Analyse du titre de la note sur le dynamisme

« Le dynamisme lié au numérique requiert notre attention »

Analysons la proposition formant le titre de cette note : que nous dit-elle ?

Nous l'avons dit d'entrée de jeu, «le dynamisme requiert notre attention», car il ne comporte pas que du bon. Ce qui veut dire aussi qu'il en contient...

C'est d'ailleurs un peu cela que nous disons avec le premier sens : c'est un sujet important et il ne faudrait pas s'arrêter à une analyse des procédés de communications utilisés par les influenceurs pour générer des tendances ou aux effets des campagnes de crossposting sur les modes vestimentaires ou avatariennes...

« le dynamisme lié au numérique » constitue le sujet de la proposition

Parler d'un dynamisme lié au numérique, c'est dire qu'il y a une particularité à celui-ci. Mais cela signifie aussi qu'il y avait du dynamisme avant le numérique. Et si nous ne disons pas «dynamisme numérique» c'est parce que - si dynamisme sain il y a - il n'est pas uniquement numérique. Il est lié au numérique d'abord parce qu'il co-existe avec lui et d'après ce que nous sommes en train d'affirmer ici, il le définit en bonne partie. Alors on peut estimer que quelque chose du dynamisme qui pré-existait demeure dans le dynamisme lié au numérique. Mais que quelque chose de propre au numérique est en quelque sorte transféré dans le dynamisme qui lui co-existe.

« notre attention » est le complément direct du verbe

Notre attention est une expression très importante. D'après ce que nous venons d'exprimer en évoquant les essais d'Yves Citton, nos attentions individuelles sont l'objet d'une grande convoitise. Du point de vue de l'économie de marché, on peut donc dire que notre attention est en très forte demande. Et comme on tient compte du fait que nos capacités attentionnelles sont limitées.
Comme le résume Jean-Gabriel Gagnascia, à propos de l'ouvrage collectif (L’Économie de l’attention. Nouvel horizon du capitalisme ?), «[l]e principe repose sur le caractère limité des ressources cognitives individuelles qui fait que la somme des attentions portées à une chose réduit d’autant celle que l’on porte aux autres. Comme, avec le numérique, la duplication et la circulation des œuvres de l’esprit se fait à coût nul, les sollicitations incessantes qui en découlent donnent une actualité vive à ces problèmes. »
Jean-Gabriel Ganascia, «L'écologie de l'attention, une alternative à la sollicitation», in L'Observatoire, 2014/2 (no 45), pp. 87-88. [En ligne] https://www.cairn.info/revue-l-observatoire-2014-2-page-87.htm 

« requiert » est le verbe

Le fait que le dynamisme requière quelque chose peut être interprété de deux façons : soit qu'il est assez fort pour être capable de l'exiger ou de le demander avec autorité, soit qu'il est en situation de besoin, risquant de manquer de l'attention requise pour «survivre» si on peut dire, de sorte qu'il demande que nous lui en accordions.
Les deux interprétations sont valides ici : oui, le dynamisme est une propriété du numérique qui est assez puissante pour nous contraindre en quelque sorte à y accorder de l'importance, même si notre faculté à nous auto-aveugler et à nous concentrer sur les effets de surface pourrait conduire à un échec de ce côté-là. Et oui, si nous ne faisons pas attention à ce que signifie réellement le dynamisme lié au numérique, sa signification risque d'être perdue au profit de celle qui est plus superficielle, mais à laquelle on pense peut-être plus spontanément en entendant le terme, car elle correspond sans doute avec ce qui frappe davantage notre imagination.
Mais je dirais que ce que «requiert» exprime ici, c'est surtout une injonction éthique ne venant pas du dynamisme lui-même. Car comme la vie sur Terre, il se poursuivra même si nous ne parvenons pas à nous adapter au changement du climat attentionnel. Mais c'est directement ce que l'auteur de l'article exprime comme point de vue en s'appuyant ici sur celui d'Yves Citton, qui n'est pas seul à s'intéresser à cet enjeu.

La précision «lié au numérique » demande à être analysée. Sait-on davantage ce qu'est le numérique ?

Comme nous le disions, il y a une difficulté à choisir la bonne façon d'unir les termes «dynamisme» et «numérique» puisque le premier sert à définir le second et que nous n'avons pas une idée très définie de ce qu'est le second justement. Mais comme nous avons déjà identifié deux autres propriétés (la complexité et le fait d'être systémique) que nous considérons comme neutres, nous pouvons nous risquer à affirmer que la  troisième propriété est une propriété qui se rapporte à ce qu'on commence ainsi à mieux comprendre et qu'on appelle numérique.
Et vu notre note d'introduction concernant le fait que le numérique est d'abord et avant tout une culture, nous fermons la boucle en liant ainsi attention et écologie puisque dans les deux cas ce sont des environnements qui se construisent en partie par des gestes d'appréciation qui passent par l'exercice (plus ou moins avisé) de notre attention.

