19 août - Table ronde - Gouvernance autochtone, décolonisation et archéologie collaborative

Cet événement a eu lieu dans le cadre du Festival Virage 2023.

Le concept de décolonisation circule beaucoup et trop peu à la fois. Cette table ronde vous invite à le démystifier en compagnie de nos panélistes.

Intervenant·es

Hélène Boivin En mai 2019, elle a été élue par sa Première Nation, présidente de la comission chargée de consulter, rédiger et soumettre un projet de Constitution à la Première Nation des PekuakamiuInuatsh, en referendum. Reconnue par ses paires, elle est souvent appelée à faire des présentations sur les enjeux et réalités autochtones sous l’angle de sa Première Nation.

Aliss Germain est née à Mashteuiatsh, une communauté ilnu située au bord du lac Saint-Jean. Elle fait de la traduction du français vers sa langue maternelle, le nehlueun. Elle confectionne aussi des tentes traditionnelles, une activité qu’elle a apprise d’elle-même. Aliss se passionne pour la culture sous toutes ses formes ainsi que pour l’archéologie. Elle a fait deux films en collaboration avec Wapikoni et elle espère en faire d’autres dans le futur. Crédit photo : CLAUDE HAMEL, Radio-Canada

Christian Gates Saint-Pierre Formé au Canada et aux États-Unis, Christian Gates St-Pierre est archéologue et professeur agrégé au Département d’anthropologie de l’Université de Montréal. Ses recherches portent sur l’archéologie des populations autochtones, en particulier celles des nations iroquoiennes. Il s’intéresse aussi aux questions éthiques en archéologie, ainsi qu’à la protection et à la mise en valeur du patrimoine archéologique. Il dirige chaque année une école de fouilles sur le plus ancien village agricole connu à ce jour au Québec, situé à Saint-Anicet en Montérégie. Enfin, il co-dirige également le Projet Tiohtià:ke, qui vise à documenter l’histoire autochtone de Montréal, en collaboration avec le Conseil mohawk de Kahnwà:ke et le Musée Pointe-à-Callière.

Partie I – Gouvernance autochtone et décolonisation

Hélène Boivin - Histoire

Hélène Boivin est ​consultante, conférencière et formatrice sur les enjeux et réalités autochtones. Élue présidente de la commission Tipilimitshim pour l’autodétermination de la Première nation des PekuakamiuInuatsh (Ilnue de Matshteuitash) dont elle est originaire, assure l’introduction de la table avec un survol de l’histoire et des droits autochtones.

Gouvernance des nations autochtones

Les communautés œuvrent pour se libérer de la tutelle gouvernementale et de la Loi sur les Indiens, qui a placé les peuples autochtones sous tutelle. Ils évitent le terme "réserve" au profit de "communauté".

Les récits des peuples québécois et autochtones s'entrecroisent. Pendant la Révolution tranquille du peuple québécois, les peuples autochtones ont commencé à réaffirmer leur souveraineté.

Nous sommes un peuple que le gouvernement a tenté d'exterminer au travers les lois. 

Depuis les années 70, la communauté de Mashteuiatsh s'engage dans un processus visant à reprendre en main des domaines comme la santé et l'éducation. Ils détiennent un statut qui se situe entre celui d'une municipalité régionale de comté (MRC) et celui d'un État, et gèrent leurs propres programmes éducatifs.

Durant 43 ans, ils ont œuvré pour obtenir la reconnaissance de leur souveraineté, tandis que l'exploitation de leur territoire se poursuit.

Cependant, le gouvernement du Québec conteste le droit à l'autodétermination des peuples autochtones devant la Cour suprême. Ironiquement, le Québec devrait pourtant être bien placé pour comprendre l'importance de l'autodétermination, étant donné son propre contexte historique.

Que signifie "se décoloniser" ?

Se décoloniser signifie entreprendre un processus de guérison et de reconstruction suite aux abus subis de la part de l'Église et du gouvernement. Cela implique également de réorganiser nos structures selon notre propre culture et mode de gouvernance.

Un exemple concret de décoloniusation est notre expérience de collaboration avec nos frères cris. Pendant 25 ans, nous avons tenté de trouver un terrain d'entente dans le cadre imposé par les gouvernements. Un jour, nous nous sommes demandé comment nous aurions conclu une entente avant l'arrivée des premiers Européens ? Comment partagions-nous le territoire ? Cela reposait sur le partage, la reconnaissance mutuelle et la collaboration. Après un an et demi de négociations, nous avons finalement conclu un accord qui, malheureusement, n'est pas reconnu et est même contesté par le gouvernement.

Une fenêtre positive

Actuellement il semble y avoir une fenêtre positive pour parler d’enjeux autochtones et pour relever les défis qui nous attendent. Nous avons besoin de vous - les allochtones - dans cette démarche, car actuellement nous représentons moins de 2% de la populationon.

Nous avons besoin que vous saisissiez mieux nos enjeux, que vous cessiez de mettre en doute nos droits qui ne sont pas au même niveau que les vôtres. Nous avons besoin que vous nous accompagniez dans notre démarche d'autodétermination. Que vous nous aidiez à détruire les stéréotypes à notre égard (comme quoi nous sommes dépendant·es de l’État, que nous ne voulonts pas se développer, que nous ne sommes pas ouvert·es sur le monde).

Nous avons besoin de travailler ensemble.

Période de questions

Pourquoi Québec poursuit la communauté en cours suprême ?

