Paradoxes de se doter d'une stratégie numérique

Sachant que le numérique est une culture, il ne peut pas être envisagé que comme un moyen, mais il se peut qu'il s'agisse d'un culture ouverte qui ne nous dicte pas de fins. Elle serait alors une invitation à nous doter de fins qui nous permettront de sentir que nous cheminons vers un sens. À défaut d'effectuer collectivement cet effort de nous donner une orientation, nous risquons fort d'avoir le sentiment de travailler en vain. 

C'est pourquoi, le premier paradoxe qu'il semble y avoir à se doter d'une stratégie numérique dans ce contexte est la confusion concernant le but. On pense qu'on va réussir à se démarquer en mobilisant divers moyens associés au numérique, mais en réalité on se conforme à une approche du marketing qui n'a pas davantage de raison d'être que les anciennes.

Le second paradoxe est le manque de connaissance du contexte. On peut bien vouloir faire en sorte que notre action ait un sens en clarifiant notre but. Mais si nous ne comprenons pas mieux comment fonctionne le monde dans lequel nous vivons, et en particulier quelles sont les forces qui le façonnent différemment maintenant que le web nous fournit un milieu permettant des interactions constantes et que l'internet des objets fait que la choix de cliquer ou ne pas cliquer quelque part contribue à modifier le monde réel (en rendant ce lieu plus ou moins populaire ou pertinent au point de vue des moteurs de recherche, et donc au regard du public également), des principes éthiques renforcés devraient nous conduire à réaliser que la portée de notre action est à la fois plus politique et plus ambiguë. Mais cela est aussi lié à une structure du réel qui nous est révélée par le numérique, à travers la théorie de l'éditorialisation

Le troisième paradoxe est le fait qu'on a tendance à négliger la dimension collective qui devrait d'emblée être associée à toute démarche de stratégie numérique, alors que cela vient appauvrir l'intérêt d'une stratégie de découvrabilité par exemple que de ne pas la construire autour de visées qui dépassent l'intérêt individuel comme l'éducation du public, le fait de se doter d'un vocabulaire commun et l'engagement à partager le fruit des connaissances acquises entre pairs mais aussi avec des partenaires et des alliés potentiels faisant partie de cercles plus larges. Dans ce cas-ci il est clair que c'est en partie parce que le travail de conception de la stratégie devient plus complexe notamment parce qu'il faudra prendre en considération les contraintes pratiques associées à la mise en œuvre d'une telle stratégie impliquant de nombreux acteurs, avec des statuts (et des droits d'accès aux documents) différents. Or cela est justement un faux argument pour refuser d'aller dans cette direction, car c'est la seule véritablement viable. Car la complexité en question est justement une caractéristique que le numérique comme culture et comme mode d'organisation de l'action qui donne lieu au monde d'une manière plus riche en possibilités mais aussi accompagnée d'un plus grand nombre de risques en lien avec l'interdépendance entre de très nombreux éléments de sorte que les relations de notre action avec des évènements apparemment éloignés peuvent être physiques. 

Reprenons ces paradoxes un à un. Chaque présentation de ceux-ci conduira vers une note qui leur est consacrée.

Confusion concernant le but

Face aux transformations importantes associées à l'adoption généralisée des NTIC, on devrait probablement prendre le temps de redéfinir sa mission par rapport aux enjeux qui se dessinent.
Mais actuellement, les moeurs sont endoctrinées par le principe de «livrer la marchandise». On dirait que c'est devenu le credo universel. Et la marchandise à livrer, ça peut être un produit ou un service, mais de manière générale, c'est la «satisfaction du client».
On le voit, le projet de se donner une stratégie numérique semble lancé sur des bases bancales, parce qu'il y a une confusion au départ concernant le but.

On confond le marketing avec la vision qu'on devrait avoir de soi-même et de son but

Premier paradoxe

Le premier paradoxe me semble être lié au fait que le terme «numérique» entraîne des associations d'idées qui donnent l'impression qu'on peut changer le monde en utilisant ces nouveaux outils, mais on ne réalise pas qu'il faudrait d'abord avoir un but clairement défini allant dans une direction différente de ce qui est généralement poursuivi comme but par les compagnies..., pour espérer faire avancer les choses vers une plus grande liberté ou un plus grand bonheur.  Alors que cela semble une base bien précaire pour innover vraiment si on ne fait que reconduire le credo voulant qu'il faut «être efficaces», en misant principalement sur la possibilité que les outils numériques nous donnent d'économiser du temps, pour améliorer notre bilan. Admettons, c'est peut-être la première chose à mettre de l'avant,... Ou alors est-ce que ça ne serait pas plutôt qu'il faut faire des effets spéciaux ? Dans le cas des médias, on se demande ce que ça ajoute à la vérité ? Faire des balados, en tous cas, serait devenu incontournable, pour les pros de l'information comme pour les amateurs : la conversation doit être portative... Mais ce qui est vraiment indispensable, comme le pain et l'eau, c'est d'avoir un site web qui est repérable, découvrable, bien référencé, etcaetera. Autrement dit, on ne remet pas en question ce qu'on a à montrer, dire ou proposer. La difficulté tourne tout de suite autour de la question du comment plaire, rejoindre, convaincre et «convertir». L'ensemble des préoccupations tournent autour de ces questions de visibilité qui relèvent finalement d'un marketing boosté aux algorithmes... mais des algorithmes dont on connaît que dalle, mais qu'on essaye de deviner, puis on tient compte de certains effets sur lesquels on a plus de contrôle et on espère que ça va être payant. Autrement dit, finalement on a des valeurs héritées du capitalisme, avec une préoccupation principale qui est l'optimisation de la productivtié, qui représente encore le coeur du problème de la stratégie pour nous. On intégré complètement la logique de la concurrence qui gouverrne l'économie de marché, et on applique ça, dans ce contexte-ci, alors que ce serait peut-être l'occasion de réviser cette obsession du rendement. Surtout si celui-ci n'est que financier , sans égard à la signification du travail qui est derrière. Pourtant, ce serait l'opportunité d'inventer d'autres visées, de se démarquer par le fait qu'on est non seulement à but non lucratif, mais à but louable (du latin laudare). Si on est différent, on devrait pouvoir se démarquer différemment. Quel sens y a-t-il à être différent et imiter les compagnies qui visent le profit ?

