La dynamisme lié au numérique requiert notre attention

Parvenus à ce point, nous sommes outillés pour aborder la notion de dynamisme. Le dynamisme est lié à l'action. En contexte numérique, le fait de prêter attention à un phénomène (en lisant à son propos en ligne, par exemple) constitue un acte qui a un réel impact. C'est le cas notamment en raison du caractère systémique du mode de fonctionnement des échanges d'information dans le contexte du web des données (web 2.0).

C'est en partie pour cela qu'on peut dire que l'environnement numérique est dynamique. Parce que tout étant interrelié, rien n'est «indifférent». Cette idée n'est pas nouvelle, et jusqu'à un certain point nous nous en approchions déjà beaucoup avec la société des médias électroniques de première génération (radio et télévision).
Mais avec le web qui permet la fréquentation quotidienne des réseaux sociaux par des milliards d'utilisateurs partout dans le monde, où il est d'ailleurs possible de réagir directement à la publication du moindre contenu en donnant son appréciation par la sélection d'une icone, ou en écrivant un commentaire, cette idéalisation d'une situation ou rien n'échapperait au jeu des influences mutuelles (des êtres en relations) devient réalité.

Cependant, la dimension dynamique gagne à être expliquée en utilisant, si ce n'est une métaphore, à tout le moins une idée générale. Spécifiquement, c'est celle d'adhérence, voulant que selon le mode de mise en relation des éléments, l'interconnexion ne produira pas le même genre d'influence mutuelle.

Et comme le mode technique de mise en relation des éléments composant cet «environnement-support» (Merzeau et Zacklad) est constitué non seulement du web (qui est un système de publication de contenus pouvant s'afficher sur écran d'ordinateurs via un navigateur sur la base de conventions : protocole HTTPS, langage HTML, syntaxe des adresses URL) mais encore - pour ce qui est de la couche opératoire sous-jacente - d'internet,  qui lui est une infrastructure à la fois physique et dépendant d'autres protocoles pour l'adressage justement des paquets d'informations vers les bonnes destinations (TCP/IP), et de l'informatique (qui a évolué vers la portabilité grâce à une miniaturisation poussée, ce qui apporte son lot d'avantages et d'inconvénients : connectivité constante, déconnexion entre usager et fonctionnement de la machine), il y a des aspects du dynamisme numérique qui seront en porte à faux par rapport à ce qui nous semblerait constituer son potentiel.

La quantité astronomique d'informations à gérer contribue à faire en sorte que ce soit difficile de tirer profit de ce dynamisme (même imparfait) pour améliorer sa capacité à se positionner dans l'univers numérique, ce qui nous permet de dire que c'est en relation avec la complexité de la planète web que la prévisibilité des effets de nos choix (sur le champs d'action que nous aurons pour les exercer) est réduite. Mais ce que nous ne pouvons plus négliger de considérer - quelle que soit l'approche que nous adoptions relativement à la pertinence de se doter d'une stratégie numérique -, c'est que tous les gestes d'attention posés partout sur la terre sont susceptibles d'avoir un effet sur le sens que tel ou tel internaute pourrait percevoir de ce que nos interventions sur le web semblent manifester comme intention. Car cette percpetion sera modifiée selon la manière dont les algorithmes évaluent les corrélations qui semblent se renforcer ou s'affaiblir entre tels facteurs et telles façons de se comporter de tels profils d'utilisateurs.

Et c'est le cas également des gestes d'attention qui ne sont pas posés directement en ligne, car l'environnement des relations humaines (comme le langage non verbal, par exemple) est aussi modifié par les ajustements que l'environnement numérique impose à la présentation des contenus en fonction des analyses évolutives des données massives qui se renouvellent constamment et se raffinent avec plus ou moins de bonheur régulièrement.

C'est pourquoi le dynamisme doit être analysé comme une opportunité pour le stratège numérique car l'organisation qu'il essaie d'aider à se positionner peut espérer - s'il fait bien son travail - engendrer de réels changements, à son échelle, dans le monde.  Mais cette propriété signifie alors quelque chose de bien spécifique qui est à mettre en relation avec la notion d'éditorialisation.

Et cela nous donnera l'opportunité de revenir sur les deux sens d'éditorialisation.
En effet, le numérique n'existe pas en soi. Il est synonyme de «culture actuelle, à l'ère des NTIC». Ce qui n'empêche pas que nous comprenions peut-être mieux l'être à l'ère du numérique. En tous cas, il y deux sens d'éditorialisation (selon MVR) qui éclairent les deux sens de dynamisme.
Et pour aller plus au fond des choses, nous rappellerons que «dynamisme» renvoie à systémique et nous inviterons à poursuivre la réflexion sur multiplicité et médiation en proposant des notes consacrées à ces propriétés du dynamisme qui sont donc, des propriétés du numérique.
Nous arriverons ainsi à reconnaître l'ambiguïté du numérique, qui requiert pour cette raison notre engagement politique et éthique.
En complément nous proposerons un retour sur la relation entre le paradoxe de confusion concernant le but, et la nature dynamique du numérique.

La multiplicité et la médiation, conditions nécessaires du dynamisme

La médiation est ce qui fait que quelque chose puisse apparaître comme ayant du sens avec le numérique.
Et elle pourrait constituer un principe plus fondamental encore que cela.

Par rapport à la multiplicité, elle joue un rôle clé, car elle ne fait pas que l'«appeler», mais elle la «provoque» puisqu'elle la suppose. En effet, si la médiation est comparée à un pli, elle vient donc générer diverses face, et au moins deux angles sous lesquels on peut envisager l'objet considéré. Un objet médié est donc double par le fait même ou à tout le moins duel.

Pour cette raison, on dira que la médiation constitue la condition suffisante du dynamisme.
Et la multiplicité en est une autre condition nécessaire (impliquée par la première) pouvant être présente à divers degrés mais qui doit respecter certaines proportions par rapport à l'ensemble dont elle représente une caractéristique pour contribuer à ce qu'il puisse revêtir plus d'un sens. Car si elle est trop grande, il n'y aura plus de sens. Et si elle est trop petite il en manquera un...
Pour paraphraser Kant : «la multiplicité sans médiation est aveugle et la médiation sans multiplicité est vide...»

C'est aussi ce que nous aide à comprendre la théorie de l'éditorialisation. C'est pourquoi nous mettrons les différentes définitions d'éditorialisation en parallèle avec les différentes définitions de dynamisme.

Lorsqu'on utilise «éditorialisation» pour traduire «content curation», on s'en tient aussi aux normes pour la présentation du contenu en fonction du contexte et la mise en relation du contenu avec d'autres contenus.

Or le lien avec les processus techniques sous-jacents est important, car il est ce qui fait que la culture numérique se démarque tout de même par son impact de structuration de l'espace.

« Le dynamisme est l'état d'un contexte qui est modelé par les dynamiques qui s'y font jour et qui le parcourent.»

