Les déterminants du degré d’approvisionnement alimentaire en circuits courts

Les bénéfices associés aux circuits courts, même controversés, en matière de durabilité environnementale, sociale ou économique continuent d’entretenir les espoirs placés dans leur potentiel de contribution à une alimentation durable. Mais selon les auteurs de cet article, ce qui alimente leur succès commercial, c’est surtout l’émergence d’une demande croissante pour le type de produits offerts dans ces circuits. Malheureusement, soulignent-ils, on manque fortement de données concernant leurs parts de marché, leur chiffre d’affaire et leur contribution à l’approvisionnement alimentaire de la population.

Les chaines alimentaires conventionnelles continuent manifestement à fournir l’essentiel de l’alimentation et les circuits courts peinent encore à devenir une source importante d’approvisionnement des consommateurs, qui les voient (et les traitent) le plus souvent comme un modeste complément aux circuits conventionnels. Les consommateurs en circuits courts sont confrontés à ce que les auteurs appellent un « dilemme des quantités », soit le choix du volume de nourriture qu'ils veulent acquérir dans ces circuits. Or, selon les auteurs de cet article, les circuits courts ne pourront pas sortir de la marginalité tant que les consommateurs ne leur consacreront pas une part plus conséquente de leur budget de dépenses alimentaires.

L’étude présentée ici a été menée en Italie auprès de 1173 consommateurs s’approvisionnant en circuits courts et leur consacrant en moyenne 44% de leurs dépenses alimentaires. La recherche visait à identifier, à partir d’un modèle statistique, les facteurs qui expliquent la part des dépenses alimentaires consacrée à l’achat en circuits courts. Les résultats indiquent un effet positif des motivations personnelles, du type de circuits courts (système de paniers ou non), du type de produits, de l’ancienneté dans le réseau, mais un effet négatif des dépenses alimentaires totales sur l’achat en circuits courts : plus les ménages ont un budget élevé consacré aux dépenses alimentaires, moins ils achètent en proportion dans les circuits courts.

Du panier d’épicerie au panier de proximité

Acheter en circuits courts est une chose, y effectuer une part conséquente de ses dépenses alimentaires en est une autre. Plusieurs variables peuvent expliquent ces différences dans le comportement d’achat en circuits courts, selon cette étude.

Motivations. Les consommateurs qui achètent le plus en circuits courts, en proportion de leurs dépenses alimentaires totales, sont ceux qui sont préoccupés par les questions environnementales ou, secondairement, ceux qui recherchent des produits de qualité. Plus ces préoccupations sont fortes chez un consommateur, plus les chances sont élevées de le retrouver dans le groupe de ceux qui dépensent le plus en circuits courts, toutes proportions gardées.

Dépenses. Les dépenses alimentaires des ménages de l’enquête se montent en moyenne à 100 euros par semaine. L’analyse montre que la valeur des dépenses alimentaires totales du ménage peut aider à prédire le poids de la consommation en circuits courts. Plus les dépenses alimentaires des ménages sont élevées, moins ils sont susceptibles de faire des circuits courts une source d’approvisionnement majeure de leur panier alimentaire. Une explication possible de cette relation négative est que les grandes familles pourraient privilégier les circuits courts pour les produits de spécialité, préférant sinon recourir aux canaux conventionnels et simplifiant ainsi la planification de leurs repas.

Produits. Le type de produits achetés influence le poids des achats alimentaires de proximité dans les dépenses alimentaires totales. La consommation de produits animaux et la consommation de fruits et légumes vont de pair avec une plus forte contribution des circuits courts comme source d’approvisionnement alimentaire.

Canaux. Le type de circuits courts qui favorise le plus l’adoption des circuits courts comme principale source d’approvisionnement alimentaire est l’abonnement à un système de paniers hebdomadaires. Le système de paniers, qui représente une innovation finalement assez récente dans le paysage des circuits courts, en fournissant un panier diversifié au consommateur sur une base régulière, a le potentiel de rediriger les achats alimentaires des consommateurs impliqués vers les circuits courts.

Relations. Les interactions directes entre producteurs et consommateurs permises par les circuits courts sont souvent présentées comme une source importante de bénéfices sociaux caractéristiques des circuits courts. L’enquête révèle que les consommateurs ainsi fidélisés sont aussi les plus susceptibles de consacrer une part importante de leur budget alimentaire aux circuits courts.

Les enseignements

La fidélisation des consommateurs en circuits courts reste un défi pour les producteurs. On sait par exemple qu’en moyenne, les agriculteurs fonctionnant avec un système de paniers doivent renouveler un cinquième de leurs clients chaque année. Cet article redécouvre de façon constructive un ensemble de résultats souvent déjà connus sur la participation des consommateurs aux circuits courts. Ici, la participation potentielle n’est pas seulement binaire « participe, ne participe pas ». Elle repose sur un continuum de valeurs pouvant expliquer diverses proportions de dépenses alimentaires en circuits courts. Les motivations principales des consommateurs concernent la qualité des produits, leur valeur environnementale, la relation directe avec les producteurs. Dans le contexte italien, les valeurs de loyauté et de communauté apparaissent comme des valeurs clés expliquant la proportion d’achats alimentaires dans les circuits de proximité.

pdf N°11, fiche n°3 - juin 2020 - juillet 2020

Fiche n°3, Bulletin n°11 – juin 2020 – juillet 2020
Rédaction : Stevens Azima & Patrick Mundler

Ce bulletin vous est offert avec le soutien du Partenariat canadien pour l’agriculture.