Systémique : une propriété charnière

On rappellera d'abord en quoi consiste la notion de systémique. 

Puis on identifiera certains aspects du sens d'«être systémique» (l'adjectif en le distinguant de «systématique») qui sont particulièrement pertinents pour désigner le contexte de la civilisation humaine telle que modifiée par l'intégration des NTIC.

On précisera ensuite ce que la dimension systémique de la culture numérique ajoute par rapport à la complexité.

Après avoir évoqué comment des penseurs sensibles à cette dimension de l'interconnexion comme McLuhan et Stiegler (à la suite de Simondon) ont élaboré des concepts pour nous aider à appréhender cette évolution du contexte global  vers une forme d'intégration ouverte (écologie des médias, anthropocène), la fin de la note servira à exposer les différentes raisons qui nous permettent de qualifier cette propriété (systémique) de «charnière» (faisant le pont entre complexité et dynamisme).  En guise de conclusion critique, on reconnaîtra le risque qui demeure tout de même d'une dérive totalitaire en lien avec cette propriété (si elle est détournée à des fins de domination).

Voir définition de systémique dans le carnet Lexique numérique

Note de prudence dans l'interprétation du sens du terme :
Attention : la notion de racisme systémique est souvent évoquée dans les médias depuis quelques années. Dans cet usage, on parle parfois du fait qu'il y ait des patterns qui se répètent comme un signe de l'existence d'une telle orientation prédéfinie. La notion de systémique comme je la comprends ne devrait pas conduire à la répétition du même comportement de manière identique. Et il ne devrait pas y avoir une prévisibilité qui y soit associée. Ma distinction entre systémique et systématique permet de comprendre que systémique ne signifie pas qu'un système est en place pouer conduire automatiquement à une conséquence, comme ce serait le cas pour «systématique». Le principe d'organisation des contextes où une dimension systémique prend forme n'est pas déterministe. Mais le fait que les relations qui concourent à produire quelqu'effet soient plus distendues ne veut pas dire qu'elles ne sont pas puissantes. Si on disait que le racisme systémique existe dans notre société, cela voudrait dire que ce n'est pas un système qui engendre le racisme mais un ensemble de facteurs diffus qui combinés conduisent à augmenter les probabilités qu'il y ait du racisme. Et cela ne voudrait pas dire que le racisme aurait moins d'être dans cette société pour autant. D'ailleurs je signale d'entrée de jeu dans cette note que la notion de systémique fait peur. J'aurais pu référer aux débats actuels sur l'existence ou non du racisme systémique dans la société québécoise. Mais je l'explique de manière plus générale en raison du fait qu'elle est associée à l'idée de répétition. Et je donne des exemples qui permettent de comprendre quel est le sens de systémique, qui est un concept très important, mais utilisé de manière différente dans certains cas lors des discussion sur ces sujets, en évitant les réactions crispées que l'évocation du terme dans ce contexte peut susciter. Du moins j'espère que je contribue par ma note sur systémique et par la définition proposé de comprendre quelque chose que la polémique obscurcit présentement. 

Si je ne devais retenir qu'une notion pour exprimer la nature du numérique, je crois que je choisirais «systémique».

Clarification du sens de «systémique» (éclairages et explications)

«Systémique» est à la fois un adjectif et un nom

Quelque chose de systémique est généralement quelque chose qui fait peur. Parce que c'est quelque chose qui revient. On dit que les problèmes de circulation automobile sont systémiques : chaque matin il y a des bouchons. C'est parce que c'est lié à la combinaison de la configuration du réseau des routes, rues et ponts (l'organisation des infrastructures) et des dynamiques de déplacement des résidants des banlieues qui viennent travailler en ville le matin et qui rentrent chez eux en fin d'après-midi. On pourrait dire que c'est un peut l'équivalent de «structurel». On dira aussi que les faibles résultats des garçons à l'école en français ainsi que le décrochage scolaire plus élevés chez eux que chez les filles au Québec (et sans doute ailleurs dans le monde) est quelque chose de systémique. Ça ne veut pas dire que c'est systématique. Il peut y avoir des années où ça ne sera pas le cas, des régions où l'écart est moins significatifs, des écoles où on réussit à inverser la tendance. 
Systémique renvoie donc à quelque chose qui a une certaine «consistance», au sens où ça a une cohésion interne de sorte que les phénomènes qui peuvent être qualifiés de systémiques «se tiennent»,  contrairement à ce que le caractère abstrait du mot laisse entendre. 

Comme on le verra, cependant, ce n'est pas obligé d'apparaître comme des corps dans l'espace pour que ça soit. Les précipitations sont quelque chose de systémique, parce qu'elles sont liées à des phénomènes qui ne se voient pas mais qui le sont tout autant, l'évaporation et la condensation (considérée dans sa phase pré-visible). Mais ce n'est pas systématique parce que même si on c'est que ça va revenir, on peut difficilement prévoir où et quand avec assurance.

Envisagée sous cet angle, la notion de «systémique» (en la distinguant de «systématicité») fera peut-être moins peur. Et la difficulté à discerner si on parle ici d'un adjectif ou d'un nom est intéressante: elle nous révèle quelque chose de son sens. Les qualités qui font d'un tout (le plus souvent complexe) quelque chose qui peut avoir une telle «solidité» sont des aspects de la chose qui sont distincts d'elle, à savoir la manière dont sont organisées les relation entre ses éléments composants. L'idée de systémique renvoie un peu à la capacité qu'on certaines qualités de se transformer en substance, ou à tout le moins à permettre que quelque chose qui les dépasse, soit. Comme lorsqu'on dit que le tout dépasse la somme des parties. L'idée de systémique c'est un peu ce principe d'une supra-propriété qui est difficilement reproductible et qui fait que plusieurs éléments sont articulés entre eux suivant des rapports dynamiques davantage que statiques.