Des raisons complexes

Le gouvernement du Québec engage une poursuite en cours suprême contre la communauté autochtone pour des raisons complexes. Le Canada a été l'un des derniers pays à adhérer à la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. Sous la pression internationale, il est contraint de régler les questions autochtones.

La loi C-15 oblige le Canada à respecter le droit à l'autodétermination des communautés autochtones. Les lois fédérales et provinciales doivent désormais être en accord avec les normes de l'ONU. La loi C-92 permet aux communautés autochtones de créer leurs propres règles pour la protection des enfants.

Dans le contexte de Mashteuiatsh, la communauté aspire à davantage d'autodétermination. Cependant, le Québec semble souhaiter que les peuples autochtones soient sous la tutelle à la fois du gouvernement fédéral et provincial.

Le droit à l'autodétermination: trouver un équilibre entre valeurs modernes et traditionnelles

Le droit à l'autodétermination implique que les peuples autochtones avaient leurs propres systèmes de gouvernance avant l'arrivée des Européens. Ils n'ont jamais renoncé à ce droit. Cela signifie qu'ils ont le droit d'établir leurs propres règles et modèles de gouvernance en fonction de leurs valeurs, au lieu de simplement adopter ceux du Canada.

Actuellement, Piékouagami fonctionne presque comme une mini-démocratie. Cependant, en séparant les pouvoirs législatif et exécutif, nous reproduisons la vision des allochtones. Nous cherchons donc un équilibre entre ces approches. Dans la culture algonquine, les animaux ont un statut supérieur à celui des humains, mais intégrer cette perspective dans une constitution moderne est complexe. Le projet que nous soumettrons à nos membres vise à trouver cet équilibre entre les valeurs modernes et traditionnelles.

Dans nos sociétés, les hommes allochtones ont souvent le plus haut niveau de reconnaissance, tandis que les femmes autochtones ont le plus bas. Actuellement, près de trois quarts des membres réinscrits sont des autochtones ayant perdu leur culture depuis quatre générations. De plus, plus de 80% de nos membres vivent à l'extérieur de la communauté.

Comment appliquer des lois qui chevauchent d'autres instances gouvernementales ?

En mettant en œuvre nos propres règles, nous réaffirmons notre souveraineté et prenons simplement notre place. L'objectif est que ce soit nous qui décidions de nos règles et qui les appliquions dans notre communauté.

Y a-t'il d'autres exemples d'autodétermination réalisée au travers une constitution ?

Oui, il existe d'autres exemples de peuples qui ont exercé leur autodétermination en créant leur propre constitution. Par exemple, au Mexique, le peuple Puri Pecha a adopté sa propre constitution pour régir ses affaires internes. De même, les Mohawks ont élaboré leur propre passeport pour refléter leur souveraineté et leur identité distincte. 

Comment pouvons-nous concrètement vous soutenir en tant qu'allochtone ?

Lorsque nous aborderons la question des traités, nous vous invitons à ne pas le considéré comme une volonté de "se séparer du Québec", mais plutôt nous appuyer et confirmer que "cela est cohérent, que vous soutenez cette démarche".

Nous vous invitons à signer la pétition qui demande 5% de contenu autochtone dans nos médias.

En cas de déni de racisme systémique par le gouvernement, il est important de s'exprimer pour affirmer que cela existe.

Joanie Gill, fondatrice d'Utapi Consultants

Joanie Gill, fondatrice d’Utapi Consultants, nous parlera de comment elle applique concrètement le concept de décolonisation à travers son entreprise à vocation sociale.

Quelques mots de lexique

  • Allié·e
  • Décolonisation
  • Autochtonisation
  • Réconciliation : Joanie a fait le choix de ne pas référer à ce terme dans le cadre Utapi Consultant, car elle considère qu'il faut se décoloniser avant de se réconcilier. Elle considère que pour les allochtones, la réconciliation signifie offrir aux autochtones les ressources nécessaires pour qu'ils puissent se guérir.

Les services offerts par Utapi Consultants

  • Des ateliers
    • L’intégration des perspectives autochtones en éducation
    • La reconnaissance des territoires traditionnels
    • Atelier-discussion sur la sécurité culturelle
  • Un service de consultation
    • Services-conseils en décolonisation
    • L'éducation autochtone dans votre classe
    • Démarche de reconnaissance territoriale autochtone
    • Accompagnement à la réflexion décoloniale
  • Des formations
    • Accompagnement et mentorat pour les enseignant.e.s
    • Pour les professionnel.le.s de la santé

Partie II – Archéologie collaborative

L’archéologie est une discipline née dans un contexte colonial et qui a longtemps négligé les savoirs autochtones. En cette ère de décolonisation et de réconciliation, les pratiques des archéologues évoluent et s’orientent davantage vers des projets collaboratifs visant la co-construction du savoir. Christian Gates Saint-Pierre, archéologue et professeur agréé à l’Udem, discutera comment et pourquoi décoloniser l’archéologie autochtone. Alice Germain, membre de la Première nation des PekuakamiuInuatsh, est impliquée dans sa communauté et se passionne pour la culture sous toutes ses formes. Ayant participé à plusieurs fouilles archéologiques autour des lacs Ashuapmushuan et Pekuakami (Lac Saint-Jean), elle pourra témoigner de son expérience.

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Intégré par Marie-Soleil L'Allier, le 15 août 2023 13:18
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Publication

15 août 2023

Modification

6 novembre 2023 13:26

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