« notre attention est requise » De quel type d'attention s'agit-il ? À quelle fin ? Notre attention n'est-elle pas déjà trop sollicitée ?

L'attention a une histoire, comme le montre l'ouvrage collectif dirigé par Yves Citton. 

« Il remonte aux travaux anciens de psychologie économique de Gabriel Tarde, avec en particulier son gloriomètre, puis, aux études plus récentes de Herbert Simon vu comme le père de l’économie de l’attention et de Daniel Kahneman. Il passe ensuite aux travaux poursuivis dans le courant des années 1990 par Georg Franck et dans les années 2000 par John Beck et Thomas Davenport pour exposer les principes sur lesquels repose l’économie de l’attention.»  (Jean-Gabriel Ganascia, op. cit

Les deux sens de «requiert notre attention»  

Les deux premiers sens de la fin du titre 

Les deux premiers sens derrière «requiert notre attention» seraient :

1. C'est un sujet dont il est nécessaire d'effectuer l'analyse 

Il est important de nous intéresser à ce que signifie le dynamisme numérique car ce n'est pas uniquement une vogue ou un vibe ou un trend qui serait boostée à l'innovation techno-scientifique. 

C'est une forme d'embrayage de la civilisation vers un monde où la capacité de calcul des ordinateurs combinée à l'interconnexion des objets individuels qui peuvent ainsi communiquer entre eux et échanger des données fait en sorte que les ajustements aux données peuvent être extrêmement sensibles, et l'analyse en partie automatisée des situations pourra se faire avec un très haut degré de ganularité, de sorte que - si le passage à l'échelle continue de poser des problèmes au plan de la théorie de l'application (et de la pratique bien sûr) - d'un autre point de vue il y a des enjeux majeurs associés à l'utilisation qui sera faite de ces réseaux intelligents comme les villes intelligentes, les campagnes intelligentes, les systèmes routiers intelligents ... 
On parle de résilience, d'efficience pour une optimisation de l'impact de l'utilisation des ressources...
Nul ne peut être contre la vertu. Mais on doit s'assurer de conserver une capacité de suivi et de contrôle critique des orientations que l'on fera prendre à ces méta-systèmes d'analyse.

Rappelons que le dynamisme peut exister à de moins hauts degrés d'intensité déjà en relation avec un accès facilité à l'information et de la disponibilité de moyens pour en faire une analyse et un traitement éclairant.

Nul ne peut être contre la vertu. Mais on doit s'assurer de conserver une capacité de suivi et de contrôle critique des orientations que l'on fera prendre à ces méta-systèmes d'analyse ?

Lire «parenthèse sur les humanités numériques»

2. L'analyse révèle que l'objet de toutes les convoitises, c'est notre attention, littéralement

Nous devons à Yves Citton un essai sur l'Écologie de l'attention. 

Il faudrait consacter tout un carnet à cette question.

Et créer une communauté autour des travaux de recherche menés par ce chercher avec une communauté à travers la revue Multitudes

L'Écologie de l'attention se veut une réponse à l'économie de l'attention.

L'économie de l'attention est une expression qui dépeint la situation actuelle et la tendance globale à mobiliser toujours plus de ressources, dans une optique concurrentielle, pour capter l'attention des segments de clientèle que l'on se dispute entre acteurs d'un même secteur ou de secteurs différents, pour arriver à faire passer nos message de promotion de nos services et de nos produits.

Ultimement, la capacité à retenir ainsi l'attention des internautes le temps requis pour instiller notre mot dans leurs esprits est ce qui est sans cesse perfectionner.

Mais on devrait prendre acte de ce que cela conduit à des exploitations malsaines des ressorts de notre vie affective au détriment de la bonne formation du jugement moral, et que l'on ne gagnera pas cette guerre mais que tout ce que l'on parviendra à faire, c'est de réduire l'attention individuelle et globale en charpie. 

Il faudrait dès à présent nous concerter pour discuter de zones d'attention détendue, de temps de détachement de l'attention, de moyens de permettre une criculation plus libre et décontractée de l'attention afin qu'elle puisse exercer sa pleine capacité de réceptivité qui est faite pour alterner entre l'observation pointue de détail et la prise en compte d'un champ plus global d'expérience. Et c'est dans les aller-retour en partie instinctifs et en partie induits par la formation (qui devrait inclure une éducation au regard et à l'écoute) ainsi qu'à travers la pratique d'un certain art de l'observation et de l'interprétation créative (ce qu'Yves Citton situe au coeur de son essai sur L'avenir des humanités - dont le sous-titre est «Économie de la connaissance ou cultures de l'interprétation ?») entre des postures plus engagées vers l'action et des attitudes de détachement plus critique par rapport à l'action que l'on verra se former des dispositions appropriées pour évoluer vers une écologie de l'attention. Sinon, nous céderons au chant des sirènes de l'écomomie de l'attention.