Résumé du chemin parcouru

À ce point de notre parcours, il vaut la peine de résumer ce que nous avons compris.

Premièrement, le numérique est une culture. Cette culture est complexe. Cette complexité est confirmée par le fait qu'elle découle d'une propriété plus fondamentale qui est d'être systémique (adjectif). Et le fait d'être systémique indique qu'il ne s'agit pas d'une construction aléatoire et temporaire qui pourrait s'effacer comme un château de sable. C'est une des raisons pour lesquelles on peut considérer cette propriété comme une propriété charnière, car elle indique que la transformation numérique concerne lnon seulement nos mentalités mais les relations entre le monde et nous. 

La reconnaissance du fait que ce sont des dynamiques, qui (en tant qu'elles mobilisent les dimensions techniques ainsi intégrées à la nature humaine) sont appelées (forces d') «éditorialisation», et qui, en révélant leurs «natures» - telles que les analyse Marcello Vitali-Rosati dans son article «Pour une théorie de l'éditorialisation» -, expriment une propriété fondamentale de l'univers, laquelle est de rendre possible l'émergence de telles systémiques (nom), nous permet ainsi de découvrir que le dynamisme que semble apporter la culture numérique consiste en fait en une propriété émergente qui se manifeste dans le monde sur la base de sa nature systémique (comme écosystème global).
Ce dynamisme est ontologique car il appartient au monde en tant que propriété fondamentale qui se manifeste à travers la culture en général, et à travers la culture technique en particulier (mais avec une intensité particulière qui la révèle à la conscience dans le cas de la culture numérique) et il survient en tant que propriété émergente à la faveur de la «concurrence» (au sens de concourir: converger, survenir ensemble) des différentes propriétés ou structures qui caractérisent l'éditorialisation en tant qu'ensemble de dynamiques : ce qui correspond aux différentes «natures» de l'éditorialisation.

Le «numérique» peut donc être mieux compris, suite à cette analyse, comme la révélation de ce que la technique et la culture s'influencent réciproquement à la faveur de l'intégration de pratiques dites «numériques» à la culture humaine. Ceci entraîne une évolution des équilibres dans l'organisation systémique de l'environnement construit socialement. Et cette «transformation numérique» entraîne des changements significatifs dans nos modes de vie, ce qui influence en retour les développements technologiques et l'évolution culturelle que nous pouvons espérer connaître comme espèce.

Cette influence réciproque de la technique et de la culture étaient déjà connus.

Il n'y a pas de culture sans technique et probablement pas de technique sans culture non plus. On pourrait dire que les deux dimension de notre civilisation sont co-émergentes avec le langage. Mais ce que le numérique ajoute c'est une boucle de rétroaction telle que les changements peuvent infléchir le cours de la culture et du développement des techniques beaucoup plus rapidement.

Par exemple, si des accords internationaux sont votés qui favorisent la diffusion des connaissances scientifiques financées par des fonds publics sous licence libre, on pourrait faire en sorte que les progrès des connaissances soient très rapides. Par exemple dans le cas des vaccins contre la COVID-19, on aurait les moyens de produire des vaccins génériques. Il en irait de même pour l'ensemble des réalisations des chercheurs oeuvrant dans les universités, s'ils devaient publier leurs découvertes dans des articles sous licence Creative Commons.

En quoi le dynamisme est-il lié au numérique ?

Définition de dynamisme

Dépasser la vision naïve du dynamisme 

Le dynamisme est souvent valorisé dans notre société mais on l'entend alors dans un sens très vague et subjectif. Il s'agit de la manifestation d'une énergie qu'on attribue souvent à la jeunesse. Le discours entourant la transformation numérique est souvent associé à des termes comme «innovation», «rayonnement», «impact». Et l'inventivité dans les manières de s'exprimer sur les réseaux sociaux est très importante pour les consultants accompagnant des organisations dans leur transformation numérique, que ce soit dans le secteur public ou privé, dans les domaines de la culture, du commerce, de la production et des services (et même des services gouvernementaux).

Définition de base du dynamisme 

Si on prend la définition la plus brève, on a une définition éclairante pour démarrer.

« Le dynamisme est l'état d'un contexte qui est modelé par les dynamiques qui s'y font jour et qui le parcourent.»

Ce qui est intéressant avec cette définition est qu'elle parle de mouvement (parcourir) et d'émergence (se faire jour) ainsi que de modification (modelé). De plus elle indique une transformation du contexte et résume en fait le dynamisme à cela. Les dynamiques sont inexpliquées mais elles sont en partie ce qui met de la vie dans cet environnement, si on peut s'exprimer ainsi.

Comme la définition d'éditorialisation, la définition de dynamisme fait références aux dynamiques.

On pourrait  naturellement définir le dynamisme comme «l'ensemble des dynamiques», si on fait abstraction des définitions de dynamisme comme théorie. Comme l'exprime la définition «en lien avec la notion d'éditorialisation», le dynamisme est donc « étroitement lié à la nature même de l'éditorialisation ».

Deux sens d'éditorialisation qui éclairent les deux sens de dynamisme 

Marcello Vitali-Rosati propose lui-même deux définitions d'éditorialisation: une plus restreinte et une plus large.

Définition restreinte

« l’éditorialisation désigne l’ensemble des appareils techniques (le réseau, les serveurs, les plateformes, les CMS, les algorithmes des moteurs de recherche), des structures (l’hypertexte, le multimédia, les métadonnées) et des pratiques (l’annotation, les commentaires, les recommandations via les réseaux sociaux) permettant de produire et d’organiser un contenu sur le Web (Vitali-Rosati 2014a). 

Définition plus large

«  l’éditorialisation désigne l’ensemble des formes collectives de négociation du réel. En d’autres termes, l’éditorialisation est l’ensemble de nos pratiques sociales qui nous permettent de comprendre, d’organiser, d’interpréter et de produire le monde. »

Comme on le verra il propose aussi deux définitions «synthétiques».

Et, en-deça, on retrouve aussi une définition de base, limitée à la partie visible des opérations, sans référence à la dimension collective:  

«L'éditorialisation désigne l'ensemble des opérations de structuration, de mise en accessibilité et de mise en visibilité de contenus sur le Web, et plus largement dans l'environnement numérique.»

Lorsqu'on utilise «éditorialisation» pour traduire «content curation», on s'en tient aussi aux normes pour la présentation du contenu en fonction du contexte et la mise en relation du contenu avec d'autres contenus.
Mais on ne rend pas nécessairement compte des dynamiques qui modifient nos pratiques sociales et donc notre culture dans son ensemble.

Or si on regarde les deux définitions de dynamisme, on voit qu'elles renvoient aux deux formulations de la définition «synthétique» de l'éditorialisation par Marcello Vitali-Rosati. Et ces deux définitions indiquent clairement qu'il y a un lien structurel entre les pratiques d'éditorialisation et le monde tel que nous le connaissons. Et ce qu'on observe est que le «dynamisme» est la nature de cette relation.

