Liste des facteurs clés pour le succès d’une symbiose industrielle

Cette note a été produite dans le cadre d'un projet étudiant du CUFE de l'Université de Sherbrooke à l'automne 2023.

Ces facteurs clés ont été identifiés dans le cadre de l'accompagnement d'une municipalité dans la mise en œuvre d’un modèle d’économie circulaire basé sur la symbiose industrielle.

Facteurs clés de succès d’une symbiose industrielle

L’ensemble de la littérature et des exemples consultés s’accordent à reconnaître que plusieurs facteurs contribuent au succès de la symbiose industrielle. Pour Kalundborg, où s'est établie la première symbiose au monde en 1972, il s’agit notamment de la collaboration entre les parties prenantes de secteurs différents, la création de valeur de la solution, la proximité géographique des participants, la volonté de collaborer et de partager des valeurs communes et la communication entre les parties prenantes, dont la plateforme Symbiosis Institute, qui permet de diffuser les expériences et d’identifier de nouvelles opportunités de synergies, n’est pas sans rappeler celle de Synergie Québec (Diemer, 2016; CTTÉI, 2013). Peu importe leur appellation dans la littérature, les facteurs de succès et de pérennité des symbioses sont essentiellement d’ordre organisationnel, structurel, technique et logistique, social et culturel, économique, politique et législatif.

Facteurs organisationnels : ces derniers sont propres aux entreprises et liés au degré d’engagement de la haute direction. En effet, il est le premier moteur qui permet d’aligner le cadre de gestion, les politiques et processus internes, le budget et l’expertise avec la symbiose et de faire évoluer la culture d’entreprise (Taqi et al., 2022). Plusieurs exemples, issus d’une étude réalisée sur les meilleures pratiques et les retours d’expérience à la suite de symbioses industrielles en Europe, démontrent que ce sont des dirigeants crédibles, comme l’associé principal d’une grande raffinerie, ou des coordonnateurs de projets avec une expérience de direction dans des entreprises locales, qui ont porté des projets de symbioses ou permis de surmonter des obstacles à la mise en œuvre de celles-ci (Vladimirova et al., 2018). D’ailleurs, RECYC-QUÉBEC en fait un ingrédient essentiel dans les stratégies de prévention et de gestion des matières résiduelles pour les industries, commerces et institutions (ICI).

Facteurs structurels : il s’agit notamment de considérations comme la taille des entreprises et leur proximité géographique. En ce qui a trait à la taille, il est en effet préférable que les organisations ayant établi des synergies entre elles puissent mutualiser des quantités de matières suffisantes pour favoriser la pérennité de la symbiose. Une taille adaptée est donc recommandée. De plus, la proximité géographique entre les organisations et les infrastructures de gestion des MR est davantage bénéfique en termes de logistique, de délais et de coûts, mais aussi de création de liens d’affaires comme c’est le cas à Kalundborg (Vladimirova et al., 2018; Tim Yen, 2022)

Facteurs techniques et logistiques : ceux-ci touchent à la fois les entreprises, les organismes ou personnes intermédiaires et les experts. Tous sont complémentaires. D’une part, les facteurs techniques incluent aussi bien l’investissement des entreprises dans des équipements et services, comme des systèmes d’optimisation des processus de production au moyen de nouvelles technologies (Internet des objets, etc.) ou la formation de leurs employés. (Vladimirova et al., 2018; Henriques et al., 2021) D’autre part, ils comprennent les plateformes numériques qui facilitent et accélèrent l’échange de données et de matières, le réseautage entre les parties prenantes actives au sein de la symbiose, la diffusion d’information pour encourager de nouvelles opportunités et l’intégration de nouvelles parties prenantes, ainsi que le partage d’expertise et de formation. (CTTÉI, 2013; Vladimirova et al., 2018). Par exemple, la base de données SYNERGie® a permis de confirmer des synergies potentielles, ainsi que d’obtenir de la visibilité sur des données valorisantes comme le taux d’émission de gaz à effet de serre évités, la réduction du volume de déchets enfouis, le nombre d’emplois créés, etc. (Vladimirova et al., 2018). En ce qui a trait aux facteurs logistiques, il s’agit davantage d’accompagnement et de la mise à disposition d’outils à cet effet. Les animateurs de symbiose, qui sont des experts dans le domaine et plus largement en économie circulaire, servent d’intermédiaires avec les parties prenantes industrielles. Ils jouent le rôle de points de contact des entreprises dans la symbiose. En plus de faciliter la communication entre les parties prenantes et d’offrir des programmes de sensibilisation et de maillage, ils s’assurent de la faisabilité, de la conformité « technique, économique, sociale et réglementaire des projets », de leur continuité au moyen de nouvelles opportunités (Vladimirova et al., 2018; Bonaldi et al., 2020). Ils permettent ainsi de développer un rapport de confiance avec les entreprises et la communauté, qui sont essentiels à la mise en œuvre et pérennisation de la symbiose. Typiquement, ce sont des organismes spécialisés dans le domaine comme le National Industrial Symbiosis Program (NISP) ou Synergie Lanaudière qui agissent à titre d’animateurs de symbiose, mais parfois des universités, organismes de recherche ou experts-conseils sont appelés à jouer un rôle similaire. (Vladimirova et al., 2018) En plus d’un accompagnement humain, les animateurs et organismes spécialisés offrent des outils comme des indicateurs de performance économiques, environnementaux, techniques et logistiques et sociaux, qui permettent aux participants de la symbiose de de documenter leurs progrès de manière quantitative dans un souci d’amélioration continue. Les acteurs de la symbiose peuvent également adhérer à des plateformes d’information, comme Synergie Québec, pour obtenir de la visibilité sur les projets de symbiose existants, des activités sociales dans le domaine, ainsi qu’un accès à des outils numériques qui identifient et évaluent les offres et les demandes des organisations membres selon des critères économiques, sociaux et environnementaux. (CTTÉI, 2013; Taqi et al., 2022)

