Que goûte le bifteck des marchés fermiers ?


Les marchés fermiers sont l’un des circuits permettant de s‘approvisionner en produits locaux. Parmi les facteurs motivant l’achat local figurent, selon une enquête menée aux États-Unis, la fraicheur, la volonté de soutenir l’économie locale et le goût. Malgré l’existence de références nationales sur la viande de boeuf conventionnelle, on en sait très peu sur la façon dont les circuits courts se comparent aux mêmes produits vendus en épicerie. C’est principalement ce que les auteurs de cet article ont voulu tester.

Pour y arriver, les chercheurs ont collecté 116 morceaux de viande de boeuf dans 21 marchés fermiers au Texas, répartis également entre trois catégories de steaks prisées par les consommateurs pour leur tendreté et leur finesse : le filet, le haut de surlonge et la longe supérieure. Dans des proportions similaires pour chaque catégorie et à des fins de comparaison, 60 morceaux de viande ont été collectés dans trois épiceries représentant trois grandes chaines de distribution. Même si les morceaux étaient vendus congelés au marché fermier alors qu’ils étaient frais dans les épiceries, les chercheurs ont veillé à ce qu’ils reçoivent un traitement adapté et comparable jusqu’à la cuisson. Une attention a aussi été portée au respect des normes sanitaires et à certains éléments de marketing (label, prix) dans les marchés fermiers. Outre certaines mesures objectives, un panel de 80 consommateurs a été mis à contribution pour apporter leur appréciation générale ou spécifique des propriétés sensorielles (tendreté, saveur, jutosité) des morceaux de viande qui leur ont été présentés en aveugle et de façon aléatoire. Les résultats indiquent, notamment, une appréciation meilleure pour le bifteck d’épicerie sur le plan général et au niveau de la tendreté alors qu’aucune différence significative n’a été trouvée entre viande issue des marchés fermiers et viande issue des épiceries pour ce qui est de la saveur et de la jutosité.

Circuit de commercialisation et goût de la viande

D’abord, des mesures objectives ont été réalisées. Le test de tendreté basé sur les propriétés mécaniques de coupes de viande issues des marchés fermiers indique que les différences de tendreté selon le type de morceau (filet, haut de surlonge, longe supérieure) sont comparables aux différences observées dans l’industrie par d’autres auteurs. Mais l’évaluation faite par les consommateurs ne confirme pas ce que les tests montrent et n’a pas révélé de différences de perception de la tendreté selon le type de bifteck. D’autres différences de mesure ont été rapportées selon le type de morceau quant à l’épaisseur et le poids du morceau ainsi que l’épaisseur de son gras.

Les résultats les plus intéressants sont ceux issus de la comparaison entre viandes venant des marchés fermiers et celles provenant des épiceries. Les marchés fermiers offraient globalement des coupes plus épaisses, mais aucune différence significative dans l’épaisseur du gras n’a été enregistrée. Ces différences d’épaisseur, systématiquement plus élevées pour un même morceau de bifteck dans les marchés fermiers, sont attribuées par les auteurs à des techniques de coupe peu efficaces, laissant des bords déchiquetés et inégaux. D’autres hypothèses sont également évoquées comme l'âge à abattage, la race ou encore l'alimentation de l'animal. Or cela peut affecter la qualité de la cuisson et par conséquent les qualités sensorielles du produit à la consommation. Le temps de cuisson du bifteck des marchés fermiers s’est d’ailleurs révélé significativement plus élevé que celui des épiceries.

En ce qui concerne l’évaluation faite par les consommateurs, les morceaux de bifteck issus des épiceries obtiennent un score d’appréciation générale et un score de tendreté plus élevés que ceux des marchés fermiers. Cependant, aucune différence significative n’est observée en matière de jutosité et de saveur de la viande selon la source de l’approvisionnement. L’absence de différence de saveur a surpris les auteurs compte tenu des différences de temps de cuisson. Il était attendu, conformément à d’autres études sur la relation entre temps de cuisson et saveur, que le bifteck des marchés fermiers soit jugé plus savoureux que celui des épiceries.

Le dernier groupe de résultats concernait le respect des normes sanitaires et certains aspects du marketing des produits (labels, niveaux de prix) dans les marchés fermiers. La plupart des marchés fermiers font l’objet d’une inspection gouvernementale. En ce qui concerne le signalement de la qualité des produits, une batterie de labels est utilisée, certains étant plus populaires (« 100% naturel », « nourri à l’herbe », « avec influence du boeuf d’Angus ») que d’autres (« Consommez Texas », « biologique »). En réalité, le label « 100% naturel » devient un substitut du label « biologique ». En effet, ce dernier exige une certification au coût jugé prohibitif par plusieurs producteurs. Quant au prix, il est défini soit par paquet soit par unité de poids et des différences sensibles ont été observées selon la modalité choisie et le type de morceau concerné.

Enseignements

Il n’est pas si fréquent de disposer de résultats de recherche visant à comparer les qualités organoleptiques de produits vendus en circuits courts avec leurs concurrents vendus en épicerie. Dans cet article, les auteurs estiment que les aspects techniques empêchant l’obtention de coupes de viande uniformes, ainsi que les possibles confusions autour de l’étiquetage, sont les deux grands problèmes à corriger dans les marchés fermiers. On peut toutefois s’interroger sur l’influence que pourraient avoir les standards proposés par l’industrie (épaisseur, tendreté, uniformité du produit, …) sur la formation du goût des consommateurs. Le produit artisanal vendu en circuits courts peut-il et doit-il ressembler au produit industriel ? Cet article, écrit par des spécialistes des technologies alimentaires et des productions animales ne pose pas la question. D’autres études comparatives portant, par exemple, sur les fruits, les légumes ou les oeufs, seraient quoi qu’il en soit bienvenues.

pdf N°8, fiche n°3 - décembre 2019 - janvier 2020

Fiche n°3, Bulletin n°8 – décembre 2019 – janvier 2020
Rédaction : Stevens Azima & Patrick Mundler

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Intégré par Anne-Sophie Thomas, le 27 octobre 2023 11:28
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Circuit court, Technologie, Biologique, Fiche

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Publication

1 décembre 2019

Modification

13 novembre 2023 13:47

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