Voyons d'abord les deux formulations de la définition «synthétique» d'éditorialisation : celle qui vise à combiner les définitions restreinte et générale données ci-dessus.

Deux formulations de la définition «synthétique» d'éditorialisation 

Première formulation de la définition «synthétique» :

«L’éditorialisation désigne l’ensemble des dynamiques qui produisent et structurent l’espace numérique. Ces dynamiques sont les interactions des actions individuelles et collectives avec un environnement (ou milieu) numérique particulier.»

Deuxième formulation de la définition synthétique :

« L’éditorialisation est l’ensemble des dynamiques qui constituent l’espace numérique et qui permettent, à partir de cette constitution, l’émergence du sens. Ces dynamiques sont le résultat de forces et d’actions différentes qui déterminent après coup l’apparition et l’identification d’objets particuliers (personnes, communautés, algorithmes, plateformes…)

Deux sens de dynamisme

À partir de là, nous pouvons voir apparaître deux sens de dynamisme dans ce contexte :

Premier sens de dynamisme

Sens 1 de dynamisme (lié à la deuxième formulation de la définition synthétique d'éditorialisation) : Les dynamiques qui permettent à un sens d'émerger de la culture à l'heure du numérique.

Sens 1 de dynamiques : « Ces dynamiques sont le résultat de forces et d’actions différentes qui déterminent après coup l’apparition et l’identification d’objets particuliers (personnes, communautés, algorithmes, plateformes…) »

En contexte numérique (entendu en un sens culturel, technique et pratique), « le dynamisme constitue l'ensemble des dynamiques qui contribuent à l'émergence d'un sens, et à la constitution d'objets après coup »

Cette définition est calquée sur la deuxième formulation de la définition synthétique d'éditorialisation.

Deuxième sens de dynamisme

La deuxième définition de dynamisme renvoie symétriquement à la définition de «dynamiques» que l'on retrouve dans la première formulation de la définition «synthétique» d'éditorialisation.

Sens 2 de dynamisme (lié à la première formulation de la définition synthétique d'éditorialisation) :

Ceci se comprend car le dynamisme est défini (en lien avec la notion d'éditorialisation), commme « l'ensemble du phénomène de production de l'espace numérique qui est le résultat d'une hybridation des espaces pré-numériques et numériques ». Or, le lien avec l'éditorialisation est évident puisque celle-ci est définie comme étant «l'ensemble des dynamiques qui produisent et structurent l'espace numérique» (première formulation synthétique).

Sens 2 de dynamiques : «Ces dynamiques sont les interactions des actions individuelles et collectives avec un environnement (ou milieu) numérique particulier.»

Et rappelons-nous que selon la première définition ces interactions « contribuent à l'émergence d'un sens, et à la constitution d'objets » qui forment aussi bien l'environnement où la culture numérique prend racine.

Il y a donc une relation systémique entre les pratique des acteurs et le sens de leurs actions, «médiée» par le contexte qui est constitué d'eux mêmes et d'objets formés de la même manière qu'eux : par leurs relations dynamiques.

Ainsi, on comprend que le contexte lui-même est générée par cette formation d'objets et de sens.

Note sur l'espace numérique

C'est ce que Marcello Vitali-Rosati appelle l'«espace numérique» mais qui peut être plus justement défini comme un milieu qui est issu de l'hybridation des espaces pré-numériques et numériques (voir début de définition de dynamisme en lien avec l'éditorialisation). C'est, en somme, l'«espace» que nous habitons. Mais cet espace n'est pas un contenant vide comme un plan cartésien vide et uniformément segmenté dans lequel des évènements pourraient apparaître sans que cette trame neutre ne soit dynamisée ni qu'elle en ressorte modifiée.

D'ailleurs l'espace n'a jamais été ainsi. L'espace pré-numérique était déjà multiple, comme l'espace numérique et dynamique.

La différence entre les espaces pré-numériques et numériques vient de ce qu'avec ceux-ci, le rôle du dynamisme dans la constitution de cet espace commun - et, notamment, le rôle des dynamiques collectives - apparait comme central et évident... Alors qu'auparavant on pouvait avoir tendance à considérer l'espace comme un lieu pré-donné et qui n'était plus sensible à l'action collective qu'à l'action individuelle. Cet espace est un milieu qui est défini par le dynamisme qui s'y produit. Il est modelé par des médiations qui le rendent forcément multiple. C'est pourquoi nous parlons des espaces numériques.

Et il aurait aussi fallu parler des espaces pré-numériques. Car ce fut une grande erreur d'envisager l'espace, comme un cadre vide pouvant accueillir des êtres et des évènements, mais qui serait tel un espace découpable en segments uniformes et qui ne serait pas affecté par ces évènements et ces existences.

La médiation et la multiplicité sont donc deux propriétés du dynamisme qui, comme nous l'avons dit plus haut, doivent être attribuées au numérique en tant que ses propriétés également (en plus des trois propriétés fondamentales de complexité, systémicité et dynamicité).

C'est pourquoi nous dédions des notes à ces «sous-propriétés» du numérique qui sont des des piliers du dynamisme si on examine comment il est constitué «structurellement»  et non uniquement à quoi il nous fait penser (en vertu de représentations courantes à son propos).

Mais d'abord revenons sur le second sens de dynamisme.

Retour sur le second sens de dynamisme

Comme dans le cas précédent (premier sens), le dynamisme est l'état d'un contexte qui évolue à la faveur des dynamiques auxquelles il permet d'advenir... C'est donc en considérant les définitions des dynamiques qu'on constate une partie des différences.

Mais ce qu'on sait des dynamiques qui ne change pas d'une définition à l'autre est qu'elles produisent l'espace numérique. 
Et ce qu'on comprend de cette analyse est qu'il convient de se rappeler que cela se fait en relation avec un environnement numérique et que celui-ci est constitué par ce dynamisme qu'il rend possible. Les facteurs constitutifs du dynamisme sont donc des dynamiques qui sont des forces favorisant la multiplication des relations : des «interactions entre actions individuelles et actions collectives».

Et ces interactions constituent des médiations entre elles (ces forces ou dynamiques) et avec cet environnement qu'elles façonnent et qui est dynamique par le fait même, mais aussi parce qu'il modifie en retour la capacité que ces forces ont de l'influencer.

Ce qui nous ramène à la première formulation «synthétique» de la définition de l'éditorialisation:

«[L]es dynamiques sont les interactions d'actions individuelles et collectives avec un environnement (ou milieu) numérique particulier »

Cela fait bien ressortir cette interdépendance des actions et de la constitution de l'espace numérique. Or ces actions ne sont pas que numériques. C'est donc dire que l'espace numérique tend à englober l'ensemble de l'espace d'action des êtres humains et que donc c'est tout notre espace auquel il faut penser quand on pense à l'espace numérique.

Liens entre numérique et dynamisme

Illustration du lien entre numérique et dynamisme au moyen d'exemples

Nous aurions pu commencer cette note en donnant des illustrations de comment le numérique est dynamique.