D'après cette définition de «systémique» comme adjectif principalement, mais qui peut bien, en vertu de son sens et de la nature des phénomènes qu'il désigne (en partie invisibles, mais le plus souvent évolutifs et généralement cycliques), prendre valeur de nom de temps en temps, on pourrait dire que la vie est «systémique», et qu'elle est peut-être même la «systémique» par excellence. Mais on pourrait être plus spécifique, et parler de la vie sur Terre, ou de la vie de telle espèce sur Terre. 

Envisagée sous un certain angle, en tant que nom, la systémique peut donc renvoyer à un phénomène vaste et complexe comme la vie. Ainsi, on se rend compte qu'on a moins raison d'en avoir peur sous prétexte qu'elle désigne quelque chose qui revient, comme on pouvait en avoir l'impression de prime abord. En effet, s'il y a une réalité merveilleuse, c'est justement le fait que la vie revienne inlassablement. Le retour de la végétation au printemps en est une éloquente illustration. C'est quelque chose de systémique qui tient au rythme des saisons, mais aussi à la génétique des plantes. La perspective écosystémique intègre des facteurs relatifs aux dynamiques biologiques et des facteurs tenant à l'organisation physique du territoire (qui a une histoire où les êtres humains sont forcément intervenus puisqu'ils ont un impact sur le climat). 

Si on cherche la meilleure illustration possible d'une utilisation combinée des mots «systémique» comme nom et «systémique» comme adjectif, soit un exemple de «systémique systémique», on devrait donc choisir «la vie animale dans un écosystème».

Si on parle de vie, en sous-entend qu'il y a une dimension dynamique très forte dans le «système» en question, et le terme «dynamique» va revenir plus loin pour parler de ce à quoi s'intéresse la méta-ontologie, comme l'exprime bien la définition du concept d'éditorialisation qui est un de ses concepts clés. Pour distinguer un peu artificiellement les choses, nous ferons de la «dynamique» un équivalent de la combinaison de «multiplicité» et de «médiation». De ce point de vue, la propriété «être systémique» - qu'on pourrait nommer abstraitement «systémicité» (et qui n'est pas réductible à «systématicité» encore une fois) - est une condition de possibilité pour que du dynamisme survienne. Mais réciproquement, on pourrait dire que c'est parce qu'il y a une propension pour qu'une dynamique survienne, qu'une configuration de relations présentant une certaine cohésion - tel un réseau de liens en mouvement récurrent mêlant un degré certain de cohérence et un certain caractère aléatoire (comme les mouvements browniens en fournissent de nombreux exemples : un nuage de moucherons au dessus du gazon) - dessine un motif qui fluctue mais qui perdure, qu'une systémique peut être repérée.

Nous venons d'utiliser clairement le mot «systémique» comme nom. La systémique peut être considérée comme une discipline qui étudie les logiques suivant lesquelles des processus ou des phénomènes en viennent à former de telles complexions de forces et de facteurs qui font que des dynamiques systémiques peuvent émerger. Une systémique peut aussi être un phénomène qui a toutes les caractéristiques d'une base pour qu'une propriété émergente comme la dynamicité ou une nouvelle forme de vie ou d'organisation sociale survienne.

Le caractère global du numérique comme écosystème en fait une dynamique systémique

Si on dit que le numérique est une culture qui est caractérisée par le fait d'être systémique, on dit donc qu'elle présente des régularités à travers les différentes manières dont elle a pu se développer en différents lieux et à diffentes périodes, et que les motifs qui peuvent servir à la dépeindre selon les différentes dimensions où elle se déploie : dans les pratiques en éducation et en recherche, avec l'apparition du mouvement des humanités numériques, dans le domaine des réformes gouvernementales et des secteurs institutionnels, avec la mise en place de dispositifs favorisant la concertation et la consultation du public, présentent aussi certaines analogies... Ce qui a pour conséquence qu'une culture numérique devrait être capable de soutenir l'émergence de variantes sur le thème de son motif fondamental. Et une vision du monde comme systémique (si on considère que le numérique n'est rien d'autre que la révélation de ce que le monde lui-même, dans son être, a un caractère systémique) en fait un conception du monde où le devenir, non pas suivant un chaos mais avec une liberté définit mieux le cosmos que l'être au sens parménidéen (d'une sphère pleine et ne connaissant pas le changement).

Nous nous répétons peut-être mais «la systémique» (le nom) pointe vers la dynamicité (la propriété abstraite), et le «dynamisme» exprime le fait que ce potentiel d'évolution qui était dans le «système» est activé. Maintenant on évite de parler de «système» pour ne pas réduire ce réseau de relations en équilibre instable à une substance qui serait figée. Par contre, différentes dynamiques articulées de manière rigoureuse entre elles peuvent constituer un système.

Définition de systémique

Quatre concepts liés à systémique

Les quatre «concepts fondamentaux » derrière l'idée de systémique selon la définition de la notion dans Wikipédia:

  1. Interaction (relations)
  2. Globalité (totalité)
  3. Organisation (central)
  4. Complexité (le cœur du sens)

Concernant l'organisation (3) on mentionne que « c’est le degré d’organisation d’une totalité qui fait passer d’un niveau hiérarchique à un autre, et fait émerger de nouvelles propriétés.» 

Voir le lien vers l'article complet en référence sous la note «Systémique (adj. et nom)»

La notion de complexité appelle-t-elle nécessairement celle de système ? Un système peut être assez simple. Mais la complexité peut conduire au chaos. Le monde numérique est-t-il forcément chaotique ? 