Voir la note sur l'[interprétation inventrice (existe - pas publiée)] selon Yves Citton.

C'est pourquoi Yves Citton suggère d'opposer à cette économie de l'attention, une écologie de l'attention.
(Pour une écologie de l'attention, Paris, Seuil, 2014)

Il avait déjà dirigé un ouvrage collectif publié la même année et intitulé : L’Économie de l’attention. Nouvel horizon du capitalisme ? (La Découverte, 2014).

Pour résumer l'idée au coeur de l'ouvrage de 2014 : « Oui, la sur-sollicitation de notre attention est un problème à mettre au cœur de nos analyses économiques, de nos réformes pédagogiques, de nos réflexions éthiques et de nos luttes politiques. Mais, non, l’avènement du numérique ne nous condamne pas à une dissipation abrutissante.»

On le comprend, c'est en partie pour faire signe vers l'oeuvre de Citton que la note sur le dynamisme fut intitulée de cette façon.

Conclusion sur l'analyse du titre 

Ce que nous venons de faire là, en examinant les deux sens principaux de «requiert notre attention», contribue à une «écologie de l'attention» en préparant le terrain pour que vous soyez attentifs pour la suite à l'analyse du titre.

Lire l'analyse du titre de cette note pour mieux comprendre ce que nous essayons de faire ici (et d'affirmer par là).

Rappelons la conclusion de cette analyse :

«Le dynamisme requiert notre attention » signifique que le dynamisme, c'est la propriété qui donne sens au numérique... Et elle nous apparaît suite à l'analyse que nous faisons du numérique en tant que phénomène de convergence (et parfois d'interférence) - à un haut niveau d'intégration - des potentialités de la technique et de la culture.
C'est-à-dire qu'il est plus vrai que jamais de dire que «les dimensions culturelles et techniques de notre activité sont indissociables». 

Cela montre encore comment complexité, systémique et dynamisme sont liés.

Les dynamiques numériques viennent donc compléter et rehausser les dynamiques pré-numériques. Mais peuvent-elle aussi les remplacer ou les appauvrir ?

Pour aller plus loin

Analyse de ce que  nous apprennent les deux sens d'éditorialisation sur le dynamisme

Analyse de ce que nous apprend le premier sens

J'aurais tendance à ajouter que les actions elles-mêmes peuvent être constituées par ces dynamiques qui sont constituées de forces et d'action.

Le terme qui demeure pour nous dire ce qui expliquerait le dynamisme est le terme "forces". 
Alors que sont ces forces ? Le mot force est justement ce à quoi renvoie dynamis, en grec : une puissance capable de produire des effets. Par conséquent, on peut dire que dans le contexte qui nous intéresse, les forces en question sont des «forces d'éditorialisation».

Car l'éditorialisation est le mode numérique (c'est-à-dire hybridant technique, culture et pratique) d'être d'un dynamisme sous-jacent qui est lié à la contexture du monde lui-même.

Mais nous le verrons, cela a pour conséquence, qu'à l'image du dynamisme du monde, le dynamisme numérique doit être multiple et implique la médiation.

Analyse de ce que nous apprend le second sens

On le voit, ce sont ici les actions qui sont mentionnées uniquement et non les forces. Et on précise en quoi elles peuvent être différentes : individuelles et collectives. Le mot sens n'est plus mentionné mais l'interaction apparaît comme le terme le plus riche de sens.

Notons bien à nouveau qu'il s'agit d'interactions entre des actions.

Cela met en évidence l'importance des relations pouvant aller dans différents sens se former et se transformer puis disparaître et renaître.

Une relation peut être la même en un sens et différente en ceci qu'elle relie des actions différentes.

Elle est donc en même temps la même et non la même...

Ce qui ne veut pas dire qu'elle n'est pas.

C'est ce qui est intéressant avec ce concept de dynamisme. Il permet de comprendre la multiplicité qui est l'essence du numérique.

Les différentes formes d’éditorialisation dépendent du fait que des actions particulières deviennent communes – ce qui signifie que des groupes de personnes commencent à les effectuer pour en faire peu à peu des pratiques.»

Précisons donc ce que sont les dynamiques qui - prises ensemble (et considérant qu'elles «travaillent» et organisent l'espace comme milieu d'action) - sont «le dynamisme». Ces dynamiques seraient « le résultat de forces et d’actions différentes qui déterminent après coup l’apparition et l’identification d’objets particuliers (personnes, communautés, algorithmes, plateformes…) »

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Pistes de navigation 

Pour en savoir plus sur la médiation : la médiation est la condition suffisante du dynamisme

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Intégré par Fabrice Marcoux, le 7 juin 2023 00:58
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7 juin 2023

Modification

16 août 2023 16:27

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