Mais il fallait faire ce travail théorique pour arriver à fournir des exemples qui soient plus pertinents.

L'exemple classique est le fait que Twitter ait intégré les concepts des mots-clics dans les fonctionnalités sa plateforme après que des utilisateurs aient commencé à utiliser le dièse avant un mot comme moyen de retrouver des termes utilisés comme mots-clés. La recherche permettait ainsi de distinguer les usages ordinaires du mot et les cas où il était volontairement mis de l'avant comme mot clé. Mais avec le codage des mots clics (hashtag) comme ayant un statut particulier, même sans entrer le dièse dans la recherche, les tweets qui possède ce mot dans leurs mots-clics ressortent loin au premier rang.

Un autre exemple est l'évolution de la culture éditoriale de Wikipédia, c'est quelque chose qui témoigne du fait qu'en développant une culture de communauté d'apprentissages riche on génère plus de confiance autour de soi.

Affordance ou la forme qui appelle l'action 

« Tire toi une bûche »

« UX Design »

intelligence de l'interaction

Stigmergie et décentralisation de l'autorité

La société des fourmis et l'intelligence collective selon Pierre Lévy

Une évocation de l'«hétérarchie» en lien avec des exemples d'organisations capables de coopération stigmergique : selon Lilian Ricaud. 

La capacité intuitive du banc de poisson à se coordonner

Une mer ça bouge toujours ensemble comme le démontre le théorème d'Archimède

Quel est le rapport de tout ça au numérique ?

Une proxémie programmatique

On pourrait prévoir les possibilités de rapprochement entre les êtres au moyen de codes conférant une affinité à des éléments au sein d'un réseau à partir d'un calcul sur la cohésion de leurs relations. 
On se rapprocherait alors de quelque chose comme une sensibilité de l'ensemble du réseau des relations. Mais est-ce que cela améliorerait le dynamisme de la culture numérique ou est-ce que finalement ce ne serait pas plutôt une sorte de gouvernance globalisée réduisant les individus à des rouages dans un système fonctionnant comme une grosse machine autonome ?

Est-ce que c'est en raison des hésitations que l'on peut avoir à s'engager dans une telle voie que les opportunités de transformation radicale de nos façons de faire sont rarement saisies dans toute leur amplitude ?

Le paradigme du document est mort, le numérique n'est pas son remplacement

La fin du paradigme du document c'est aussi le signe que le numérique n'est rien en soi

Le numérique n'existerait pas en soi. Il est synonyme de «culture actuelle, à l'ère des NTIC». Or celle-ci intègre une utilisation intensive et globalisée de techniques qui ont des caractéristiques particulières comme l'expliquent de nombreux chercheurs en sciences de l'information et des communications. Notamment ceux qui travaillent avec Bruno Bachimont (voir sa contribution à la définition de l'éditorialisation). Alaxandre Monnin, stratège numérique, résumait cette approche théorique et méthodologique dans un article intitulé «Y a-t-il une philosophie du web ? (1/2)», fruit d'un entretien publié en 2017 sur Implications philosophiques

Résumé de l'explication de la théorie de la conceptualité des ressources (selon Bruno Bachimont), par Alexandre Monnin

  • Grosso modo, l'idée est que les techniques d'écriture avant l'audiovisuel et le numérique (l'imprimerie et l'écriture manuscrite) faisaient en sorte qu'il y avait une trace inscrite, le support étant étroitement associé aux symboles qu'il permettait de véhiculer. Avec l'audiovisuel, on est devenu dépendants d'appareil pour reconstituer les messages à partir des modifications apportées au support lors de l'enregistrement. Mais il restait des documents qui pouvaient être classées et à partir desquels on pouvait être confiants de reconstituer le message si on préservait le savoir faire entourant la production et l'entretien des appareils (ce qui n'est pas une mince tâche), ou si on mettait en place de bonnes pratiques de repiquage et de migration d'un support vers un autre;
  • Avec le numérique, il y a des données qui sont traitées en tant que flux pour des usages grâce à un assemblages d'appareils, de logiciels et d'interfaces. Mais la ressource ne désigne plus un document qui est associé à un support. C'est une logique processuelle qui détermine la rencontre de données et d'opérations de traitement permettant la manifestation d'une forme lisible pour une utilisation dans un contexte toujours particulier.

« Je vous donne un exemple simple pour l’illustrer : la page d’accueil du journal Le Monde est un exemple type de ressource Web. Mais le problème est que l’on n’y accède jamais : on accède à la page d’accueil du Monde à un moment donné, sous un format donné en fonction de sa requête, de son navigateur et de ses paramètres. Mais il n’existe pas, de manière sous-jacente, un contenu informatique lui correspondant, (...)»

  • La page que vous voyez est donc «performée» en relation avec un contexte et se présentera de manière différente selon les différentes situation : avec ou sans des publicités, avec des publicités différentes, avec une dispositon différente, incluant ou non les images. 
  • Certes, il restera toujours le texte, accessible au complet seulement si vous êtes abonné, mais ce texte n'est pas directement inscrit dans un fichier. Il y a des codes qui sont traduits en caractères.
  • Il y a donc autant de versions de la page du site Le Monde qu'il y a d'utilisateurs. 

Cela est dû en partie au pouvoir que le numérique a de dissocier complètement l'information de son inscription. Et cela part de la caractéristique technique de base du numérique qui est la «discrétisation».

Nous en avons parlé dans la note sur le numérique, «un sujet incontournable comme l'environnement».

Le potentiel du dynamisme n'est pas utilisé de manière optimale

Le dynamisme se présente le plus souvent sous la forme d'un potentiel qui n'est pas toujours pleinement utilisé

Un potentiel (d'émancipation) qui n'est pas toujours pleinement utilisé

Mutualisation des données, une évolution lente

Communautés de pratique, la rigueur requise ralentit l'adoption

Stratégies collectives, l'évidence de leur caractère supérieur peut faire peur

S'il n'était de la peur que peut susciter le sentiment de participer à quelque chose de plus grand que soi, dont le contrôle nous échappera nécessairement, on voit mal ce qui retient les acteurs de secteurs ayant des intérêts communs à s'associer. 

Mais si on se centre uniquement sur la question de la longueur d'avance que la stratégie devrait nous donner sur les autres, on comprend mieux pourquoi des personnes, des organisations et des associations représentant un secteur d'activité culturelle ou autre peuvent se demander ce que ça leur donne de s'unir ainsi afin de regrouper leurs forces, puisque l'on peut prévoir que ce ne sera pas simple de trouver une gouvernance adéquate pour gérer cette évolution, et on ne peut recevoie aucune garantie de succès en retour de notre engagement dans une démarche qui est inédite. Une autre raison possible de s'inquiéter du bénéfice qu'on va en tirer, c'est l'impression que l'on rend la démarche vulnérable à des attaques en la rendant publique. Normalement, les stratégies requièrent un certain secret.