Dépasser la dépendance au système par la deuxième systémique

Il est difficile de faire abstraction de la notion de système lorsqu'on parle de systémique.

On peut distinguer les systèmes fermés et les systèmes ouverts.

Première et deuxième systémique

La systémique implique dans les deux cas que quelque chose qui n'est pas dans les parties apparaît par la formation du tout. Même si un système est composé de sous-systèmes, les relations et interactions entre ces sous-systèmes font en sorte que quelque chose de différent existe du fait de leur imbrication dans un ensemble de niveau supérieur.

Pour distinguer les deux on parle de première systémique et de deuxième systémique.

Si on peut faire remonter la notion de systémique à la théorie des systèmes de Condillac (Traité des systèmes, 1749), et considérer le langage comme le meilleur exemple de systémique (on parle avec De Saussure de Système de la langue), c'est à un biologiste autrichien, Ludwig von Bertalanffy, que l'on doit la formulation de la théorie plus générale de la systémique. 

La première systémique (apparue dans les années 1950 avec l'apport de Bertalanaffy), concerne les systèmes fermés : «elle est centrée sur les concepts de structure, d’information, de régulation, de totalité et d’organisation» (Wikipédia).

La deuxième systémique (dans les années 1970 et 1980), et intégrant deux autres concepts essentiels : la communication et l’auto-organisation (ou autonomie). « À la base du concept d’auto-organisation, on trouve celui de système ouvert développé par Bertalanffy : un système ouvert est un système qui, à travers ses échanges de matière, d’énergie et d’information, manifeste la capacité de s’auto-organiser. 

Mais c'est l'idée de régulation qui paraît centrale.

Le retour à l'équilibre peut se faire par des processus systémique relativement simples comme celui du thermostat, qu'on qualifie de cybernétiques, ou par des processus plus complexe comme pour le métabolisme, qu'on qualifie d'homéostasie.

La notion de système ouvert peut respecter les principes de la thermodymamique

L'auto-organisation devient possible avec les systèmes fermés très complexe, auxquels s'appliquerait en théorie non seulement les grands principes de la thermodynamique, ceux de la conservation de l'énergie et de la conversion de l'enthalpie en entropie (au fur et à mesure de l'évolution du système), mais encore les lois de la physique et de la chimie. 

Et il serait possible en théorie que le système revienne alors à son état initial, s'il était parfaitement fermé. Mais cela n'est pas possible en pratique. Car tous les systèmes sont au moins partiellement ouverts.

Lien entre la notion de systémique et celle d'équilibre

1. Régulation

2. Équilibre homéostatique

3. Équilibre instable

4. Écosystème

La notion d'écosystème implique l'idée de régulation pour un retour à l'équilibre.

C'est d'ailleurs un des grands principes de la science que la nature aime l'équilibre.

Mais peut-être que cela fausse nos perspectives sur ce qu'est la nature profonde de la vie, qui est peut-être davantage mouvement.

Trois types de situations «systémiques»

C'est moi qui proposais cela mais cela pose des difficultés vues les différentes typologies existant déjà.

Par contre en relisant le début de la définition dans Wikipédia, j'ai constaté que la première systémique est qualifiée de statique :

« La première systémique, des années 1950 à 1970, est souvent considérée comme statique, centrée autour des systèmes théoriques fermés étudiés en France par le structuralisme, aux États-Unis par la cybernétique et la théorie de l'information ;»

Systémique statique

Si on prend un pont, le fait que tous les éléments soient reliés les uns aux autres en fait une illustration d'une systémique. Étant donné le fait que la force de gravité s'exerce de manière constante sur l'ensemble des composantes, fait en sorte que le pont se tient grâce à un équilibre des forces. Si on retire un certains nombres de montants savamment choisis de la structure du pont, l'équilibre entre ces forces risque d'être rompu et une partie du pont pourrait s'écrouler. On pourrait aussi prendre l'exemple du château de cartes. Le chuc provoqué par l'écroulement des composantes supérieures étant susceptible d'occasionner de nouveaux dommages qui vont aggraver la détérioration de l'ouvrage.

Ce ne devrait pas être limité à des cas où il n'y a pas de mouvements.

Mais s'il y a des mouvements, il faudrait qu'ils soient déterminés.

Systémique dynamique

La régulation de la température interne du corps chez les mammifères. Comme nous l'avons dit c'est beaucoup plus complexe que le maintient de la température d'une pièce avec un système de chauffage équipé d'un thermostat.

Si on revient à la distinction entre première systémique première et deuxième systémique telle que présentée dans l'introduction à l'article dans Wikipédia, on voit que la deuxième est associée à un nouveau concept celui d'émergence :

« La deuxième systémique, à partir des années 1970, naît avec l'apparition des concepts d'émergence et d'auto-organisation, et débouche sur une conception plus ouverte et appliquée des systèmes complexes.»

Selon la définition donnée ici d'émergence elle découlerait d'une forme d'organisation qui implique la création de niveaux hiérarchiques.

« La notion d’organisation retrouve donc celle d’émergence, dans la mesure où c’est le degré d’organisation d’une totalité qui fait passer d’un niveau hiérarchique à un autre, et fait émerger de nouvelles propriétés. L’émergence est la création d’un niveau hiérarchique supérieur.»

La boucle du son entre micro et haut-parleur à travers une console serait elle une simple boucle cybernétique ? Nous croyons que oui. Il y a auto-alimentation mais pas de régulation ni d'auto-organisation ici.

