pas les ressources financières et humaines pour déployer de gros projets, et donc l’arrondissement la soutient dans le déploiement de ces projets. Les deux savent qui fait quoi au niveau du budget, du fonctionnement et des ressources mobilisées en fonction des besoins du moment. Ils s’aident mutuellement et reconnaissent l’expertise de chacun.

Couteau à deux tranchants : le respect des particularités de chacun

Cependant, ce respect des particularités et de l’autonomie de chacun peut nuire à la capacité à travailler ensemble de manière intersectorielle ou même à agir sur des problématiques complexes qui nécessitent un arrimage entre plusieurs secteurs et paliers d’intervention. Comment atteindre un équilibre entre le respect des particularités et de l’autonomie de chacun et le besoin d’arrimage entre les secteurs et paliers d’interventions ?

Leadership et professionnalisation de la pratique en développement des communautés

Les personnes accompagnant le tour d’horizon remarquent aussi que la pratique d’accompagnement du développement collectif se professionnalise. Elles observent une multiplication des accompagnements qui soutiennent les démarches territoriales de concertation intersectorielle : organisation communautaire, ville, région, philanthropie, organismes spécialisés externes, etc. En équilibre, ces accompagnements permettent une posture de recul, de médiation, de coconstruction d’une posture commune, d’aplanissement des tensions, de considération des rapports de pouvoir, tout ça, au service d’une action territoriale concertée ayant pour finalité le bien-être collectif.

Parfois, ces multiples accompagnements peuvent prendre trop de place dans la démarche et interférer avec le travail des acteurs terrain du territoire. Au contraire, quand ils sont absents, toute la démarche repose sur les épaules d’une seule personne, avec une exigence d’expertise et de compétence très grande, mais peu valorisée. Dans ces cas-là, c’est un peu comme si les acteurs du territoire considèrent que le développement des communautés ne se résumait qu’à organiser et animer des réunions entre les différents partenaires.

Le développement des communautés est indéniablement plus complexe que la capacité d’animer des réunions. Les compétences et le leadership personnels jouent un rôle important ici. Une personne habile avec l’animation et les méthodes de réflexion collaborative et de travail de groupe, et qui se met au service de l’assemblée, accroît de manière significative l’engagement des acteurs et l’agilité et la pertinence d’une démarche. La personne qui occupe le poste de coordination d’une démarche territoriale s’interroge souvent sur des questions de fond. Comment faire en sorte que toutes les personnes autour de la table sont écoutées et entendues ? Comment reconnaître les relations de pouvoir, s’en parler et les désamorcer ? Face aux crises, quelle structure peut être représentative, mais souple pour décider rapidement, mais sans centraliser le pouvoir ?

Le  besoin  de  temps  de  réflexion

Les personnes qui ont accompagné le Tour d’horizon remarquent que les démarches qui ont consacré le plus d’énergie et de temps à ce processus ont pu davantage bénéficier de ce temps d’arrêt structuré pour se réfléchir et se projeter. De manière générale, une participation accrue au Tour d’horizon leur a permis de réfléchir à comment approfondir et améliorer la qualité de leurs relations, éclaircir leurs rôles, nommer leurs défis et leurs leviers, faire l’état de leur leadership actuel et partagé et réfléchir ce qui se passe dans leur communauté. Ces démarches territoriales en sont arrivées à pouvoir déterminer ensemble ce qu’elles ont envie de développer à long terme dans une perspective de développement des communautés.

Les élu.es, la société civile et le partage des pouvoirs

Avec l’abolition des CRÉ, les lieux de concertation régionale dans lesquels les citoyen.nes pouvaient participer ou qui avaient un mandat de transparence du contenu ont disparu. Le partage du pouvoir dépend désormais du bon vouloir des individus en place, de leurs relations et de leur compréhension du développement des communautés. Les élu.es ont donc un rôle particulier à jouer ici. Quand ils et elles reconnaissent la valeur, les compétences, l’expertise et la légitimité de la démarche en développement des communautés de leur territoire, l’amélioration de la qualité de vie des gens et de la résilience de la communauté en cas de crise peut aller plus loin. Dans les cas inverses, les territoires assistent à des dédoublements de service et à moins d’impact des enveloppes gérées par les élus.

Ce déséquilibre des pouvoirs crée la possibilité que la démarche se place en opposition avec les élu.es et tombe dans la revendication plutôt que dans une posture de développement des communautés. Par exemple, il est arrivé qu’une démarche territoriale portée par une CDC ait une vision d’action communautaire autonome et qu’elle adopte une posture d’opposition à l’égard des élu.es, des systèmes de santé et d’éducation au lieu de les voir comme des ressources et des partenariats potentiels. L’action demeurait alors sectorielle, incapable de réunir un ensemble large d’acteurs autour de la table.

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États généraux en développement des communautés - 2022
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Intégré par Joël Nadeau, le 7 juin 2023 14:48

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28 octobre 2022

Modification

5 mars 2024 10:52

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