Mais justement, si une transformation numérique est conçue comme impliquant un passage à l'échelle pour permettre à une majorité d'acteurs de bénéficier des améliorations apportées, tout en leur permettant de contribuer à leur amélioration constante, il semble indispensable que ce qui est en cours d'élaboration soit connaissable.

Du moment où la stratégie c'est de travailler sur les conditions qui sont des dispositions intégrées à l'environnement et qui entravent l'accès à des ressources qui permettraient de libérer le potentiel créatif par exemple, il est clair que c'est difficile d'agir en coulisses.
Lorsqu'on a un tel plan, on n'a rien à cacher et on a intérêt à ce que notre démarche soit connue du public pour que celui-ci puisse nous appuyer dans nos efforts pour nous assurer qu'il soit servi le mieux possible, y compris en exigeant de lui qu'il fasse des sacrifices, si c'est ce que ça prend pour qu'un changement profond et nécessaire soit opéré (à condition qu'il constitue une évolution vitale collectivement bien entendu).

Retour sur la relation entre dynamisme et constitution de l'espace numérique

Quand on pense à dynamisme en relation à une réorganisation de l'espace, c'est au fait que l'espace est dynamiquement constitué par des relations entre différentes «pensées dispositives» (voir le chapitre que Marcello Vitali-Rosati consacre à cette notion que nous devons à Louise Merzeau) qui ont leur pendant matériel dans des écritures numériques et qui sont justement des inscriptions mais aussi des traductions d'actions. Dans son texte récent et très éclairant «Qu'est-ce que l'écriture numérique ?», Marcello Vitali-Rosati fait appel à la notion de sphères d'activités humaines conduisant, avec le traitement automatisé des informations par les ordinateurs interconnectés, à «l'espace du savoir» (concept développé par Pierre Lévy). Au niveau de cette «infosphère»,  se manifesterait, à travers les interactions entre humains et machines (impliquant des codes traduits pour être utilisables par les uns et par les autres) une «intelligence collective».

«Il s’agit d’un espace où le savoir en tant qu’organisation complexe de relations vient à correspondre à la réalité. Il y a dans cet espace une fusion entre parole et réalité, entre activité symbolique et structuration performative du réel»
- Marcello Vitali-Rosati. « Qu’est-ce que l’écriture numérique ? », Corela  HS-33 | 2020.

En même temps, Marcello Vitali-Rosati dit dans «Qu'est-ce que l'écriture numérique ?» (Corela, 2022) que tout l'espace est numérique.

« L’espace est donc numérique en ce qu’il est un ensemble de relations entre les choses et que ces relations sont tissées par une série d’éléments dont une partie est numérique. Cavallari va encore plus loin et souligne comme l’espace numérique devient un « espace de raccordement » entre tous les autres espaces : (...)»

Liens entre le dynamisme et les autres propriétés du numérique

Liens entre systémique et dynamisme

À certains égards, la caractéristique d'«être systémique» - telle que nous l'avons définie en lien avec la culture numérique - et le «dynamisme» en tant que propriété émergeant sur la base de ce dynamisme sont presque synomymes. On ne peut même pas dire que le fait d'être systémique est le processus et que le dynamisme est le résultat. Le dynamisme est son propre processus. Il émerge en quelque sorte de lui-même et c'est pourquoi on peut dire qu'il se confond d'une certaine façon avec le fait d'«être systémique» que nous attribuons au numérique.

Dynamisme renvoie à systémique mais aussi à multiple et médiation

Deux propriétés fondamentales du numérique dont dépend son caractère dynamique sont la multiplicité et la médiation.

Et je trouve ça intéressant, parce qu'après celle de multiplicité, on puisse revenir avec celle de médiation, justement, et essayer de bien définir celle-ci pour conclure.

Alors, commençons avec la question des liens entre numérique et multiplicité

Premièrement, comme nous l'apprenait la notion de complexité, rien n'est simple avec le numérique. Tout est de plus en plus relié de diverses façons.
Une action ne se résume pas à des données la concernant, à un récit la décrivant, ni à une modélisation capable de la reproduire. Une enveloppe de métadonnées visant à la qualifier ne suffirait pas non plus à la circonscrire. Même avec un enregistrement vidéo sous diverses facettes, l'action échaperait à une saisie par la mémoire informatique. Car elle déborde sur les autres actions en modifiant l'environnement. Ce qu'il y a de nouveau avec le numérique est que les traces informationnelles laissées par son passage ont aussi une incidence sur l'espace numérique.
Et une manière d'expliquer que tout est multiple à l'ère du numérique est de parler de nos identités numériques. Un individu est désormais éclaté en différentes versions du soi selon le réseau social, l'angle sous lequel on recherche à son sujet, les données auxquelles on a accès, les expériences qu'il ou elle a partagées avec nous.
Bien entendu, c'était déjà le cas auparavant. Mais le caractère marginal des traces que nous pouvions laisser faisait que cela pouvait paraître moins important. Aujourd'hui on ne peut en nier l'impact. Comme le montre la question de la rémanence de ces traces sur les réseaux sociaux après notre mort.

La multiplicité et la médiation sont aussi deux faces d'une même propriété qui est liée au caractère dynamique du numérique.

Voir plus loin : «L'éditorialisation implique que le numérique est médié et par-là multiple»

Liens entre dynamisme et complexité

La complexité peut intégrer caractère systémique et dynamisme et la systémique est généralement dynamique

Nous avons aussi annoncé dès la note sur la complexité que celle-ci pouvait être considérée comme l'équivalent de la mise en commun de la systémique et de la dynamique. 

Nuances : une complexité non systémique serait possible et une systémique non dynamique aussi

Dynamisme implique systémique qui implique complexité. La complexité n'entraîne pas nécessairement un dynamisme mais le dynamisme est rarement dénué de complexité.

Un autre concept qui résume aussi bien la portée de l'éditorialisation comme principe actif de structuration de l'espace dit «numérique» que l'émergence d'un dynamisme au sein de ce milieu donnant lieu aux acteurs de ces «écritures», c'est celui de «performatif».

Lien entre dynamique et performatif

C'est d'ailleurs une des «natures» (ou propriétés) de l'éditorialisation selon l'article fondateur, pour la pensée de Marcello Vitali-Rosati, concernant la signification philosophique du numérique : «Qu'est-ce que l'éditorialisation ?»

Voir la définition de performatif dans le Lexique numérique.

La suite de la citation fournie pour définir cette propriété insiste sur la signification «non-essentialiste» des «choses» produites en même temps que l'espace numérique qu'elles contribuent à définir aussi bien qu'à structurer en co-émergeant avec lui. Cet attribut de l'éditorialisation a donc pour effet de préserver la possibilité de la liberté dans le monde tel que nous le révèle le numérique, ce qui revient à dire que le dynamisme du numérique vient soutenir une conception ouverte de l'être.