Systémique hybride ou homéostatique

Exemple possible : La congestion sur les routes conduisant aux métropoles lors de l'heure de pointe. Pas sûr.

Peut-être un budget ? Mais c'est plutôt fermé.

Sans doute plusieurs sortes de jeux. Certains jeux tendent plus vers le dynamisme comme Donjon et Dragon, alors que d'autes sont plus fermés comme Tic Tac To.

Un système hybride ce serait un jeu comme Risk où on peut faire des alliances.

Renvoyer au lien avec complexité.

La boucle de rétroaction entre médias chauds et état du sensorium humain dans l'optique de l'écologie des médias de McLuhan

Comment une systémique dynamique implique de penser les ruptures et la mutation

Voir la notion de "capacité" dans Alain Bourdin, Mac Luhan. Communication, technologie et société (Psychothèque, 1970):

Si la capacité d'un média est grande, c'est qu'il offre de grandes possibilités d'intellectualisation immédiate. Il s'agit alors d'un média chaud. Si elle est faible, il faut alors que l'on passe par des médiations pour arriver à une élaboration intellectuelle équivalente. Il s'agit alors de médias froids. Le degré de participation demandé au public est alors plus élevé. (p. 34)

À partir du moment où McLuhan pense ce qui peut survenir lorsqu'on parvient à un point de rupture, et que la capacité du média dépasse l'intérêt du public ou que la participation requise est trop élevée, ou lorsqu'il y a des interactions entre différents médias, ou des passages à l'échelle dans les vitesses auxquelles ils peuvent se déployer, on revient à des systémiques dynamiques.

De plus (autre difficulté), la systémique dynamique est une théorie particulière qui précise que sous un chaos apparent il peut exister un ordre. Cela pourrait rejoindre ce que j'essaie d'exprimer, mais c'est souvent utilisé afin de réintroduire une calculabilité déterministe.

La spécificité du numérique

Le numérique n'invente pas la systémique mais il s'inscrit bien dans cette logique

On l'a vu l'histoire de la systémique remonte déjà à plusieurs décennies si ce n'est plusieurs siècles, et la cybernétique y a contribué en s'inspirant des processus de gestion de paramètres par des logiciels informatique.

«La « théorie générale des systèmes » constitue essentiellement un modèle pouvant s’illustrer dans diverses branches du savoir, par exemple la théorie de l’évolution.»

Affinité entre systémique et informatique 

Évidemment, le fait que l'informatique soit une application d'une pensée systémique, avec la notion de boucle conditionnelle qui joue un rôle important dans la programmation, avec la prise en compte de variables et de fonctions, fait en sorte que le numérique, qui y est fortement associé, se qualifie comme un candidat de choix pour être considéré comme un promoteur d'une telle approche théorique pour comprendre (et pour transformer) le monde.

Le numérique favorise les interactions qui contribuent au caractère systémique de la société

Il permet de faire en sorte qu'il y a plus de situations où on peut interagir avec un contexte où une systémique au moins partiellement dynamique est à l’œuvre.

Le fait que le web soit un réseau implique que l'approche systémique se démarque

Clairement, le fait que l'internet ait permis de mettre en réseau des milliards d'ordinateurs et que ceux-ci sont considérés comme autant de noeuds dans un graphe d'une complexité formidable fait en sorte que la systémique devient nécessaire pour penser ce genre de contexte. Du coup, elle se trouve promue comme l'approche théorique toute désignée pour expliquer les développements du monde y compris certains aspects moins désirables comme les chambres d'écho et les biais de confirmation.

Le numérique étend le domaine de la thermodynamique

Le numérique fait advenir un contexte où les systémiques naturelles et technologiques peuvent être de plus en plus intégrées, faisant apparaître une forme d'extension du domaine de la thermodynamique.

On peut aussi considérer qu'il fait advenir des dynamiques qui sont d'une nouvelle nature car il produit un changement de paradigme qui modifie la nature de notre environnement, un peu comme lorsque McLuhan disait que les satellites et les médias électroniques de masse avaient fait entrer l'humanité dans le «village global» (McLuhan).

Mais pour l'instant, disons plus prudemment que le numérique met en situation systémique plusieurs contextes qui pouvaient avoir un certain degré de systémicité interne mais qui n'avaient pas un aussi haut degré de systémicité globale (ils n'étaient pas intégrés à ce point dans l'écosystème informationnel qu'on pourrait appeler l'«infosphère», à la suite de Luciano Floridi).

Dans le cas du web statique on peut dire qu'il est un ensemble de contenus informationnels connectés par une systémique statique.

Mais déjà là cela met la table pour des dynamiques comme on le verra avec la troisième propriété. Car chacun peut accéder à ces contenus, les copier, les transformer et les republier sur le web ou intégrer des liens vers ces contenus à partir de ses propres contenus. Une interconnexion globale peut alors avoir lieu.

Et cela n'échappe à personne. Parce que justement si l'information est disponible, cela veut dire que certaines personnes peuvent le retravailler pour en dégager d'autres propositions.

Le web dit «des données» (ou Web 2.0) ainsi que les pages web dynamiques ont quelque chose de plus ... mais c'est surtout la prise en compte des données massives et l'interconnexion des objets singuliers et des individus qui fait que l'organisation du sens devient la source d'une transformation du monde social.

Le numérique est devenu un organisme collectif.

Liens avec la complexité

Liens entre systématique et complexité (et multiplicité)

On le voit il y a une lien avec la notion de complexité...

« La complexité d’un système tient au moins à trois facteurs :

  • le degré élevé d’organisation ;
  • l’incertitude de son environnement ;
  • la difficulté, sinon l’impossibilité, d’identifier tous les éléments et toutes les relations en jeu.

