Agriculture américaine : le défi de l'égalité des sexes

La contribution des femmes en agriculture gagne en visibilité, bien que l'égalité des sexes progresse lentement dans ce secteur. Des recherches régionales aux États-Unis ont étudié l’émergence d’un projet féministe de transformation du système alimentaire axé sur six stratégies adoptées par les agricultrices : 1) renforcer l'égalité des sexes, 2) affirmer leur identité, 3) obtenir un meilleur accès aux ressources, 4) développer des systèmes agroalimentaires innovants, 5) négocier les rôles au sein des organisations agricoles, et 6) créer des organisations agricoles centrées sur les femmes. Cette tendance est-elle généralisée ? Une recherche basée sur le recensement agricole de 2017 aux États-Unis a examiné, à l’échelle nationale, les cinq premières dimensions de cette approche en comparant les fermes biologiques, les fermes à valeur-ajoutée (circuits courts, transformation à la ferme) et celles ne rentrant dans aucune de ces catégories, considérées comme conventionnelles.

Les résultats mettent en évidence des aspects encourageants tout en soulignant plusieurs inégalités. Les femmes sont plus présentes en agriculture biologique et à valeur ajoutée, représentant respectivement 39% et 44% des exploitants, contre 36% en agriculture conventionnelle. Dans l'agriculture à valeur ajoutée, les femmes décisionnaires sont plus souvent reconnues comme cheffes d'exploitation, contrairement aux fermes conventionnelles et biologiques. Les fermes conventionnelles dirigées par des femmes ont 18% de chances supplémentaires d'adopter la vente directe au consommateur.

Toutefois, des obstacles structurels demeurent, quel que soit le type de ferme étudié. Les hommes profitent généralement d'un meilleur accès aux ressources, gèrent des superficies plus importantes, reçoivent davantage de paiements fédéraux, à l'exception des pratiques de conservation (même s’ils sont plus susceptibles d’en bénéficier que les femmes), et possèdent des équipements de valeur supérieure. En ce qui concerne les organisations agricoles, elles profitent surtout aux fermes dirigées par des hommes, sauf pour certains paiements liés à la conservation. Ainsi, en dépit des avancées dans la représentation des femmes en agriculture et de l’affirmation de leur identité d'agricultrice (surtout dans les systèmes alternatifs), les résultats mettent en lumière les défis à relever pour améliorer leur place dans le développement de systèmes innovants, ainsi que pour faciliter leur accès aux ressources et aux services des organisations agricoles.

Les enseignements

Malgré ses limites, cette recherche montre que des inégalités structurelles continuent de désavantager les femmes qui s’établissent en agriculture. Même si leur visibilité s’est améliorée et même si les discriminations envers les agricultrices au sein des institutions semblent appartenir au passé, les obstacles structurels et les stéréotypes sociaux demeurent. L’agriculture à valeur ajoutée (qui correspond dans l’ensemble aux fermes en circuits courts) s’en tire un peu mieux de ce point de vue, ce qui confirme de nombreux travaux ayant mis en évidence la place que les agricultrices occupent dans les fermes de proximité, y compris au Canada. Le fait que seuls les paiements fédéraux destinés à la conservation ne montrent pas de différence entre les hommes et les femmes suggère une sensibilité plus élevée des femmes pour ces enjeux.

pdf N°25, fiche n°4 – janvier 2023 – mars 2023

Fiche n°4, Bulletin n°25 – janvier – mars 2023
Rédaction : Stevens Azima & Patrick Mundler

Cette veille bibliographique vous est offerte par le groupe de recherche Agriculture, territoires et développement de l’Université Laval avec le soutien du ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec.

À retenir