Cependant, la définition de virtuel implique pour Vitali-Rosati, une véritable possibilité d'animer le monde comme de le maintenir. Et non pas uniquement de le pousser à changer sans retenue. Mais cela est peut-être dû au fait qu'il doit tenir compte de la discrétisation qui est au fondement du numérique au sens technique.

Retour sur le lien entre la définition de dynamisme et celle d'éditorialisation

La thèse fondamentale de Marcello Vitali-Rosati est que c'est à travers des éditorialisations que le monde se transforme et que l'espace tel que nous le connaissons et où nous agissons est devenu l'espace numérique. Cela s'explique en partie par la dimension systémique des interrelations instituée par la convergence de toutes nos actions sur le web, ce qui permet des boucles de rétrocations entre nos choix et les algorithmes qui nous soumettent des propositions de choix. 
Pour arriver au dynamisme, il faut quelque chose de plus que la dimension itérative de ces transformations. Il faut quelque chose comme la performativité, liée à l'approche qui prévaut pour la mise en place de l'internet des objets. Ce n'est pas suffisant qu'il y ait Wikipédia, une encyclopédie collaborative où plusieurs dizaines de personnes peuvent contribuer à l'écriture d'un article sur un sujet et le mettre à jour au besoin (ce qui est déjà une forme de dynamisme, n'en doutons point), mais il faut encore que des objets particuliers aient un identifiant unique qui permet de les distinguer des autres ojets conçus sur le même modèle. Pour qu'il soit possible d'interagir avec telle instance de ce produit en mettant à jour son logiciel ou sa base de données. 

Les relations entre les individus et les classes d'objets font ainsi que c'est par la multiplité des médiations que le monde avance.

On vient ainsi intégrer les transformations liées à la technique, par l'intermédiaire de la culture, qui se reconnait comme expression de dynamiques à travers des médiations qui sont nommées «éditorialisations», dans la trame des relations entre le monde et nous.

Reconnaissance du rôle central de la médiation

Lire la note sur la médiation pour la référence à l'écologie des médias (théorie de Marshall McLuhan) notamment. Une chose est sûre c'est que la médiation, elle, joue toujours un rôle central.

Concluons ce point  en rappelant - comme nous l'avons évoqué - que le terme «virtuel» est défini en un sens qui renvoie à la dimension dynamique du numérique. De ce point de vue il est un peu synonyme de performatif dont la définition a été donnée en lien un peu plus haut.

L'éditorialisation implique que le numérique est médié et par-là multiple

La théorie de l'éditorialisation suppose que le dynamisme est multiplicité et médiation

Deux propriétés fondamentales du numérique dont dépend son caractère dynamique (en lien avec la théorie de l'éditorialisation) sont la multiplicité et la médiation.

Et ce sera intéressant de les définir toutes les deux afin d'êter en mesure de mieux cerner l'idée d'éditorialisation pour conclure.

Ainsi, on verra que le numérique est une occasion de redéfinir les relations entre nous et le monde sur de nouvelles bases, où on aurait une théorie plus cohérente et plus précise, ajustée pour décrire les modifications dans nos mentalités et nos pratiques, d'une manière qui évite les contradictions évidentes, mais qui nous permet d'envisager en face les véritables ambiguïtés et incertitudes qui sont indissociables d'une culture numérique. Et cela constituera un meilleur fondement pour concevoir une stratégie numérique qui ait de véritables chances de nous permettre de surmonter les difficultés pratiques et théoriques, notamment en échappant aux paradoxes que nous avons indiqués, grâce à une meilleure prise en comtpe des contraintes et des nouvelles possibilités liés à la situation, confirmant que nous pouvons la changer mais qu'il faut nous attendre à être transformés en retour.

Former une boucle entre réflexion sur le dynamisme et stratégie numérique

Ça permettra ainsi de boucler la boucle, par rapport au point de départ qui était une volonté de se doter d'une stratégie numérique sans que ce soit une entreprise absurde, dans laquelle on perdrait notre temps.

C'est à dire que la multiplicité et la médiation font le dynamisme du monde à l'époque du numérique, à travers l'éditorialisation qui génére l'espace numérique lequel pénètre de plus en plus les replis de l'environnement tout court. En effet, cet espace qui nous environne tend à devenir lui-même numérique puisque nous sommes bien forcés de constater qu'y co-habitent les êtres humains, les communautés, les machines qui écrivent des codes et des processus de gestion des échanges d'information qui activent ces codes, ce qui donne lieu à des actions inédites qui ont un impact concret sur le monde. Et cet impact peut être normatif (et donc performatif) dans la mesure justement où l'action était imprévue.

C'est pourquoi nous pourrions dire, à l'approche de la fin du parcours que nous propose ce carnet, que le numérique est l'autre nom du monde actuel et de la culture commune même si elle est hybride (intégrant des éléments pré-numériques et numériques). Il y a du sens qui peut arriver que ce soit par notre volonté ou à travers notre collaboration plus ou moins involontaire.

Voir les liens entre numérique et dynamisme pour l'analyse des potentialités du numérique.

L'éditorialisation est liée à performativité elle-même synonyme de dynamisme

On voit que la notion d'éditorialisation est étroitement reliée à la propriété de performativité qui fait partie aussi des propriétés de l'espace numérique dans la mesure où elle est synonyme de «dynamisme», et cela est propre au numérique au sens où la généralisation des objets connectés avec l'internet des objets va nous faire pénétrer de plein pied dans cette ère de la performativité, avec les villes intelligentes, et la véhicules autonomes qui échangeront en «temps réel» des informations en grand nombre avec des centres de contrôle de la circulation qui pourront ainsi rediriger une partie du trafic pour éviter les bouchons en fonction des objectifs d'optimisation de fluidité souhaitée pour les déplacements. 

C'est ainsi que cette impression qu'on peut avoir que les métaphores liquides conviennent particulièrement bien pour décrire les dynamiques qui se font jour à l'ère du web 3.0, nous devrions au contraire nous rappeler qu'il y a des structures très solides qui sont en train de se constituer.

Que nous comprenons peut-être mieux les enjeux de nos actions à l'ère du numérique

La théorie de l'éditorialisation de Marcello Vitali-Rosati nous offre une perspective appropriée pour concilier compréhension et liberté, sans renier l'ambiguïté du numérique, qui requiert pour cette raison notre engagement politique et éthique

Ainsi, au terme de ce parcours, on voit que le numérique serait une occasion de redéfinir le monde sur de nouvelles bases, où on aurait une théorie plus cohérente et plus précise, ajustée pour décrire la réalité, d'une manière qui évite les contradictions, les paradoxes, mais qui réussit à surmonter les difficultés pratiques, notamment, grâce à une meilleure prise en comtpe de la réalité telle qu'elle est.

Ça permet de boucler la boucle, par rapport au point de départ qui était une volonté de se doter d'une stratégie numérique sans que ce soit une entreprise absurde, dans laquelle on perde notre temps.