D’où l’idée que les lois qui permettent de décrire ce type de système ne conduisent pas à sa reproduction à l'identique, mais à la détermination d'un comportement global caractérisé par une prédictivité réduite.»

(Cf. définition de "systémique" dans Wikipédia).

Alors oui, la complexité amène la prise en compte de l'aspect qu'on pourrait qualifier de systémique. Et la systémique, elle a quelque chose de très positif, parce que justement, il y a une reconnexion possible comme on le voit avec l'exemple de l'automation, où il y a une boucle de rétroaction, comme dans la thermodynamique et la cybernétique, avec un feedback, qui fait que - pour prendre un cas tiré de l'industrie - le robot commandant un chalumeau ajuste l'intensité de la chaleur pour assurer une bonne coupe (sans gaspiller d'énergie) en fonction des autres caractéristiques renvoyées par l'analyse du matériel à couper (par exemple s'il y a plus de retour de la chaleur car elle ne passe plus au travers). C'est un exemple de relation systémique, puisque le chalumeau renvoie l'énergie nécessaire en fonction de ce qui est requis (probablement grâce à un capteur). On peut parler de systémique à propos de relations relativement simples comme celle-ci mais aussi à propos d'en sembles de relations présentant divers degrés de complexité et de cohésion. 

Voir la note sur le paradoxe de «confusion concernant le but» où on évoque la place de l'inconscient dans le choix des buts.

Enjeux éthiques et politiques de la systémique

La tentation du déterminisme

La tentation de réduire la systémique à une série de causes déterminées 

Si on voit dans l'approche systémique une solution au problème de l'incertitude qui faisait partie de ce qui rendait le contexte numérique «complexe», et qu'on s'efforce de réduire tous les facteurs qui échappent à l'analyse à des paramètres calculables, afin de pouvoir atteindre un degré de prévisibilité suffisant pour affirmer des choses sur l'avenir avec certitude, on risque de réduire significativement le degré de liberté humaine.

Il s'agit d'un enjeu éthique, car si on adopte une théorie qui prétend expliquer comment les phénomènes complexes que nous observons sont possibles scientifiquement, dans une perspective déterministe, inspirée du mécanisme, il devient impossible de considérer les êtres humains comme libres. 

Ce premier enjeu éthique est donc à mettre en relation avec le second, soit le risque du retour à une totalisation liberticide.

Le risque d'un retour à une totalisation liberticide

Lorsque le systémique devient système clos

Comme on vient de le voir la question de la systémique, elle aussi, est très riche. Et en même temps, elle a l'avantage de poser la question du risque que représente le fait de rentrer dans l'ère numérique avec la volonté d'aller au bout de ce qu'elle peut nous apporter, et donc de réussir à tout intégrer dans une conception du monde qui est complexe au point de pouvoir tout inclure, justement, en assignant chaque chose à sa place. Et là on reviendrait à l'équivalent de ce que la «Galaxie Gutenberg» faisait, selon Marshall McLuhan. Voir l'ouvrage du même nom : La Galaxie Gutenberg (Mame, 1964) [à expliciter]

La question de la systémique, qu'il n'est pas évident de différencier de celle de systématicité (qui lui est associée par l'intermédiaire du concept de «système»), est à la fois technique et très riche philosophiquement. Comme nous le verrons (et comme l'indique le concept de «totalité» dans la liste ci-haut), elle comporte le risque de porter l'esprit à tomber dans une forme de raccourci iintellectuel qu'on pourrait appeler : «tendance à la totalisation» ou «réflexe de fermeture». Même s'il n'est pas toujours agréable de devoir travailler avec des concepts délicats à manipuler, le fait d'accepter cette contrainte apporte un avantage. Outre l'intérêt du concept de systémique, une fois qu'on l'a bien compris , la proximité avec la notions voisine de systématicité - qui suppose une rigidité plus grande (moins d'ouverture) - permet  poser la question du risque que représente le fait de rentrer dans l'ère numérique avec la volonté d'aller au bout de ce qu'elle peut nous apporter, et donc de réussir à tout intégrer dans une conception du monde qui est complexe au point de pouvoir tout inclure, justement. Si l'inclusion est une bonne chose, le fait de recourir à un système trop systématique dans son organisation, pour organiser de manière ordonnée toutes ces choses, et qui permettrait de reproduire l'idéal de la pensée rationaliste, voulant qu'il y ait «une place pour chaque chose et chaque chose à sa place», aurait de quoi inquiéter et devrait susciter la méfiance. Car, à ce moment-là (et il faudrait voir comment on y arriverait car on peut utiliser des systèmes de classements plus flexibles), on risquerait de revenir à une civilisation qui exclut au contraire, en divisant et en alignant tout en fragments dissociés de l'ensemble, soit l'équivalent de ce que l'ère moderne a fait selon Marshall McLuhan (et bien d'autres penseur.e.s) en poussant la logique de la mécanisation à l'excès. McLuhan nommait cette période «la Galaxie Gutenberg». C'est aussi le titre d'un de de ses principaux ouvrages (le titre complet est : La Galaxie Gutenberg face à l'ère électronique et le sous-titre : «les civilisations de l'âge oral à l'imprimerie»).

La Galaxie Gutenberg fait évidemment référence à l'invention de l'imprimerie mécanique (la presse à imprimer utilisant les linotypes, soit des moules des formes des lettres inversées pour permettre l'impression répétée du même message «optimisé» grâce à l'uniformité des caractères.

