Circuits courts : le rôle des collectifs agricoles

Dans un numéro spécial consacré aux « Collectifs agricoles », nous avons sélectionné deux des articles en lien avec les circuits courts. Les deux présentent des recherches conduites en Europe. Le premier (Frayssignes et al.) analyse les enseignements issus de 74 entretiens avec les représentants de 17 collectifs (réseaux de vente en ligne, plateformes, magasins de producteurs) situés dans le Sud-Ouest de la France. Le second (Noël et al.) compare les stratégies déployées par deux collectifs, l’un en France, l’autre en Belgique, pour améliorer la viabilité sociale, économique, environnementale et la contribution des circuits courts au développement local dans des contextes régionaux contrastés. Dans l’ensemble, ces deux articles offrent des entrées distinctes sur le potentiel de contribution des collectifs agricoles à la relocalisation, la territorialisation et la viabilité des circuits courts. 

Article 1 : les collectifs agricoles et les défis posés par la relocalisation alimentaire

Le lien entre les circuits courts et le mouvement de relocalisation alimentaire est largement reconnu et fréquemment évoqué. Cette relocalisation est souvent présentée comme un double rapprochement, à la fois physique (spatial) et relationnel entre producteurs et consommateurs. Pour autant, les auteurs constatent que l’aspect relationnel des circuits courts est surreprésenté dans les recherches alors que l’aspect spatial a été progressivement mis au second plan. Or, estiment-ils, cet aspect géographiquement local (pour autant qu’on ne le considère pas comme automatiquement vertueux) mérite d’être mieux étudié. Les auteurs notent néanmoins une certaine confusion entre territorialisation et relocalisation. Pour leur part, tout en considérant la relocalisation comme un des aspects de la territorialisation, ils notent que cette dernière englobe également des enjeux de gouvernance alimentaire faisant intervenir l’ensemble des acteurs régionaux, au-delà des activités productives visées par le projet de relocalisation.

Partant de ce souci de revisiter l’aspect spatial ou géographique de l’alimentation locale, les auteurs se concentrent sur le rapport des acteurs impliqués dans les activités productives au sein des collectifs avec l’espace géographique dans lequel ces activités se déploient. Cette « relocalisation vécue », comme l’appellent les auteurs, questionne la portée réelle des circuits courts en matière de relocalisation, au regard des échelles et des volumes permis par les circuits courts. Les entretiens suggèrent que, bien que les participants en retirent certains bénéfices individuels (notamment sur le plan économique), ils restent dubitatifs sur la capacité de ces circuits à relocaliser significativement les activités agricoles. Ils signalent en particulier la faiblesse des volumes qui circulent et le caractère encore marginal de ces démarches. En revanche, les circuits courts facilitent l’établissement des nouveaux agriculteurs et c’est à ce niveau que les collectifs semblent particulièrement utiles pour augmenter leur « force de frappe » territoriale, malgré la méfiance dont ils peuvent être l’objet. Néanmoins, les producteurs rencontrés diversifient les stratégies et les circuits (courts et longs, individuels et collectifs), ce qui en même temps peut affaiblir leur impact local, mais au profit d’une plus grande autonomie et sécurité. En dernier lieu, les participants signalent un paradoxe dans le fait que les circuits courts peinent à soutenir la croissance qu’ils peuvent occasionner : une demande pour plus de volumes s’accompagne d’un besoin de main-d’œuvre accrue, qui pour être financée amènerait à augmenter les volumes. Comme le remarque un participant : « c’est le serpent qui se mord la queue ». 

Article 2 : les collectifs, un rôle de levier dans la viabilisation des circuits courts

Le deuxième article analyse l’impact de deux collectifs (une association : Terroirs44 en France et une coopérative : Paysans-Artisans en Belgique) sur la viabilité des circuits courts. En dépit des différences de contexte géographique, social et politique entre les territoires d’implantation de ces initiatives, les deux collectifs multiplient les stratégies et les innovations afin de stimuler le développement des circuits courts dans leur région et les rendre plus vivables pour les producteurs impliqués. 

Ces collectifs contribuent ainsi au niveau des circuits courts : a) à leur viabilité sociale (formation et transmission de compétences, activités de sensibilisation du grand public, statut valorisant pour les producteurs afin d’améliorer leur reconnaissance professionnelle et leur visibilité); b) à leur viabilité économique (par la création d’emplois pour faciliter le travail des producteurs, l’adoption d’une politique de prix flexible et la multiplication des débouchés); c) à renforcer leur contribution au développement local (mise en avant d’un discours axé sur le terroir, dialogues et partenariats avec d’autres structures locales ou régionales). L’aspect environnemental est toutefois un peu négligé ou pris pour acquis, même si plusieurs stratégies sont aussi déployées à ce niveau également (échanges de bonnes pratiques agricoles, accent sur diverses « qualités » des produits et mutualisation de la logistique). 

Les enseignements

Les circuits courts reposent in fine sur la rencontre entre des consommateurs et des agriculteurs et sur l’alchimie particulière que cette relation induit. Dans ce domaine où les relations individuelles sont si prégnantes, le rôle et la gouvernance des collectifs de producteurs sont toujours délicats. Les différents terrains décrits ici témoignent du fait que ces collectifs sont capables de stimuler le développement des circuits courts, en accompagnant les producteurs (formation, planification) et en facilitant la mutualisation de diverses ressources afin d’alléger certaines charges, voire en stimulant l’attractivité du territoire ou du métier pour de nouveaux entrants. Reste à étudier de plus près la propre viabilité de ces collectifs, qui peuvent être eux aussi aux prises avec des défis internes et externes (manque de participation des membres, problèmes de financement,etc.), afin qu’ils soient capables de pérenniser leur présence dans le mouvement de relocalisation alimentaire.

pdf N°17, fiche n°2 - juin 2021 - juillet 2021

Fiche n°2, Bulletin n°17 – juin 2021 – juillet 2021
Rédaction : Stevens Azima & Patrick Mundler

Ce bulletin vous est offert avec le soutien du Partenariat canadien pour l’agriculture.

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Intégré par Anne-Sophie Thomas, le 13 octobre 2023 11:26
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Circuit court, Financement, Fiche

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Publication

1 juin 2021

Modification

10 novembre 2023 08:58

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