2.2.4. Limites et enjeux des CdP | Mémoire sur les communautés de pratique / cadre théorique

ℹ️ Contexte 
Cette note fait partie du carnet "La communauté de pratique comme stratégie de transfert de connaissances dans le champ de l’innovation sociale", un mémoire qui propose un regard critique sur le déploiement de la démarche Passerelles 1 (2018-2022) et qui vise à identifier les conditions de succès et les facteurs à considérer pour ce type particulier de communautés de pratique (CdP).
Table des matières | Résumé | Références

Des auteur·trices et diverses organisations prêtent de nombreuses vertus aux CdP. Certain·es dépeignent presque les CdP comme une solution miracle à tous les problèmes organisationnels. Cependant, la littérature sur le sujet permet de constater que les conditions de succès à rassembler sont nombreuses, difficiles à atteindre et qu’elles exigent des efforts importants. La CdP est « un outil puissant, mais exigeant » et qui peut demander des investissements substantiels, résume le CEFRIO (2005).

Plusieurs des cas relatés n’apportent pas les résultats escomptés, malgré des efforts parfois imposants. Certain·es auteur·trices constatent par exemple une participation limitée, décevante et inconstante, ou encore elles et ils observent différentes réticences de la part des membres (Dubé, 2004 ; Laferrière, Martel et Gervais, 2006 ; Tremblay, 2006).

Wenger, McDermott et Snyder (2002) observent également que le déploiement d’une CdP est loin d’être automatique : « Many natural communities never grow beyond a network of friends because they fail to attract enough participants » (paragr. 1).

Une CdP peut également présenter certains risques. Wenger (2005) mentionne à titre d’exemple qu’une CdP peut dans certains cas devenir contre-productive, qu’elle peut alimenter des stéréotypes ou encore qu’elle peut amener un groupe à s’isoler de son environnement. Paré et Francoeur (2020) mentionnent quant à eux que les CdP « appellent à la variabilité, la complexité et l’imprévisibilité de l’action » (p. 13).

Demers et Tremblay (2020) énumèrent différentes dynamiques collectives potentiellement néfastes. Ils mentionnent par exemple la tendance à l’égalitarisme, où la croissance personnelle et la créativité peuvent être brimées au profit de normes collectives d’égalité. Une communauté peut aussi tomber dans le piège du localisme, alors que des liens de proximité se tissent en laissant peu de place aux liens externes.

Une CdP se coupe alors de possibilités d’apprentissage (Demers et Tremblay, 2020) et les membres perdent leur capacité à conserver une perspective globale sur le domaine.

Paré et Francoeur (2020) mettent en garde contre la constitution de noyaux d’individus qui pourraient devenir hermétiques au reste du groupe, une situation qui pourrait « limiter l’accès (à la CdP) et, par le fait même, restreindre l’apport de nouvelles idées » (p. 11). Dans le même ordre d’idée, des dynamiques de stratifications peuvent émerger, soit « des castes qui se divisent et empêchent le développement d’une identité des membres à l’égard de la CoP dans son intégralité » (p. 11).

Les auteurs notent également que certaines CdP peuvent se présenter comme ayant une certaine autorité morale, devenant les seules gardiennes d’un savoir, créant ainsi de la marginalisation.

Les enjeux d’inclusion sociale, propres à toute démarche d’apprentissage ou de transfert, constituent eux aussi des freins potentiels au déploiement des CdP. En raison de limitations diverses ou de mécanismes menant à l’exclusion de certains individus ou groupes, l’accès et la participation aux CdP peuvent être limités ou inéquitables. L’accès à internet ainsi que la littératie numérique sont également des facteurs potentiels d’exclusion à considérer.

Suite : 2.2.5. Conditions de succès | Mémoire sur les communautés de pratique / cadre théorique