C'est à dire que, grâce à la capacité de tout aligner, des caractères typographiques qui sont chacun isolés et «bien formés» grâce au modèle du linotype et qui peuvent être reproduits, répétés à l'identique, des milliers de fois, on arrive à projeter à travers la succession des pages du livre, une représentation linéaire de ce qui y est exprimé. De manière à ce que le principal message de tout livre soit finalement : «rassurez-vous, comme vous le voyez, le monde est saisissable par la capacité de représentation humaine», c'est-à-dire que tout peut être intégré dans la raison, avec l'aide de la vue.

Alors oui, la complexité amène la prise en compte de l'aspect qu'on pourrait qualifier de systémique. Et la systémique, elle a quelque chose de très positif, parce que justement, il y a une reconnexion possible comme on le voit avec l'exemple de l'automation, où il y a une boucle de rétroaction, comme dans la thermodynamique et la cybernétique, avec un feedback, qui fait que - pour prendre un cas tiré de l'industrie - le robot commandant un chalumeau ajuste l'intensité de la chaleur pour assurer une bonne coupe (sans gaspiller d'énergie) en fonction des autres caractéristiques renvoyées par l'analyse du matériel à couper (par exemple s'il y a plus de retour de la chaleur car elle ne passe plus au travers). C'est un exemple de relation systémique, puisque le chalumeau renvoie l'énergie nécessaire en fonction de ce qui est requis (probablement grâce à un capteur). On peut parler de systémique à propos de relations relativement simples comme celle-ci mais aussi à propos d'ensembles de relations présentant divers degrés de complexité et de cohésion. 

Ce qui précède étant trop résumé, cela peut donner l'impression d'une vision un peu caricaturale. Il n'empêche que ça a mené à quelque chose qui s'apparente à ça, pour une bonne partie du monde qui a connu ces usines où on travaillait à la chaîne. Et après, avec l'automation, selon McLuhan, et avec le satellite et le télégraphe, il y a eu la connexion simultanée de tous et ça a amené à une sorte de communion à travers le fait d'écouter une émission de télévision, à travers le spectacle rock,... 

D'ailleurs, McLuhan montre que les textes des romanciers comme James Joyce avec Ulysse et Finnegans Wake, peuvent être une traduction des transformations psychiques de l'humanité avec la télévision entre autres.

Donc, voyez-vous, tout est relié de ce point de vue-là, et c'est quelque chose qui est analysé par plusieurs personnes, dont Bernard Stiegler, avec son idée d'organologie appuyée sur l'idée que nous sommes entrés dans (l'époque de) l'anthropocène, où  l'être humain a transformé l'environnement, y compris la géologie, à un point où la Terre est devenue en partie déterminée par ses actions; mais du coup, il est déterminé en retour par ses propres actions qui modifient le contexte dans lequel il a évolué.

L'idée d'«organologie des savoirs» (à distinguer de la science des instruments de musique, même si elle s'en inspire), est présentée dans Digital Studies. Organologie des savoirs et technlogies de la connaissance (FYP, 2014).

Bernard Stiegler y soutient que «le numérique constitue une mutation globale des savoirs sous toutes leurs formes (scientifiques, artistiques, politiques, sociaux au sens le plus large, pratiques dans tous les domaines) qui pose des questions épistémologiques fondamentales et radicalement nouvelles».

De sorte que l'être humain dépend de ses propres décisions, ce qui double l'importance et les enjeux reliés aux décisions qu'on prend, et qui nous oblige à un esprit critique exercé, pour faire preuve de vigilance et de discernement, afin d'arriver à infléchir le sens de ce système-là dans son évolution pour éviter que la spirale ne s'emballe.

Pourquoi est-ce que je parle de la dimension systémique du numérique comme d'une propriété charnière ? C'est pour plusieurs raisons comme vous vous en doutez. 

Pourquoi une propriété charnière ?

Si j'ai intitulé cette note «Systématique : une propriété charnière», c'est parce que c'est une propriété du numérique qui est la première à nous faire prendre véritablement conscience que lorsqu'on parle du numérique, on parle du monde en fait.

Parce que la systémique met en évidence le lien entre numérique et monde

En effet, elle renvoie à cette capacité de re-structuration de l'espace que portent en elles les dynamiques qui «convergent dans une série élevée» à l'ère du numérique, de manière plus claire que les autres (même si elle est aussi «impliquée», c'est le cas de le dire, dans la notion de médiation, qui est une pliure de l'espace - pour ne pas dire «donnant lieu à (de) l'espace » comme on le verra en lien avec [dynamisme]).

Parce que c'est un pont

En même temps elle fait le pont entre complexité et dynamisme qui viendra intégrer les deux prochaines propriétés tout en étant déjà dans une relation d'interdépendannce avec le dynamisme.

Parce que c'est un milieu

Systémique renvoie à relations en équilibre instable, comme je l'écrivains à l'instant et c'est le milieu qui constitue le monde à l'époque du numérique qui est constitué par ces relations. 
On risque de se faire critique pour le caractère purement représentationnel de cette notion. Marcello Vitali-Rosati parle de médiation inscrite. Mais cela était mentionné dans notre premier carnet quand nous parlions de la nécessité de cette inscription tenant compte des contraintes et de la finitude associées à la matérialité de ce milieu.

Parce que ce sont des relations matérielles

C'est pourquoi on peut parler de matrice qui est un tissu. Et cela est physique aussi bien par ses effets que par ses conditions de possibilité techniques, dont les réseaux, les câbles, les serveurs, et l'énergie consommée comme l'eau utilisée et les autres ressources consommées.