C'est d'ailleurs le moment de rappeler ici que, si le numérique est l'autre nom de la configuration de l'espace par nos traces, c'est en raison de cette dimension performative du web qui était expliquée par Marcello Vitali-Rosati dans «Auteur ou acteur du Web ?», publié sur Implications philosophiques, en 2012.

«La fonction auteur, si elle existe, serait dans ce cas plutôt liée à un rassemblement d’actions qu’à leur production. Est-ce que l’on peut considérer l’instance qui produit ce rassemblement – qui est souvent le fruit d’un travail purement algorithmique – comme un auteur ?»

Voir la note sur la performativité (oui: elle existe, mais elle n'est pas publiée et pas achevée) pour plus d'explications autour de cette citation.

Lire aussi l'article : «Qu'est-ce que l'écriture numérique ?», ainsi que «Une pensée dispositive», chapitre 1 de l'ouvrage collectif, Les éditions critiques numériques. Entre tradition et changement de paradigme.

Le dynamisme signifie que nos actions comptent

Ce que ça veut dire au fond, c'est que nos actions changent le monde. Car l'enregistrement permanent des données entourant nos lectures autant que nos achats, nos voyages et nos recherches fait en sorte que les gestes que nous posons étant notés, ils peuvent être analysés et des enseignements peuvent en être tirés. Dépendamment des mains entre lesquelles les données tombent l'usage qui en sera fait pourra être bon ou mauvais. Mais, même si les données sont anonymisées, les recoupements et le travail sur les données massives effectués par les algorithmes d'intelligence artificielle permettent d'assurer une certaine prédictibilités de nos comportements dans certains contextes à partir d'indices. 

C'est en déjouant ces prévisibilités par des actions de détournement des outils et des contextes comme l'utilisation d'un jeu de vidéo bac à sable pour tenir des rencontres de délibération sur des enjeux sociaux, éthiques ou politiques qu'on pourra produire une subversion de la tendance totalitaire de ces machines de maximisation des profits.

C'est aussi de ce point de vue que le dynamisme du numérique «requiert notre attention» : parce qu'il ne comporte pas que du bon.

À ce sujet, voir l'analyse du titre qui suit, dont cet extrait tiré de la note à ce sujet :

Il y a vraiment une forme d'équilibre fragile à trouver entre la capacité de l'environnement à réagir au quart de tour en proposant l'ajustement qui s'impose face à un changement de comportement comme pour signaler une baisse d'attention justement à l'ordinateur de bord du véhicule d'un conducteur qui a des troubles du sommeil, ou pour signaler une faiblesse dans la cuisse d'un marcheur doté d'un exosquelette afin d'éviter une chute par une compensation automatique, et une prise de contrôle de nos comportements mais que nous ne comprendrions pas et qui serait elle-même incontrôlée. Ce qui est une menace réelle à l'heure actuelle.

Comme nous le disions, avec les dernières publications de Marcello Vitali-Rosati, notamment «Tout est-il médié ? » et «Qu'est-ce que l'écriture numérique ? » (voir plus haut), on accède à une compréhension plus complète et plus claire de sa théorie. La conférence qu'il a consacrée aux thèses principales qui la sous-tendent lors du colloque du CRIHN, «Pour une pensée préhumaine» est aussi une bonne manière de comprendre ce qu'il veut dire et où il  veut en venir. 

Conférence au CRIHN: «Pour une pensée pré-humaine», par Marcello Vitali-Rosati (25 oct. 2018).  

Ce que nous avons pu accomplir

Nous avons pu identifier deux ou trois paradoxes liés à l'intention de se doter d'une stratégie numérique et puis un quasi paradoxe dans le fait que la complexité était accrue par la prise en compte de la technique pour arriver à intégrer le collectif dans la stratégie et que cela amenait en même temps une meilleure maturité numérique et réalisait finalement en partie la finalité d'une stratégie numérique dans la mesure où celle-ci vise à nous rendre plus mûrs et capables de faire face aux situations qui peuvent se présenter.
Mais on pourrait dire que c'est davantage un cercle vertueux, ou une boucle d'accélération de la la transformation numérique. 

Par ailleurs on peut dire qu'on a mis au jour trois propriétés du numérique comme contexte et comme culture, à savoir que c'est justement un milieu qu'il est important d'apprivoiser et que son intérêt vient de ce qu'il nous permet d'être davantage en relation avec d'autres. Et cela va de paire avec la systémique. Comme le montre la définition du concept fournie dans le lexique numérique, il ne faut pas confondre celle-ci avec la systématicité. 

Cette-dernière représente davantage le danger de revenir à une conception totalisante qui divise, en sur-spécialisant les parties, alors que la systémique correspond bien à la dimension dynamique que valorise l'approche métaontologique. 

Analyse du titre

Lire l'analyse du titre de cette note: «Le dynamisme lié au numérique requiert notre attention».

Les deux premiers sens de la fin du titre 

Les deux premiers sens derrière «requiert notre attention» seraient :

1. C'est un sujet dont il est nécessaire d'effectuer l'analyse 

Il est important de nous intéresser à ce que signifie le dynamisme numérique car ce n'est pas uniquement une vogue ou un vibe ou un trend qui serait boostée à l'innovation techno-scientifique. 

Rappelons que le dynamisme peut exister à de moins hauts degrés d'intensité déjà en relation avec un accès facilité à l'information et de la disponibilité de moyens pour en faire une analyse et un traitement éclairant.

Nul ne peut être contre la vertu. Mais on doit s'assurer de conserver une capacité de suivi et de contrôle critique des orientations que l'on fera prendre à ces méta-systèmes d'analyse ?

Lire «parenthèse sur les humanités numériques»

2. L'analyse révèle que l'objet de toutes les convoitises, c'est notre attention, littéralement

Nous devons à Yves Citton un essai sur l'Écologie de l'attention. 

Il faudrait consacter tout un carnet à cette question.

Et créer une communauté autour des travaux de recherche menés par ce chercher avec une communauté à travers la revue *Multitudes*. 

L'Écologie de l'attention se veut une réponse à l'économie de l'attention.

Voir la note sur l'[interprétation inventrice] selon Yves Citton.

C'est pourquoi Yves Citton suggère d'opposer à cette économie de l'attention, une écologie de l'attention.
(Pour une écologie de l'attention, Paris, Seuil, 2014)

Il avait déjà dirigé un ouvrage collectif publié la même année et intitulé : L’Économie de l’attention. Nouvel horizon du capitalisme ? (La Découverte, 2014).

Pour résumer l'idée au coeur de l'ouvrage de 2014 : « Oui, la sur-sollicitation de notre attention est un problème à mettre au cœur de nos analyses économiques, de nos réformes pédagogiques, de nos réflexions éthiques et de nos luttes politiques. Mais, non, l’avènement du numérique ne nous condamne pas à une dissipation abrutissante.»