Poursuivre la lecture sur le  premier paradoxe : confusion concernant le but

Propriété fondamentale que cela laisse deviner : le dynamisme 

Manque de connaissance du contexte

L'importance de bien connaître le contexte «tombe sous le sens». Le contexte est quelque chose d'englobant. L'environemment, le monde, la culture, ce sont des contextes... et nous en faisons partie, avec nos langues, nos croyances, nos valeurs... notre soi.

Après avoir proposé une première analagie pour illustrer à quel point une bonne connaissance du contexte est importante, nous présenterons une nouvelle analogie qui nous paraît tout aussi parlante.

On ne connait pas la nature du «jeu» numérique alors comment y déployer une stratégie ?

Second paradoxe

Le second paradoxe est que pour bien jouer le jeu du numérique, encore faudrait-il comprendre le but du jeu et comprendre les règles du jeu. Or ici, on connaît même pas la nature du jeu. Est-ce un jeu de société, ou est-ce que c'est un jeu de patience, ou est-ce un jeu de stratégie, justement ? ... Parce que c'est seulement en fonction d'une interprétation minimale de ce qu'est l'intention derrière le monde, qu'on peut espérer conduire une action qui ait du sens.

Donc le paradoxe, ici, c'est qu'on est tout de suite concentré sur les moyens lorqu'on pense «stratégie» parce qu'on pense pratique.

Il faut d'abord connaître, comme je le disais, quel est le jeu ou le non-jeu dans lequel on évolue, et quelles sont ses règles... Et puis, à partir de là, sachant comment ça fonctionne, disons le monde dans lequel on vit, se situer et voir comment on peut «tirer son épingle du jeu»...

Le côté paradoxal de ça: c'est que, pour arriver à discerner... à avoir la perspicacité de percevoir des structures générales du monde numérique, il y a un savoir à développer qui est plutôt théorique... et qui est nécessaire pour saisir que le numérique, ce n'est pas uniquement qu'il y a beaucoup de médias sociaux autour de nous,.. Oui, c'est ça, mais ce n'est pas ça surtout. C'est autre chose.
Pour être stratégique, il faudait voir au-delà de ce qui est épatant dans les innovations ... pour repérer ce qui est, d'une certaine façon, vraiment fondamental.

Poursuivre la lecture sur le deuxième paradoxe : manque de connaissance du contexte

Propriété fondamentale que cela laisse deviner : systémique 

La perspective collective est négligée

Le paradoxe suivant provient de ce qu'on néglige de miser de manière prioritaire sur ce que la valorisation du caractère collectif de notre action pourrait apporter, et qui semble être une grande opportunité ouverte par les déplacements que le numérique opère, notamment parce qu'il facilite le fait de nous mettre en relations de manière presque constante, même à très grande distance, comme si nous étions réunis en un même lieu pour délibérer, mais de manière décentralisée.

Une stratégie devrait être définie en misant sur le collectif or elle l'est rarement

Troisième paradoxe

La sagesse comme le bon sens commandent que l'on fasse le meilleur usage possible de notre force, de notre intelligence, de nos talents, compétences et capacités. 
Mais le potentiel que la possibilité de se concerter pour faire avancer des projets collectifs nous apporte en termes de dépassement de soi est à nul autre pareil. Parce que «l'union fait la force», comme on dit. Et voilà, ce n'est pas nouveau encore une fois, mais c'est de plus en plus pertinent, alors il faut en tenir compte. Faute de quoi, l'un des principaux atout d'une civilisation numérique nous file entre les doigts.

On peut comprendre que chaque organisation, voire même chaque personne, ait besoin d'une stratégie numérique propre à elle. Car, si certains conseils généraux méritent d'être considérés dans la plupart des domaines d'activités, chaque secteur a ses particularités et chaque acteur dans ce secteur a des caractéristiques, une histoire, et une situation uniques. Par contre, toute stratégie bien réfléchie devrait intégrer de manière constitutive la prise en compte des opportunités de former des partenariats de s'associer à d'autres acteurs partageant des intérêts... et de cultiver la collaboration comme moyen de s'enrichir mutuellement pour le bénéfice de la collectivité.

Poursuivre la lecture sur le troisème paradoxe : la perspective collective est négligée

Propriété fondamentale que cela laisse deviner : la complexité

Sur la piste d'autres paradoxes

Pour un aperçu des paradoxes qu'il peut y avoir à se doter d'une stratégie numérique, veuillez lire cette note provenant d'un autre carnet sur cette problématique en cours d'écriture. 

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Intégré par Fabrice Marcoux, le 17 mai 2023 15:37
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culturelle, valeurs, liens entre différents sujets, stratégie, paradoxe

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17 mai 2023

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22 février 2024 19:32

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