Alors j'ai pris beaucoup de précautions en m'exprimant parce que c'est une idée porteuse et riche, le «système» et le systémique et il y a des mots qui sont similaires, comme organisme, holisme... et voilà qu'on pourrait imaginer des relations avec les pensées de philosophes comme Diderot dans *Le Rêve de d'Alembert*, où il utilise des métaphores - et j'avais pensé mettre ça aussi de l'avant - pour montrer c'est quoi l'organicisme, le vitalisme. Et là, ça s'opposerait à une vision mécaniste encore une fois, où là les choses sont dissociées et disséquées et divisées, alors que dans l'autre tout est relié. Donc l'idée de relation est très importante dans la systémique, et là ça rejoint la vision de la [métaontologie] de Marcello Vitali-Rosati, où ces relations sont des médiations (des actions de mise en relation) qui sont non seulement inscrites mais aussi matérielles. C'est d'ailleurs en raison de ce caractère actif des relations que la propriété d'être systémique rejoint celle du dynamisme.

Le lien avec le paradoxe de manque de connaissance du contexte était pertinent

Rappel des analogies utilisées pour comprendre le paradoxe associé

  • Terrain
  • Jeu
  • Terrain de jeu
  • Navigation

Dans le cas de la stratégie, l'analogie utilisée est celle du choix du véhicule pour évoluer sur ce terrain.

Comment choisir le véhicule le mieux adapté si on ne sait pas la nature du terrain.

On pourrait aussi parler de la boussole ou des instruments de navigation de manière plus large.

La notion de jeu est un bon exemple de contexte systémique 

Lorsque nous avons voulu exprimer pourquoi il pouvait être paradoxal de chercher à se doter d'une stratégie numérique alors que nous ne connaissons pas bien le contexte que nous appelons «le numérique», nous avons utilisé l'analogie du jeu entre autres, afin de faire comprendre l'aberration qu'il semble y avoir à participer à une partie dont on ne connaît ni les règles, ni le but.

Nous ne cherchions alors qu'à faire comprendre pourquoi cela paraissait absurde. Et nous avons donc comparé le contexte numérique à un jeu et la stratégie numérique à la stratégie que pourrait mettre de l'avant un joueur pour gagner.

Nous nous sommes montrés ouverts à l'idée que la comparaison soit partiellement inappropriée. Probablement que le contexte numérique n'est pas un jeu. Ou peut-être est-ce un jeu mais que nous n'en connaissons pas la nature.

Puis nous avons relié cette manière d'envisager le paradoxe avec la propriété d'être systémique car cela avait avoir avec le contexte (alors que le dynamisme avait d'avantage rapport avec le sens - ce qui est relié au changement - et que la complexité était plus reliée à la structure: l'élément collectif étant structurant).

Ce que nous n'avions pas réalisé à ce moment-là est que la notion de «jeu» est particulièrement pertinente pour la systémique non seulement parce qu'il s'agit du contexte, mais parce que les jeux sont des contextes systémiques. Certains jeux sont fondés sur des systèmes clos (échecs, jeux de cartes), alors que d'autres requièrent la mise en place de systèmes ouverts ou à tout le moins des systémiques hybrides (jeux de rôles, jeux d'alliances).

Et c’est là que la dimension éthique intervient: il est de notre responsabilité de savoir dans quel type de «partie» on est embarqué. Et l’enjeu politique est le suivant : s’il s’avère que le terrain de jeu oscille entre fermeture et ouverture, c’est notre manière de nous conduire dans le jeu qui pourrait faire en sorte que l’ouverture l’emporte globalement sur la fermeture.

Le fait que le numérique soit systémique préfigure son dynamisme

Systémique et dynamisme sont reliés par le concept d'équilibre instable

Systémique renvoie selon moi à la notion de «relations en équilibre instable», comme je l'écrivais à l'instant et c'est le milieu qui constitue le monde à l'époque du numérique qui est constitué par ces relations. 

Lorsque je parle d’ «équilibre instable», je pense à un équilibre qui peut se déplacer comme les équilibres homéostatiques en thermodynamique (théorie des systèmes clos). Mais je pense surtout à une compréhension plus dynamique des équilibres en mouvement qui peuvent caractériser les écosystèmes les plus complexes comme celui qui permet la vie sur Terre, ou les échanges entre les civilisations humaines (ou entre humains et machines et autres formes d'êtres communiquancs comme les animaux et les extra-terrestres...) soit ceux qui peuvent survenir dans les milieux plus ouverts. Je vous invite à visionner et écouter le film Koyaanisqatsi, Life out of balance, du réalisateur Godfrey Reggio, qui propose un montage expérimental d'images en mouvement (parfois accéléré) du monde naturel et culturel, animal et humain sur une musique de Philip Glass. Le concept de Kayaanisqatsi est difficile à traduire en français. On pourrait utiliser l'expression «Vie en déséquilibre» ou «Vie tumultueuse». L'interprétation proposée est : l’avancée de la technologie sur la nature. Or, si on conçoit les technologies comme des prolongements de la nature, on peut comprendre le concept comme des déplacements d'équilibres. Ce qui n'exclut pas les tempêtes.

Relation avec différentes philosophies

La phénoménologie et la métaontologie 

Importance de parler d'inscription matérielle (matrice au sens de chair ou tissu)

On risque de se faire critique pour le caractère purement représentationnel de cette notion. Marcello Vitali-Rosati parle de médiation inscrite. Mais cela était mentionné dans notre premier carnet quand nous parlions de la nécessité de cette inscription tenant compte des contraintes et de la finitude associées à la matérialité de ce milieu. C'est pourquoi on peut parler de matrice qui est un tissu ou une «chair du monde» comme disait M. Merleau-Ponty, s'inspirant de la notion de «monde-vécu» développée par Edmund Husserl (dans la Krisis : La crise des sciences européennes et la philosophie), le penseur de la phénoménologie qui a aussi inspiré Heidegger et Sartre.

