Les défis des achats locaux institutionnels


Aux États-Unis, l’approvisionnement alimentaire des institutions par les petites fermes locales constitue, a priori, une opportunité pour les deux parties. Les institutions peuvent avoir accès à des produits frais, locaux et de bonne qualité nutritive, et les prix de ces produits, contrairement aux perceptions, ne sont pas nécessairement plus élevés. Pour les fermes, la vente aux institutions peut représenter un débouché complémentaire. Ce débouché peut être important en volume, garanti et à des coûts de commercialisation moindres ou partagés. Pour autant de nombreux défis subsistent pour les agriculteurs qui souhaitent se positionner sur ces marchés.

Les auteurs de cet article ont réalisé une série de 21 discussions de groupe dans le Sud des États-Unis avec un total de 93 producteurs de fruits et légumes diversifiés, qualifiés de « petits » (moins de 250 000 $US de ventes annuelles). Ces entrevues ont révélé divers obstacles au développement des achats institutionnels auprès de petites fermes. Plusieurs solutions ont aussi été proposées et discutées par les participants.

Les obstacles

Plusieurs obstacles récurrents sont soulevés par les participants.

  • Un prix de vente généralement moins élevé qu’en vente directe. D’une part parce que les institutions ne sont pas toujours prêtes à payer pour d’autres attributs associés aux produits locaux. D’autre part parce qu’elles ont souvent l’obligation de rechercher l’offre d’approvisionnement la moins chère. Cela favorise les grandes fermes spécialisées par rapport aux petites fermes diversifiées.
  • Des délais de paiement considérables (jusqu’à parfois plusieurs mois) difficiles à assumer par les petites fermes.
  • Des exigences en matière de conditionnement (tel type d’emballage par exemple) ou de transformation (tel type de découpe par exemple) qui demandent d’avoir accès à des infrastructures spécifiques et respectant certaines normes. La forte diversification des petites fermes rencontrées rend prohibitifs de tels investissements à l’échelle individuelle.
  • Des volumes disponibles souvent insuffisants par rapport aux attentes des acheteurs. Ces derniers souhaitent recevoir tout ce dont ils ont besoin en une livraison hebdomadaire et ne veulent pas avoir à gérer de multiples livraisons.
  • Des exigences en matière de qualité du produit (couleur, taille, forme, etc.) difficiles à satisfaire et qui ne tiennent pas assez compte du caractère saisonnier de certaines productions.
  • Des exigences en matière de sécurité sanitaire des produits. De plus en plus, les acheteurs tentent de se libérer du risque et obligent les producteurs à prendre une assurance qui les couvre par rapport à ces risques. Or une telle couverture est perçue comme trop couteuse par les fermes et n’est parfois pas offerte par les institutions financières.
  • Des exigences en matière de certification (comme par exemple la certification GLOBAL G.A.P) qui sont proportionnellement très couteuses pour les petites fermes et peu adaptées à leurs pratiques.
  • Des exigences en matière de traçabilité des aliments enfin, qui, malgré les allègements législatifs en faveur des petites fermes différenciées, demandent aux producteurs fournisseurs de mettre en place une procédure de traçabilité. Pour beaucoup de petits producteurs, l’établissement d’un tel système est couteux, tant en temps à consacrer qu’en moyens financiers.

Les solutions

Les solutions proposées requièrent pour la plupart un effort collectif ou l’intervention d’organismes tiers. Par exemple, quatre solutions sont envisagées pour régler la question de l’accès à une infrastructure de transformation : une usine de transformation communautaire (1), une unité de transformation mobile (2), la location d’une usine locale existante ou d’une cuisine certifiée dans un restaurant (3) ou l’appel à un transformateur local indépendant qui achèterait et transformerait les produits (4).

Pour les questions de volumes disponibles et les exigences relatives à la qualité des produits, la création d’une plateforme de commandes en ligne pour connecter producteurs et acheteurs est suggérée. Des termes contractuels plus flexibles pourraient aussi faire partie de la solution aux obstacles identifiés, notamment en ce qui concerne le prix ou les volumes. Mais plusieurs producteurs considèrent aussi que les contrats eux-mêmes (utilisés par la plupart des acheteurs institutionnels) font partie du problème. Une autre façon de s’adapter serait d’entrer dans ces circuits de façon modeste et graduelle avec des institutions de petite taille.

La création de coopératives, enfin, permettrait de contourner plusieurs des obstacles évoqués (infrastructures, volumes, etc.). Mais à la suite d’une mauvaise expérience, cette solution suscite beaucoup de méfiance parmi les participants à cette recherche.

Les enseignements

Les résultats de ce travail viennent confirmer diverses études antérieures relatives aux approvisionnements alimentaires des institutions et montrent encore une fois que l’uniformisation des normes et des procédures favorise les grands acteurs spécialisés, ne serait-ce que parce que ces derniers peuvent amortir leurs investissements sur de grands volumes et faire des économies d’échelle importantes lorsqu’ils doivent financer une certification ou une procédure de traçabilité. La promotion des circuits de proximité dans les achats institutionnels, nécessite à la fois une adaptation de ces exigences et des innovations organisationnelles par les producteurs, permettant d’imaginer des solutions collectives et de mutualiser certains couts. En fournissant appui, conseils et informations, le gouvernement, les universités et les ONG pourraient accompagner ces solutions de plusieurs façons.

pdf N°5, fiche n°1 - juin 2019 - juillet 2019

Fiche n°1, Bulletin n°5 – juin 2019 – juillet 2019
Rédaction : Stevens Azima & Patrick Mundler

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Intégré par Anne-Sophie Thomas, le 5 novembre 2023 18:43
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Financement, Fiche

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Publication

1 juin 2019

Modification

6 novembre 2023 09:02

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