Cette note a été corédigée par Mathilde Manon et Grégoire Autin de Parole d'excluEs.
Parole d'excluEs
La mission de Parole d’excluEs part du constat que les expériences sociales et les savoirs des personnes en situation de pauvreté et d’exclusion sont peu pris en compte lorsqu’on cherche à comprendre ces enjeux et à agir dessus.
La justice épistémique
La posture de justice épistémique s’incarne dans la reconnaissance de la crédibilité et de la pertinence des savoirs et des expériences sociales de ces personnes pour comprendre la réalité de leur vécu et lutter contre la pauvreté et l’exclusion. Ces savoirs nous apparaissent comme complémentaires aux savoirs scientifiques et pratiques (de l’intervention sociale et communautaire), la mise en dialogue de ces trois formes de savoirs contribue à un rééquilibrage de la hiérarchie entre les savoirs.
Les deux volets de l’organisme, la mobilisation et la recherche-action, contribuent à l’émergence d’une compréhension commune des besoins et aspirations citoyennes, grâce à une collectivisation des vécus individuels. Cette base commune sert ensuite de fondation à la coconstruction de solutions collectives avec et pour les résidentEs du territoire.
Une manière de travailler
Dans ce contexte, la justice épistémique n'est pas tant un idéal à atteindre qu'une manière de travailler, une posture à l'égard de la parole citoyenne qui demande d'approfondir les approches participatives. La justice épistémique est directement imbriquée dans la lutte pour plus de justice sociale. Elle s'inscrit dans une démocratisation de l'accès et de la production des connaissances, en rendant visibles des expériences sociales socialement dévalorisées. Elle vise à donner du pouvoir aux personnes concernées par les enjeux de pauvreté et d'exclusion sociale, en leur faisant une place dans le processus de production des connaissances. C'est une condition essentielle du passage à l'action pour plus de justice sociale.
La boussole de la justice épistémique
L'analyse de nos pratiques de mobilisation et de recherche-action sous l'angle de la justice épistémique a révélé le besoin de développer un outil qui puisse accompagner notre réflexivité et renforcer nos efforts pour rééquilibrer la hiérarchie entre les savoirs mobilisés au sein de l'organisme. C'est ainsi que nous sommes arrivés à la cocrétation, entre chercheurEs et praticienNEs du milieu communautaire, d'un outil de réflexivité : la boussole de la justice épistémique. Cette boussole nous permet de garder le cap de la justice épistémique en accompagnant notre réflexion sur la valorisation et la reconnaissance de la parole et des savoirs de toutes les personnes impliquéEs dans la coconstruction des projets collectifs. Elle oriente nos discussions et nous invite à questionner nos pratiques sous l'angle de l'écologie des savoirs, en soulevant les angles morts des actions en cours, en termes de justice épistémique. C'est-à-dire de s'assurer que personne n'est laissé de côté en raison de son statut social (et professionnel au sein de l'organisation), de son genre, de son appartenance ethnoculturelle ou religieuse, de sa couleur de peau, etc.
Ce processus de coconstruction en est à sa deuxième phase, qui consiste en une série de tests de la boussole et de son canevas d'animation pour produitre un guide d'utilisation qui sera diffusé en savoirs ouverts sur notre blogue.
Nous espérons que cet outil pourra être utile à d'autres milieux de pratiques et de production des connaissances, pour diffuser cette posture de justice épistémique.