Équité territoriale - Vers les Chantiers nationaux en développement des communautés

Faits saillants des États généraux en développement des communautés. Du Tour d'Horizon au Rendez-vous national: en route vers les Chantiers.

Par Opération veille et soutien stratégique 
et le Collectif des partenaires en développement des communautés

L’équité est un élément transversal, au cœur du développement des communautés. Cette notion concerne le partage des ressources financières, matérielles et politiques entre les communautés, les paliers, les acteurs et les populations d’un territoire local, régional ou de l’ensemble Québec en tenant compte des besoins particuliers et des réalités différenciées de tout un chacun.

La conversation sur l’équité n’est pas une mince affaire puisqu’elle juxtapose l’idée que chaque communauté devrait avoir les mêmes leviers pour mener les actions et les changements qu'elle juge nécessaires pour ses populations, à l’idée que chaque communauté n’a pas les mêmes besoins auxquels répondre ni les mêmes capacités à mener de tels changements.

Dans les démarches territoriales du Tour d’horizon qui en parlent, tout le monde semble en faveur d’un meilleur partage des ressources entre les municipalités d’une MRC, entre les quartiers d’une ville, entre les MRC d’une région, entre les régions de la province, etc. Dans le concret de la redistribution des ressources, la question s’avère complexe et multidimensionnelle. Comment, en effet, matérialiser une redistribution équitable des ressources entre les territoires et leurs multiples paliers, entre les démarches territoriales et leurs acteurs et entre les différentes populations d’une communauté ? D’ailleurs, lors du Tour d’horizon, aucune démarche territoriale n’a fourni d’exemple concret de calcul et de redistribution des ressources en fonction de l’équité entre les partenaires et les populations impliqués dans une instance de concertation.

Les critères de l'équité

La question se pose alors sur les critères à considérer dans le calcul de l’équité dans une optique d’une redistribution juste des ressources publiques en provenance des programmes nationaux aux échelles régionales et locales. Plusieurs différences peuvent avoir un poids prépondérant dans la considération des capacités et des besoins différenciés en matière de développement des communautés. Voici une liste non exhaustive de différences significatives, avec des exemples concrets d’indicateurs pouvant servir de critères d’équité, qui découle de conversations observées dans le cadre du Tour d’horizon :

  • Différences organisationnelles :
    instance de concertation expérimentée, instance de concertation inexistante ou sans coordination, conflits internes entre les acteurs clés du territoire, capacités à la concertation multipartite et intersectorielle, présence de ressources humaines mobilisées avec expertises en développement des communautés, centralisation des services et des financements dans les villes-centres, etc.
  • Différences territoriales et géographiques :
    grandeur et échelle des territoires, densité populationnelle, distance entre les agglomérations et niveau de dispersion de la population totale, distance par rapport aux villes-centres, cohérence du découpage territorial, territoires urbains ou ruraux, alliances avec les Premiers Peuples, etc.
  • Différences culturelles :
    milieux culturels, diversité ethnoculturelle et linguistique, communautés culturelles, etc.
  • Différences socioéconomiques :
    indices de favorisation et défavorisation, indices de pauvreté sociale ou économique, secteurs d’économie présents et vitalité économique, disparités dans le financement du développement des communautés, etc.
  • Différences politiques :
    représentation et participation de la société civile, instance de concertation orientée vers le maillage, instance de concertation orientée vers la transformation sociale, pertes de politiques publiques rurales, capacité d'un groupe de nommer ses besoins, etc.
  • Différences au niveau des finalités jugées urgentes ou prioritaires :
    transition socioécologique, lutte à la pauvreté, amélioration des conditions de vie, transport collectif, aménagement du territoire, système municipal de bacs de compostages, etc.

L’équité et les paliers : qui devrait déterminer les critères de l’équité ?

Est-ce que ces critères devraient être déterminés à l’échelle nationale puis descendus dans les territoires ou devraient-ils plutôt l’être au palier local/régional ? Le régional a-t-il la capacité de prioriser l’écoute des besoins concrets des instances locales, d'arriver à des accords régionaux communs qui tiennent compte de la grande disparité entre les territoires tout en exigeant une équité du gouvernement ? Quelques discussions dans le cadre du Tour d’horizon ont posé la question : à qui revient le pouvoir ou la légitimité de déterminer les critères de redistribution des fonds publics ? Quel est le poids de chacun de ces critères dans l’équation du développement des communautés ? Le tout avec la volonté de permettre aux communautés et aux démarches territoriales locales de déterminer elles-mêmes les finalités et les changements jugés nécessaires, donc les ressources nécessaires pour y arriver.

Est-ce que ces éléments devraient être balisés à l’échelle nationale ? Dans tel cas, les critères seraient les mêmes partout au Québec dans un souci d’universalité, avec des formules mur-à-mur pour déterminer comment redistribuer les fonds en provenance d’un ministère ou d’un autre. Les régions ou les territoires locaux n’auraient qu’à recevoir l’argent ou, si on leur accorde plus de poids dans la question de l’équité, ils n’auraient qu’à faire les calculs selon des formules d’équité prédéterminées et veiller à la redistribution des ressources à travers leurs propres territoires dans un souci de développement des communautés. Si la réponse est non, ceci implique qu’il serait plus juste et équitable de permettre et d’accompagner les territoires locaux et régionaux à déterminer eux-mêmes les critères utilisés pour redistribuer de manière différenciée et juste les fonds publics nationaux, par exemple, en tenant compte des besoins et des capacités diversifiés des communautés et des populations au sein de leurs territoires. Serait-ce plus équitable ? Cela permettrait-il aux territoires régionaux ou locaux de déterminer et utiliser les critères qui ont davantage de poids de favorisation ou défavorisation dans leurs contextes particuliers ?