Et cela est physique aussi bien par ses effets que par ses conditions de possibilité techniques, dont les réseaux, les câbles, les serveurs, et l'énergie consommée comme l'eau utilisée et les autres ressources consommées.

L’organicisme vitaliste de Diderot, un matérialisme holiste

Les métaphores du Rêve de d’Alembert de Diderot illustrent un holisme

Alors j'ai pris beaucoup de précautions en m'exprimant parce que c'est une idée porteuse et riche la systémique (qui n'est pas sans lien avec le système, mais qui ne doit pas être réduit à cela et encore moins à la systématicité). Pour accompagner cette idée, il y a des mots qui sont similaires, comme «organisme», «holisme*»... et voilà qu'on pourrait imaginer des relations avec les pensées de philosophes comme Diderot dans Le Rêve de d'Alembert, où il utilise des métaphores - et j'avais pensé mettre ça aussi de l'avant - pour montrer c'est quoi l'organicisme, le vitalisme. Et là, ça s'opposerait à une vision mécaniste encore une fois, où là les choses sont dissociées et disséquées et divisées, alors que dans l'autre tout est relié. Donc l'idée de relation est très importante dans la systémique, et là ça rejoint la vision de la méta-ontologie puis de Marcello Vitali-Rosati.

L'humanisme numérique, une urbanité résistant aux silos selon Milad Doueihi 

De nouvelles sociabilité et une nouvelle culture lettrée, selon Milad Doueihi

Comment Milad Doueihi voit ça, la vision systémique, je voudrais me re-pencher sur ses textes, comme dans La grande conversion numérique. Mais disons qu'il s'inspire quand même du structuralisme de Lévi-Strauss pour parler d'un nouvel humanisme. Et il nous enjoint à permettre un peu à un jeu de se faire, parce que d'une certaine manière, c'est dans cette marge que se fait le changement. Et c'est ce que je disais dans mon mémoire: c'est un point commun avec Marshall McLuhan, et c'est ce qui faisait le lien aussi avec la littérature, justement. C'est que l'esprit humaniste habite leur démarche et ils espèrent qu'en les lisant on aura le goût de contribuer à un monde dans lequel il sera encore possible d'avoir une liberté, jusqu'à un certain point, tout en tenant compte des limites et de la finitude de cet environnement aussi. 

Conclusion

Le caractère global du numérique comme écosystème en fait une dynamique systémique

Si on dit que le numérique est une culture qui est caractérisée par le fait d'être systémique, on dit donc qu'elle présente des régularités à travers les différentes manières dont elle a pu se développer en différents lieux et à différentes périodes, et que les motifs qui peuvent servir à la dépeindre selon les différentes dimensions où elle se déploie : dans les pratiques en éducation et en recherche, avec l'apparition du mouvement des humanités numériques, dans le domaine des réformes gouvernementales et des secteurs institutionnels, avec la mise en place de dispositifs favorisant la concertation et la consultation du public, présentent aussi certaines analogies... Ce qui a pour conséquence qu'une culture numérique devrait être capable de soutenir l'émergence de variantes sur le thème de son motif fondamental. 

Et une vision du monde comme systémique (si on considère que le numérique n'est rien d'autre que la révélation de ce que le monde lui-même, dans son être, a un caractère systémique) en fait un conception du monde où le devenir, non pas suivant un chaos mais avec une liberté définit mieux le cosmos que l'être au sens parménidéen (d'une sphère pleine et ne connaissant pas le changement).

La notion de complexité appelle-t-elle nécessairement celle de système ? Un système peut être assez simple. Mais la complexité peut conduire au chaos. Le monde numérique est-t-il forcément chaotique ? Comme on le verra il est possible qu'il «tourne mal», mais il est peut-être d'abord et avant tout caractérisé par le dynamisme. Il faudra aussi définir ce terme.

Rappel du lien avec le dynamisme

Nous nous répétons peut-être mais «la systémique» (le nom) pointe vers la dynamicité (la propriété abstraite), et le «dynamisme» exprime le fait que ce potentiel d'évolution qui était dans le «système» est activé. Maintenant on évite de parler de «système» pour ne pas réduire ce réseau de relations en équilibre instable à une substance qui serait figée. Par contre, différentes dynamiques articulées de manière rigoureuse entre elles peuvent constituer un système.

Retour sur la crainte d'une totalisation

Mais pour répondre à la crainte que la systémique ne débouche sur une vision totalisante du réel, ce qu'elle est d'ailleurs, naturellement, nous relierons les idées de multiplicité et de médiation dans le principe de «dynamisme» du réel comme le numérique nous aide à mieux le comprendre. Il faudra cependant relativiser cette relation que nous proposons entre dynamisme et liberté pour ce qui touche aux aspects techniquement déterminés de la vie à l'époque du numérique, car ceux-ci impliquent, jusqu'à présente, une discrétisation qui a pour corollaire une vision binaire des possibilités d'être, en plus d'isoler les parties du tout et de couper les copies qui circulent de leur source concrète et continue.

Paradoxe qui nous révèle cette propriété : le manque de connaissance du contexte

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Revenir à la première propriété :  la complexité

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Remonter à l'examen de l'ensemble des propriétés fondamentales du numérique

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Intégré par Fabrice Marcoux, le 18 mai 2023 14:51
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théorique, dynamiques, fondements, environnement, propriété

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Publication

18 mai 2023

Modification

1 juillet 2023 16:50

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