Quelle place pour les produits locaux dans l’approvisionnement alimentaire des établissements d’enseignement supérieur ?

A partir des années 1990, les établissements d’enseignement supérieur aux États-Unis, plutôt que de s’occuper eux-mêmes de l’offre de services alimentaires aux étudiants, ont commencé à déléguer cette responsabilité à des prestataires de services alimentaires. Ce virage s’est fait dans un souci d’efficacité et de réduction des coûts grâce au travail spécialisé de ces prestataires. Quelques prestataires de taille mondiale se sont spécialisés dans la fourniture des restaurants institutionnels. Aux États-Unis, le marché est dominé par trois grandes entreprises (Aramark, CompassGroup et Sodexo) qui détiennent à elles seules près de la moitié du marché. À noter que ce sont les mêmes trois prestataires qui dominent actuellement le marché canadien dits des « traiteurs à forfait ».

Dans un second temps, des acteurs de petite taille et plus artisanaux ont émergé et se sont différenciés avec une promesse de produits totalement frais (sans utilisation d’ingrédients préparés) et, dans une certaine mesure, locaux. Certains de ces nouveaux prestataires s’engageant même à s’approvisionner directement dans les fermes à proximité. Cette offre s’est développée grâce à la sensibilité croissante d’une nouvelle génération d’étudiants plus soucieux de la qualité de son alimentation, d’autant que la « bouffe » universitaire était peu appréciée.

Les auteurs ont donc voulu comprendre dans quelle mesure ces tendances pouvaient faciliter une meilleure présence de produits locaux dans l’alimentation des étudiants et ainsi stimuler le marché de ces produits. Ils ont interrogé différents représentants à la fois dans les établissements (huit établissements au total) et chez les fournisseurs de services affiliés qui affichent un certain intérêt pour les produits locaux. Les résultats appuient l’idée que le potentiel de débouchés pour les produits locaux est bien réel, surtout quand l’établissement s’implique vraiment pour préciser ses attentes et soutenir la démarche.

Les maitres mots : flexibilité, confiance et contrôle

Trois caractéristiques de la relation entre institutions d’enseignement supérieur et prestataires d’aliments frais entretiennent la promesse que ce circuit de commercialisation pourrait stimuler l’approvisionnement des campus et résidences étudiantes en produits frais et locaux :

  • la flexibilité dont font preuve les prestataires qui misent sur les produits frais. Ces derniers sont notamment prêts à offrir des menus diversifiés, variés, presque sur mesure, à la communauté étudiante;
  • la confiance entre les contractants, dans la mesure où les universités ne peuvent pas toujours vérifier les allégations du prestataire quant à l’origine des produits. Cette confiance transparait dans la négociation des contrats puisque toutes les attentes et aspirations mutuelles en matière de fraicheur des produits utilisés ne sont pas toujours formellement incluses dans le contrat;
  • l’implication des gestionnaires et des responsables des achats dans la relation avec le prestataire, qui assure une meilleure intégration de produits locaux dans l’offre des fournisseurs. En effet, ce que ces relations « à succès » (mesurées par la présence d’environ 35% de produits locaux) ont en commun, c’est la forte implication des acheteurs de l’établissement d’enseignement dans la définition de ce qu’ils entendent par local, de leurs attentes ou de celles de leurs étudiants. En revanche, lorsque l’approvisionnement en produits locaux n’est pas un objectif clairement affiché par l’établissement, le taux de présence de produits locaux descend rapidement (autour de 20%). Le choix du fournisseur de produits frais ressemble alors à un choix passif, par défaut.

Dans l’ensemble, les prestataires corporatifs conventionnels sont ceux qui affichent les plus faibles pourcentages d’approvisionnement en produits locaux. Organisée principalement autour de la réduction des coûts, leur approche est moins flexible et ils sont moins susceptibles d’innover pour tenter de satisfaire les attentes variées de la clientèle étudiante. Toutefois, les auteurs soulignent que ces fournisseurs s’approprient de plus en plus le discours sur la fraicheur et les produits locaux, ce qui risque d’accroître la concurrence. Quant aux autres prestataires, leur nombre augmente et la compétition entre eux aussi. Ils sont de plus en plus amenés à tous offrir les mêmes options et la fraicheur tend de moins en moins à être un facteur de démarcation. Seul l’approvisionnement local semble avoir un potentiel de différenciation encore peu exploité, à condition que les établissements d’enseignement supérieur s’investissent activement pour le soutenir, car rien ne prédispose un fournisseur de produits frais à s’approvisionner localement.

Les enseignements

Cet article aborde la question de savoir comment stimuler des ventes de produits alimentaires locaux via des achats institutionnels. Si cet article présente le cas particulier des institutions universitaires qui contractualisent avec un intermédiaire capable de commercialiser des produits frais et locaux, il soulève plus largement le rôle fondamental que peuvent jouer – dans les institutions - les gestionnaires et les responsables des achats dans le succès et la pérennité d’un approvisionnement plus local. Du fait de leurs valeurs sociales (le but premier n’est pas le profit), l’auteur pense que les établissements d’enseignement sont une voie privilégiée pour développer les achats institutionnels de produits locaux et apprendre à maîtriser les divers obstacles qui freinent le déploiement à plus grande échelle de ce type d’approvisionnement. Pour les groupes de producteurs visant le développement de ce type de débouchés, cet article vient rappeler l’importance des relations de confiance et de proximité entre prestataires et acheteurs permettant à chacun des contractants de mieux comprendre les contraintes bien réelles rencontrées par ses partenaires. Une réflexion qui tombe à point au moment où le ministre de l'Agriculture du Québec présente sa Stratégie nationale d'achat d'aliments québécois.

pdf N°12, fiche n°1 - août 2020 - septembre 2020

Fiche n°1, Bulletin n°12 – août 2020 – septembre 2020
Rédaction : Stevens Azima & Patrick Mundler

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Intégré par Anne-Sophie Thomas, le 23 octobre 2023 17:20
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Environnement, Fiche

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Publication

1 août 2020

Modification

10 novembre 2023 11:06

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