Facteurs sociaux et culturels : ceux-ci impliquent davantage la communauté et les entreprises dans un souci et une volonté de travailler ensemble et de partager des valeurs (Diemer, 2016). Selon Nicolas Buclet (2011), « il s’agit de créer des interactions entre des acteurs relativement proches géographiquement, mais n’ayant pas toujours l’occasion d’échanger, faute d’intérêts communs ». Pour y remédier, la communication et la collaboration sont primordiales au sein de la communauté, et peuvent se décliner sous forme de programmes de sensibilisation, de formations, de réseaux de collaboration et d’échange, et de plans d’action. À ces activités doivent s’ajouter l’échange d’information, la diffusion des résultats de projets et les commentaires et retours d’expérience afin d’instaurer la confiance entre les parties et le sentiment d’appartenance au sein de la communauté, qui servent à mobiliser et à inspirer de nouvelles opportunités de synergies. (CTTÉI, 2013; Bonaldi et al., 2020; Henriques et al., 2021) Par ailleurs, la proximité culturelle d’entreprises entre elles est également un facteur de succès. En effet, si elles partagent la même volonté et motivation de valorisation des matières résiduelles ou, plus largement, d’œuvrer en faveur de la protection de l’environnement, leur collaboration a davantage de chance de perdurer, voire de s’élargir (Tim Yen, 2022).

Facteurs économiques : ils comprennent notamment le développement territorial et les financements. Le développement territorial est défini par les opportunités de gains économiques pour le territoire, la création d’emplois et l’innovation (Arguin, 2014). Par exemple, l’entreprise française Innovafeed, qui utilise des résidus de blé pour nourrir des larves d’insectes destinées à la production de protéines pour l’aquaculture, a permis de créer 110 emplois, répartis dans plusieurs entreprises, dès son implantation (Hamdane, 2020, 12 juin). Au Québec, les entreprises impliquées dans les 93 synergies chapeautées par Synergie Estrie, ont réalisé une économie de 560 000 $ depuis cinq ans (Magazine MCI, 2023, 21 août). Ce type de résultats permet de démontrer que les synergies industrielles créent de la valeur, ce qui peut favoriser de nouvelles opportunités, ainsi que des soutiens financiers privés et publics pour en assurer la pérennité. Cependant, il est important de noter que les incitatifs sont peu nombreux et souvent distribués lors de la phase de démarrage de la symbiose et non de sa pérennisation. Parmi ces programmes se retrouvent, entre autres, le Fonds vert, l’Appel de propositions pour la transition vers l’économie circulaire (APTEC) de RECYC-QUÉBEC dont la première édition a financé un projet de Lanaudière Économique pour un montant de 180 000 $ et les Fonds économie circulaire (RECYC-QUÉBEC, 2017; Réseau de recherche en économie circulaire du Québec, 2023).

Facteurs politiques et législatifs : il s’agit de la volonté politique de favoriser l’économie circulaire au moyen de mesures de fiscalité, incitatifs, réglementations et lois à l’échelle provinciale. D’une part, ces mesures comprennent des taxes contraignantes ainsi que des incitatifs, comme des régimes fiscaux et tarifs spéciaux qui récompensent les entreprises qui favorisent l’économie circulaire (Henriques et al., 2021). au Québec, il s’agit de programmes comme le REP, le marché du carbone, les redevances pour l’élimination de matières résiduelles, le Régime de compensation pour la collecte sélective des matières recyclables ou, plus récemment, la Stratégie de valorisation de la matière organique qui prévoit investir les sommes récoltées par l’intermédiaire des pénalités dans des mesures de soutien financier pour le secteur privé (Réseau de recherche en économie circulaire du Québec, 2023). D’autre part, l’application des lois et règlements est essentielle pour soutenir la symbiose. La Loi sur la qualité de l’environnement permet, par exemple, aux municipalités de planifier la gestion de leurs matières résiduelles par l’entremise de plans sur cinq ans (Ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs [MELCCFP], 2023).

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Intégré par Vincent Chapdelaine, le 12 janvier 2024 16:50
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Intégré par Vincent Chapdelaine, le 17 décembre 2023 10:54
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14 décembre 2023

Modification

29 avril 2024 14:30

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