Promotion de l’achat local en milieu rural : où et comment rencontrer les consommateurs ?


Aux États-Unis, la demande pour les produits alimentaires locaux est principalement tirée par le marché urbain, ce qui amène de nombreux producteurs à rechercher des débouchés dans des villes parfois éloignées. Moins sensibles aux discours idéologiques portés par le « locavorisme », les ruraux se caractérisent par un modèle de consommation à la fois marchand, mais privilégiant le prix et l'accessibilité physique, et non marchand reposant sur la production domestique et les échanges au sein de la famille ou du voisinage. Cette consommation traditionnelle n’est pas très favorable à la commercialisation directe de produits locaux. Par exemple, l’effet rassembleur de structures comme les marchés fermiers est limité dans ces espaces éloignés et peu denses. Cependant, des stratégies misant sur les structures sociales locales peuvent être utilisées pour établir le premier contact avec des clients potentiels.

Concepts et méthode

Cet article s’appuie sur le concept de proximité pour présenter le développement d’un marché de produits locaux en zone rurale reculée comme une trajectoire. D’un point de vue théorique, la proximité est un concept à la fois relationnel et spatial. Elle concerne ce qui éloigne ou rapproche des individus ou des collectifs. Elle n’est pas seulement physique, mais aussi culturelle, cognitive, sociale. Elle permet d’analyser les dynamiques de coordination entre les acteurs situés dans un espace donné et la nature de ce qui les influence.

Selon les auteurs, pour répondre aux spécificités des espaces ruraux, les producteurs doivent d’abord établir une proximité géographique temporaire avec les consommateurs en investissant des espaces qui leur sont familiers (églises, lieux de travail, centres communautaires ou de santé). Cette proximité d’abord géographique, peut ensuite évoluer vers une proximité relationnelle (développement de relations interpersonnelles) ou cognitive (connaissances partagées des lieux d’approvisionnement en produits locaux). Une fois la confiance établie, il sera alors même possible de se passer des interactions directes pour stabiliser les approvisionnements et les organiser à distance. Dans cette dernière étape, l’influence des valeurs partagées est importante (ce que les auteurs appellent la proximité institutionnelle).

Résultats

L’intérêt pour les produits locaux comme processus

Les auteurs positionnent l’intérêt des consommateurs pour les produits locaux le long d’un continuum de quatre niveaux de proximité (proche, croissant, décroissant et minimal). On retiendra ici que les consommateurs ne sont pas au même stade de développement de leur intérêt pour les produits locaux. Ils se distinguent le long de ce continuum selon leur connaissance de la distribution et du contenu de l’offre locale, de leur sensibilité aux dimensions idéologiques de la consommation locale (soutien aux producteurs locaux, recherche de produits écologiques et d’autres attributs de qualité) et du rôle que jouent leurs réseaux de relations dans leur choix d’acheter local. Il est intéressant de souligner la rupture culturelle qui semble exister entre certains ruraux qui regrettent le temps où ils pouvaient s’approvisionner auprès de la ferme voisine, sans avoir conscience que d’autres producteurs sont arrivés et proposent des produits locaux. Pour ceux-là, leur consommation de produits locaux est décroissante. Quant aux moins intéressés, ils se caractérisent par la place prise par l’autoproduction, les échanges non-marchands, voire la chasse. Et la présence d’un « Walmart » à proximité est vue comme un élément de l’autosuffisance.

Stratégies pour développer et cultiver l’intérêt des consommateurs ruraux

Les résultats indiquent que les premiers contacts avec l’offre locale ont souvent lieu dans des espaces traditionnels de rencontre (église, lieu de travail, centres de santé, etc.). Il peut s’agir par exemple d’un abonnement à un système de paniers qui leur est présenté dans ces espaces. A côté de cette voie pour promouvoir les produits locaux, les voies classiques rencontrent moins de succès. Ainsi, les participants affichent un faible intérêt pour les dépliants et les affiches et les marchés fermiers sont peu fréquentés. Au contraire, les auteurs notent une réticence à établir le premier contact avec un producteur local inconnu dans un cadre non familier. En revanche, lorsque l’offre est présentée dans un cadre social déjà familier (ce que les auteurs appellent une « microculture »), la réceptivité des consommateurs augmente, même chez les consommateurs affichant un faible intérêt pour les produits locaux. Une fois ce premier contact établi, la confiance peut s’installer et la relation commerciale évoluer jusqu’à s’affranchir des interactions en face-à-face.

Les enseignements

Cet article semble remettre au goût du jour certaines particularités des communautés rurales, en particulier les caractéristiques de ce que le sociologue H. Mendras appelait « la société d’interconnaissance ». Pour toucher leurs voisins consommateurs, les agriculteurs en circuits courts doivent saisir leur caractère souvent plus conservateur vis-à-vis de ce qu’ils perçoivent comme des modes urbaines. Leur confiance se gagne par des relations directes, qui ne peuvent s’établir qu’en allant à leur rencontre dans des lieux familiers, et non en misant sur les outils traditionnels du marketing. L’apport théorique de l’article concerne le processus par lequel les diverses proximités s’enchaînent : proximité géographique d’abord, pour créer les conditions d’une proximité relationnelle qui s’exprimera ensuite par de la confiance, des représentations communes et des valeurs partagées.

pdf N°8, fiche n°1 - décembre 2019 - janvier 2020

Fiche n°1, Bulletin n°8 – décembre 2019 – janvier 2020
Rédaction : Stevens Azima & Patrick Mundler

Ce bulletin vous est offert avec le soutien du Partenariat canadien pour l’agriculture.

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Intégré par Anne-Sophie Thomas, le 27 octobre 2023 11:08
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Publication

1 décembre 2019

Modification

13 novembre 2023 13:36

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