La Loi sur l’aménagement et l’urbanisme a été adoptée en juin 2023, le gouvernement mène présentement des consultations publiques avant d’adopter les orientations gouvernementales en aménagement du territoire, le régime régulant l’expropriation sera revu cet automne et la Loi sur la protection du territoire et des activités agricoles est appelée à subir une cure de rajeunissement au cours des prochaines années.
La société civile fonde beaucoup d’espoir dans la refonte de ces cadres législatifs. L’adoption de ces nouvelles règles pourrait être un pas vers la transition socioécologique ou nous plomber encore plus dans la crise climatique. Afin d’exercer un virage majeur vers la sobriété foncière, l’ensemble de ces règles doivent s’arrimer, viser un même objectif et être contraignantes.
Vers la sobriété foncière
La loi sur la protection du territoire et des activités agricoles, qui au départ visait à limiter l’étalement urbain au détriment de l’agriculture, a finalement été détournée de son objectif premier, mais est aussi un outil de spéculation foncière. Le phénomène est bien connu, des promoteurs s’approprient des terres agricoles et les laissent en friches espérant un dézonage qui entraînera un profit. La Loi sur la protection du territoire et des activités agricoles et la Loi sur l’aménagement du territoire doivent limiter le périmètre d’urbanisation et agir de rempart contre l’urbanisation à outrance. Ce rempart aurait pour incidence de limiter les entrées d’argent des municipalités. Mais si on changeait de paradigme? Au lieu de juger une ville par sa vigueur économique, on pourrait opter pour une gouvernance de la satisfaction dont les critères d’évaluation seraient la compacité différenciée, la mixité sociale, la proximité, l’accessibilité et la mobilité durable. Cela amène la question: comment souhaitons-nous habiter notre territoire ?
Protection du territoire, vers un régime à deux vitesses
Depuis que la Loi sur la protection du territoire et des activités agricoles, les villes n’ont cessé de s’étendre sur les terres les plus fertiles du Québec alors que d’autres terres moins fertiles situées sur le Bouclier canadien se trouvait sacralisées, ayant pour effet de nuire au développement de certaines communautés. Pour répondre à cet enjeu, le législateur a invoqué la possibilité de mettre l’accent sur les terres détenant un meilleur potentiel agricole. Afin de régler une partie de ce dilemme, les acteurs régionaux plaident pour une gestion locale de la protection du territoire. Le sacrifice des terres de moins bonnes qualités en vaut-il vraiment la peine ? Certaines cultures emblématiques du Québec se trouvent sur ces terres.
Qu’en est-il des milieux naturels?
Plusieurs milieux naturels sont menacés par la construction d’immeubles à logements. Sous prétexte d’essayer de régler la crise du logement, on coupe les dernières forêts urbaines: un boisé situé à Pointe-au-Père, d'autres à Montréal et à Chambly ont récemment fait la manchette. La municipalité de Chambly a par ailleurs réussi à sauver son boisé, mais à quel prix ? Effectivement, le propriétaire du lot a poursuivi la ville pour expropriation déguisée. Ce ne sont pas toutes les municipalités qui ont les moyens de payer les frais rattachés à une telle poursuite. Comme quoi notre territoire ne sera jamais protégé pleinement sans une refonte en profondeur du régime d’expropriation.
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Références :
Caron, M., et Thorpe, C., (30 août 2023), Si l’aménagement du territoire est important, La Presse
Rioux, L-M,. (19 août 2023), Un Québec fou de son territoire, Le Devoir