Des sources d’iniquité

Dans le cadre du Tour d’horizon, il a été expliqué comment certaines réalités peuvent être favorables dans certains territoires ou contextes et défavorables, dans d’autres. Par exemple, la proximité d’une ville-centre est un facteur parfois favorable (proximité des services et des lieux de pouvoirs centraux) et parfois défavorable (la ville-centre capture toute l’attention par ses événements). Ou autre exemple parmi tant d’autres, dans certains quartiers d’une ville métropolitaine, la pauvreté rime avec densité démographique et dans d’autres, non.

Le désinvestissement public à l’échelle régionale depuis 2015 s’est vu remplacé par l’arrivée de bailleurs de fonds philanthropiques qui injectent de nouvelles ressources locales et régionales dans des perspectives de développement des communautés. Ces bailleurs de fonds viennent remplir des vides, mais ceci crée quand même de l’iniquité et des disparités en matière de développement des communautés à travers le Québec. Ceci peut s’accentuer par le fait que les territoires mobilisés et organisés sont plus prompts à effectuer de nouvelles demandes de financement que les territoires moins mobilisés par exemple.

La conversation de l’équité est souvent accompagnée de la peur de perdre des acquis au profit d’autres partenaires, communautés ou territoires jugés plus prioritaires ou dans le besoin. D’autant plus que la conception d’être dans le besoin varie selon les indicateurs retenus. Par exemple, une démarche hyper organisée qui mobilise énormément de partenaires peut avoir la charge salariale d’une équipe complète à porter afin de mener à terme tous les projets planifiés. Une autre démarche qui vient de naître peut considérer que son besoin financier est plus criant puisque rien n’existe et tout est à faire. Est-ce que tout de l’équité est question de perspectives ?

La peur de perdre des acquis dans une nouvelle redistribution équitable des ressources disponibles tend à reproduire le statu quo au profit des acteurs qui en profitent davantage, et au détriment des acteurs, territoires ou segments de populations qui sont moins forts en matière des capacités collectives d’agir, de s’auto-déterminer ou de réclamer un accès direct aux ressources structurantes ou à davantage de ressources.

L'expertise nécessaire

L’opérationnalisation de l’équité demande la présence de ressources humaines qui connaissent les fonds et leviers disponibles dans les secteurs public et philanthropique et aux différents paliers, d’une part, et les besoins différenciés des communautés et des territoires, d’autre part, pour ensuite faire une redistribution équitable des ressources. Comment assurer l’équité dans un contexte de grand roulement de personnel avec tout ce que cela implique en tant que perte de continuité de services et pertes de savoirs ou d’expertises ? Comment assurer l’équité à l’échelle nationale quand il y a disparité et iniquité de la présence de telles ressources à travers le territoire québécois ?

Financement de base universel et financement équitable par projets

Durant le Tour d’horizon, certaines démarches territoriales se sont demandé si le financement de base des démarches territoriales intersectorielles et concertées pouvait être suffisamment élevé pour en assurer le fonctionnement et que des financements additionnels, par projets, viendraient s’y ajouter afin de permettre aux communautés de répondre à des enjeux spécifiques qu’elles jugent prioritaires. Ceci permettrait de rompre avec une trop grande homogénéisation dans l’octroi du financement tout en contrant le sous-financement. Cela permettrait également de recourir à des critères précis pour déterminer des financements différenciés. Ces financements différenciés pourraient-ils être octroyés en fonction de critères sociodémographiques associés à une veille sur les territoires, plutôt qu’en fonction de reddition de comptes ou d’une distribution proportionnelle à la taille de la population ?

En raison de sa complexité, la question de l'équité territoriale demande des réponses et pistes de solutions en provenance de l'ensemble des acteurs et partenaires concernées par les enjeux du développement des communautés.

Fiche thématique produite en octobre 2022 par l’OVSS et le Collectif à la suite du Tour d’horizon des États généraux en développement des communautés, puis mise à jour en juin 2023 afin d’inclure les analyses et les discussions issues du Rendez-vous national des États généraux. Fiche produite par Maria Anastasaki et Pierre-Élie Hupé, avec l’aide de Yasmina Britel, Nadia Cardin et Gabrielle Simard. SOURCE

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Intégré par Léna Garreau, le 12 septembre 2024 17:36
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Intégré par Joël Nadeau, le 7 juin 2023 15:51
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Développement social, communautaire et territorial, Réfléchir
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Chantier Équité territoriale
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Intégré par Joël Nadeau, le 7 juin 2023 15:49

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Publication

7 juin 2023

Modification

8 août 2023 09:58

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Pour citer cette note

Maria Anastasaki, Yasmina Britel, Pierre-élie Hupé. (2023). Équité territoriale - Vers les Chantiers nationaux en développement des communautés. Praxis (consulté le 15 octobre 2024), https://praxis.encommun.io/n/LQNWrdGAlVqQo0k4HcTncmUcNYY/.

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