On le comprend, c'est en partie pour faire signe vers l'oeuvre de Citton que la note sur le dynamisme fut intitulée de cette façon

Conclusion sur l'analyse du titre 

Ce que nous venons de faire là, en examinant les deux sens principaux de «requiert notre attention», contribue à une «écologie de l'attention» en préparant le terrain pour que vous soyez attentifs pour la suite à l'analyse du titre.

Lire l'analyse du titre de cette note pour mieux comprendre ce que nous essayons de faire ici (et d'affirmer par là).

Rappelons la conclusion de cette analyse :

«Le dynamisme requiert notre attention » signifique que le dynamisme, c'est la propriété qui donne sens au numérique... Et elle nous apparaît suite à l'analyse que nous faisons du numérique en tant que phénomène de convergence (et parfois d'interférence) - à un haut niveau d'intégration - des potentialités de la technique et de la culture.

C'est-à-dire qu'il est plus vrai que jamais de dire que «les dimensions culturelles et techniques de notre activité sont indissociables». 

Les dynamiques numériques viennent donc compléter et rehausser les dynamiques pré-numériques.  Mais peuvent-elle aussi les remplacer ou les appauvrir ?

La multiplicité est une condition nécessaire du dynamisme

La notion de multiplicité est évoquée ici pour éclairer le dynamisme considéré comme une des propriétés fondamentales du numérique, en tant que culture.

Elle est complétée dans ce rôle par la médiation qui lui est reliée par le fait qu'elle introduit, de par sa nature même, de la multiplicité.

C'est ce qui nous fait dire que la médiation est une condition suffisante du dynamisme alors que la multiplicité en est une condition nécessaire, mais non suffisante.

Il n'empêche qu'il est important d'établir clairement qu'une des propriétés constitutives du dynamisme est la multiplicité, ce qui fait qu'elle hérite du titre de «propriété fondamentale» du numérique.

Le lien avec le changement : un rapport évident

(...) Ce que nous soutenons est que la culture numérique se définit de manière plus spécifique comme un contexte marqué par un degré élevé de dynamisme*.  Par conséquent, le changement en fait partie intégrante. Il faut donc que la multiplicité y soit également associée de manière plus étroite. (...)

Le lien avec le performatif tient à la capacité de créer le changement

(...)  le caractère performatif lié au dynamisme qui définit la culture numérique selon nous permet de confirmer que c'est une caractérisation du numérique qui justifie que l'on puisse défendre l'idée qu'il est possible d'y exercer une liberté de choix et d'action. (...)

La multiplicité implique des relations : ça fait partie du sens de la notion

(...) La multiplicité elle-même n'est pas une propriété émergente. Mais comme elle est comprise comme mise en relation d'objets ou de processus, d'agents ou connaissances qui enrichissent les autres réalités auxquelles ils sont associés, en plus d'incorporer leurs qualités (ce qui fait que leur multiplicité intègre bien la notion de différences), on comprend qu'elle est ce qui est élargi par les éditorialisations. (...)

Qu'est-ce que la multiplicité ?

Définition de multiplicité

  • Ce qui rend un étant pensable 
  • Le numérique pourrait-il être une interface entre différents mondes multiples ? 

Le monde numérique est-il particulièrement multiple ?

En quoi la notion de multiplicité colle-t-elle au numérique ?

  • Le nom «numérique» le dit (peut-être mieux que «digital»)
  • Les objets et les êtres le sont car ils sont numérisés en tout ou en partie
  • La part numérique de l'être tend à croître alors que la part non-numérique recule
  • Le fait d'être en mode numérique suppose une diversité d'encodages
  • L'éditorialisation fait que les objets existent en différentes versions
  • Les environnements étant divers, les comportements peuvent varier
  • La culture du remix et les arts de la recomposition
  •  La modalité numérique d'être est marquée par la complexité
  • Les identités deviennent encore plus multiples

Arguments qui penchent dans le sens de moins de multiplicité

  • Centralisation
  • Réduction
  • Uniformisation
  • Concentration

La complexité du numérique est aussi accrue par cette tension

Conclusion : la multiplicité du numérique est-elle assez claire ?

La culture numérique doit convertir l'économie de l'attention en écologie de l'attention

  • Pour que la complexité de la multiplicité numérique convienne à la médiation et parachève son dynamisme dans un sens d'ouverture et non de repli sur soi

Lire la note : La multiplicité est une condition nécessaire du dynamisme

La médiation est la condition suffisante du dynamisme

Qu'est-ce que la médiation ?

Définition générale de la médiation

L'éditorialisation, médiation spécifiquement numérique ?

Le sens de la médiation : produire du divers

Exemples de médiations

Plusieurs types de médiations

La densité particulière des interprétations, ces méta-médiations humaines

  • Les médiations animales sont-elles moins intéressantes que les nôtres ?
  • Le rôle magique de l'imagination pour créer du sens
  • Les génies ne sont pas les seuls maîtres d'oeuvre de leurs hauts-faits
  • Sortir de la vision simpliste de la médiation comme quelque chose entre deux autres aux extrêmes
  • L'approche convenant pour étudier la médiation en contexte numérique

La médiation définit, pour l'essentiel, le numérique

La médiation vient de différentes sources

  • Toute culture est médiation
    • La composante technique du numérique confirme son caractère médié
    • L'éditorialisation est une médiation spécifique au numérique
    • Médiation, un terme forcément imparfait

Le lien entre médiation et dynamisme n'est pas fortuit

  • Les fragments n'ont pas moins d'être que le document qu'ils recomposent
  • Le web est l'hypermédia où l'éditorialisation est le paradigme de la médiation

La lecture est un acte créateur d'espace en contexte numérique

  • L'«écrilecture» renvoie à une mise à niveau des pratiques de lecture et d'écriture 

Lire la note : La médiation est la condition suffisante du dynamisme

En quoi le dynamisme explique-il le paradoxe de confusion concernant le but ?

Comment la confusion concernant le but pouvait-elle être un indice de l'existence d'un dynamisme lié à l'éditorialisation et au couple multiplicité-médiation ? 

À compléter

Conclusion

Comprendre le dynamisme, c'est s'ouvrir à la dimension évolutive du numérique

Le problème avec le fait de se lancer dans des stratégies numériques ce n'est pas le fait de tenter de tenir compte du dynamisme. C'est de le faire en ayant une compréhension superficielle de ce qu'il signifie et en s'appuyant sur des solutions techniques particulières réputées incarner ce dynamisme, afin de nous penser arrivés à un progrès réel en cette matière. 

Cette propriété est annoncée par le premier paradoxe : la confusion concernant le but

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Revenir à la deuxième propriété fondamentale : systémique

Remonter à l'examen de l'ensemble des propriétés fondamentales du numérique

Passer aux conséquences pour la stratégie (à venir)

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Des paradoxes d’une stratégie numérique aux propriétés du numérique (en tant...
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Intégré par Fabrice Marcoux, le 22 mai 2023 18:33
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22 mai 2023

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11 juillet 2023 10:39

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